À peine huit heures du matin, et ils ont déjà sorti leur plus belle bouteille de Ricard. « Je suis un des seuls au monde à posséder une bouteille de 1932, une des premières séries que Paul Ricard a sortie », raconte William Barbance. Ce collectionneur venu d’Agde accumule les objets de la marque Ricard depuis trente ans. Sur le bateau qui relie le port du Brusc à l’île des Embiez, sa camionnette est pleine à craquer. « Je trouve tout sur Internet ou auprès des anciens commerciaux de la marque Ricard à la retraite », explique-t-il.

Une dizaine de fadas de la marque d’apéritif anisé se sont ainsi donné rendez-vous ce week-end, sur l’île qui appartient à la famille Ricard depuis 1958. Certains ont même dormi sur place la veille, afin d’être prêts dès l’arrivée des premiers visiteurs qui débarquent par la navette maritime, à 7h30. Des milliers de produits dérivés de la marque aux couleurs jaune et bleu sont disposés sur les étals.

Un sweat Ricard, sinon rien

« Je voulais absolument un sweat Ricard et je me suis levée tôt pour l’acheter », sourit Lisa, 28 ans, en sortant un billet de 50 euros. Le bob réversible, un classique de l’été, est à 10 euros. Et pour faire l’acquisition d’un pichet blanc original des années 50, il faut débourser entre 100 et 150 euros. Mais les prix peuvent grimper bien plus haut: « L’an dernier un pichet est parti à 3.000 euros! », assure un vendeur.

Parmi les objets insolites, qui se négocient entre connaisseurs chevronnés, un pichet en bois apparu dans une publicité télévisée, une scène détournée de King Kong qui sert du champagne à une actrice affichant sa préférence pour du Ricard. Et ce slogan devenu culte: « Un Ricard, sinon rien. » Le pichet musical avec une boîte à musique intégrée et qui joue « Samba Ricard » fait aussi partie des trésors les plus recherchés.

« Le Graal, c’est le pichet tambourin »

« Le cendrier avec un pêcheur un peu pochetron tenant une bouteille de Ricard au bout de sa canne, on n’en connaît que deux dans le monde », avance Philippe Floch, intarissable sur l’histoire de la marque et organisateur de la journée des collectionneurs. « Tous ces objets sont maintenant interdits à la vente, sauf dans la boutique officielle à Marseille, mais ce sont des produits récents », explique-t-il.

Pour ces amateurs de petit jaune, « le Graal c’est le pichet tambourin d’un litre », qui représente un santon de Provence jouant du tambourin. Un objet fait main. Chaque pièce unique est ainsi revendue entre 3.000 et 4.000 euros, à cause de sa rareté. « Paul Ricard les offrait aux meilleurs commerciaux de l’année. Donc quand il y en a un à vendre, c’est la guerre pour l’avoir! », raconte Jean-Claude Clerc, un Drômois qui a accumulé près de 2.000 produits dérivés de la célèbre boisson « made in Marseille ».

Un musée dans la maison

Parmi les aficionados de la première heure, David Lantheaume a carrément construit… un musée dans sa maison! « J’ai commencé en 2011 avec un distributeur de cure-dents. Et aujourd’hui j’ai 4.200 objets exposés dans une pièce de huit mètres sur douze », raconte le brocanteur, qui vient de faire l’acquisition d’un casque de « fire girl » porté par les hôtesses de la marque déguisées en pompier et qui servaient des Ricard avec un extincteur dans le dos, entre 1995 et 2000.

Gilles Thiriot, originaire de Vergèze dans le Gard (une commune plutôt connue pour son eau minérale gazeuse) a lui aussi attrapé le « virus ». Une passion dévorante. Il raconte: « Au début j’ai collectionné les verres à ballon. Il y en avait partout dans le salon, ça a commencé à gonfler… Donc j’ai construit une pièce Ricard de 50m2 au premier étage! »

« Trouver la pièce rare »

Luc Leys est venu de Belgique avec sa femme pour exposer sa collection de verres à ballon. Des pièces valant jusqu’à 100 euros l’unité! Juste en face, Hervé et Laurence partagent la même passion. Le couple de Dijonnais profite de la journée pour revoir « les copains »: « Pour nous, c’est avant tout un plaisir de venir passer le week-end sur cette île magnifique. Même si on vient toujours dans l’espoir de trouver la pièce rare qu’on n’a pas… »

« Moi j’ai commencé par un plateau apéro et après on se prend vite au jeu », reconnaît Julien, originaire de la région de Montauban. Une véritable addiction. Les connaisseurs, comme William Barbance, savent consommer leur petit jaune avec modération: « Bien sûr que je suis consommateur de Ricard, mais j’en bois le moins possible car ma santé ne me le permet pas. Ma femme, elle, en boit tous les jours! »