Un an après la disparition en mer de Medhi Narjissi, une nouvelle génération du XV de France U18 se rend en Afrique du Sud sur les lieux d’un drame qui a bouleversé le rugby français et laisse encore sans réponse la famille du jeune joueur.

Sur la plage de Dias Beach, à proximité du cap de Bonne-Espérance, le jeune homme âgé de 17 ans participe ce 7 août 2024 à une séance de récupération avec ses coéquipiers des U18, venus disputer comme d’habitude l’International Series, une compétition qui se déroule cette année-là du 4 au 20 août.

Le jeune joueur du Stade Toulousain est emporté par les flots, piégé par les courants de cette plage réputée dangereuse. Son corps n’a pas été retrouvé.

Un juge d’instruction du parquet d’Agen, saisi de l’affaire à la demande de la famille Narjissi, a procédé début juin à la mise en examen de l’ancien manager des U18 Stéphane Cambos, après celle du préparateur physique Robin Ladauge, le 16 mai dernier, tous deux pour homicide involontaire.

Mi-septembre, la Fédération française de rugby (FFR) avait mis en cause dans un rapport d’enquête interne l’encadrement, estimant notamment que « la décision d’organiser une séance de récupération dans l’eau sur la plage de Dias Beach a été prise sans considérer la dangerosité du site ».

« La séance est pourtant mise en place, dans une forme d’improvisation qui rend possible le drame », note l’enquête administrative menée parallèlement par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), dans un rapport dont a pris connaissance l’AFP.

Pour les enquêteurs de l’IGESR, « le préparateur physique porte la responsabilité principale de la mauvaise organisation de cette séance ». Mais « le manager des U18 est responsable de pas avoir empêché, ni mis fin à temps à cette séance », ajoutent-ils.

« Ils se défaussent »

L’ancien manager Stéphane Cambos, qui a déposé une plainte visant la FFR pour dénonciation calomnieuse, estime dans ses réponses à l’enquête administrative que cette séance de récupération a été organisée « à la seule initiative » du préparateur physique, qui aurait « désobéi à l’autorité fonctionnelle du manager ». Mis en cause, Robin Ladauge affirme au contraire que des discussions ont eu lieu prélablement à cette séance et pointe « l’absence d’opposition » du manager.

« Ils se défaussent, ils se rejettent (la responsabilité). Au lieu d’assumer ! », déplore dans un entretien à l’AFP Djalil Narjissi, ancien talonneur et père de Medhi.

Au-delà des mises en examen de Robin Ladauge et Stéphane Cambos et du débat entre l’initiative personnelle ou le dysfonctionnement collectif ayant mené au drame, se pose également la responsabilité des autres encadrants et de la Fédération. « Ce ne sont pas seulement ces deux personnes, il y avait plusieurs adultes sur la plage. En tant qu’adultes, ils peuvent s’opposer », dénonce Valérie Narjissi, la mère de Medhi.

Dans son rapport, l’IGESR charge plus généralement la FFR, évoquant notamment une « préparation défaillante du séjour », et les « missions insuffisamment formalisées » des différents encadrants des U18. Le père du défunt dénonce également les « manquements graves » et « l’accumulation de fautes » dans la préparation du séjour.

Pour la Fédération française, ces défauts de préparation, qu’elle ne nie pas et relie à l’héritage auquel elle estime faire face, sont à séparer du drame qui relève selon elle des responsabilités de l’encadrement.

La FFR a cependant fait évoluer son organisation pour les séjours de jeunes : les 28 joueurs U18 présents cette année en Afrique du Sud afin de disputer l’International series auront des procédures d’encadrement renforcées, relevant de celui de l’accueil collectif de mineurs, dont sont normalement exemptées les compétitions sportives.

Maillots floqués au nom de Medhi, minutes de silence lors des matches : différents hommages seront également rendus sur place par la Fédération et son président Florian Grill, et par les parents, qui espèrent aussi des avancées de l’enquête ouverte en Afrique du Sud. « Notre raison de rester debout, c’est la vérité pour Medhi », conclut Djalil.