Par

Emma Derome

Publié le

3 août 2025 à 17h32

« Tous les jours, c’est l’anniversaire de quelqu’un ici ! » Karoline, tenancière du café Chez Peste et Chipie, quartier Saint-Jacques, à Nantes, ne peut se résoudre à enlever la banderole « Bon anniversaire » qui traverse son établissement. En cette veille de week-end d’été, on découvre son café, qui ressemble à s’y méprendre à une maison chaleureusement bordélique. On passe la porte de cette véritable caverne d’Ali Baba, attiré par la musique qui s’en dégage : c’est soirée jam.

En journée, il faut sonner pour entrer, mais il y a toujours quelqu’un pour vous accueillir, que ça soit moi ou les gens qui sont là.

Karoline, patronne de Chez Peste et Chipie

Des musiciens s’affairent autour d’une chanteuse à la voix éraillée. Ils se retrouvent normalement tous les mercredis soir. La patronne, ses Dr Martens assortis de lacets léopard aux pieds et son t-shirt de skateuse sous sa salopette, s’affaire un peu partout, entre la plancha, la tireuse à bière et les requêtes farfelues de ses clients, comme « du bicarbonate de soude pour la digestion ».

Le café de Karoline est une véritable caverne d'Ali baba où les produits régionaux sélectionnés côtoient des objets improbables.
Le café de Karoline est un joyeux bordel où les produits régionaux sélectionnés côtoient une déco improbable. (©Emma Derome / Actu Nantes)Un lieu où l’on « crée du lien entre les gens »

Ce curieux « kafé », comme elle aime l’appeler, est à son image : aussi atypique qu’accueillant. Les rires fusent parmi les habitués, qui s’assoient entre une machine à coudre vintage et un renard empaillé, des colis Mondial Relay d’un côté et le coin pour les enfants de l’autre.

Derrière le billot de cuisine qui lui sert de comptoir, Karoline propose une ribambelle de produits locaux ; des bières artisanales, des vins de producteurs du coin, une collection impressionnante de saucissons et parfois des cookies maison. Le midi, c’est « krok » monsieur à composer, sur place ou à emporter.

Il faut dire que cette nordiste originaire de Valenciennes a la culture du café chevillée au corps : plus jeune, son plaisir était de s’asseoir en terrasse avec une bonne limonade, de regarder les gens passer, de sympathiser.

Les jeunes n’ont plus cette culture-là aujourd’hui. Mais c’est ce que j’essaye de faire perdurer : le contact humain, l’entraide… Ici, tu peux venir seul et discuter avec ton voisin sans que ça soit bizarre. C’est important de créer du lien social dans le quartier, entre les gens.

Karoline

Elle a donné vie à sa passion en ouvrant son affaire il y a six ans, après avoir d’abord tenu une guinguette sur les bords de Loire, à Saint-Sébastien, avec son van vintage. On la surnommait alors « Miss Ruby Combi ».

Ce soir là, c'est soirée jam.
Ce soir-là, les amateurs de musique du quartier se retrouvent pour un jam, une session d’improvisation. (©Emma Derome / Actu Nantes)« C’est ma vie ici »

Certains clients, devenus des amis, lui sont fidèles depuis cette époque. De son propre aveu, Fanny vient ici « pour un oui ou pour un non ». « C’est ma vie ici, on se connait depuis 10 ans, je peux venir seule ou avec mes enfants… Karo les a vus grandir. »

D’autres habitués sont venus chercher des colis et ne sont, pour ainsi dire, « jamais repartis ». C’est le cas de Rodolphe, un artiste du quartier qui vend désormais ses illustrations sur place, ou d’Irène, une retraitée qui habite juste en face, qui a même aidé Karoline à déménager sa maison.

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C’est notamment pendant le couvre-feu de 2020 que Karoline a compris l’importance de sa mission, alors que son commerce venait d’ouvrir. Elle s’occupait alors beaucoup des colis, vendait à emporter des paniers de légumes, des produits régionaux.

Les gens venaient pour échanger quelques mots, pour souffler un peu au milieu de cette ambiance lourde. Et les habitudes sont restées. Pour certain, je suis toujours le seul contact de la journée.

Ici, personne n’est mis à la porte, pas même ceux qui se sont perdus sur le chemin de l’hôpital psychiatrique Saint-Jacques. À de rares occasions, certains clients ont même dormi sur le canapé du fond. Dans la cour intérieure du bâtiment, où un vélo a été recouvert d’herbes folles, de gentils chiens rongent leur os devant un nouveau visiteur qui semble étonné par ce spectacle. « Je ne serais jamais venu si on ne m’en avait pas parlé. C’est bien la première fois que je vois un endroit pareil. »

Chez Peste & Chipie, 12 bd Joliot Curie, quartier Nantes Sud. Ouvert de 10 h à 22 h, sauf ateliers et soirées spéciales. Horaires à vérifier sur la page Facebook ou le compte Instagram.

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