Les Etats-Unis et l’UE sont parvenus à un accord sur les droits de douane. Désormais, à quoi faut-il s’attendre? Décryptage.


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L’accord prévoit des droits de douane de 15% sur la plupart des exportations de l’Union européenne (UE) vers les Etats-Unis, soit moitié moins que les 30% que l’administration américaine avait menacé d’imposer si aucun accord n’était conclu avant le 1er août.

Selon le président Trump, l’UE se serait engagée, dans le cadre de cet accord, à acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie américaine, à investir 600 milliards de dollars aux Etats-Unis (en sus des investissements existants) et à acquérir des «montants importants» de matériel militaire américain.

Les détails précis n’ont pas encore été divulgués et des questions subsistent quant à la faisabilité et aux mécanismes des achats, aux accords d’investissement et à l’interaction entre le taux de 15% et les taxes douanières potentiellement plus élevées qui pourraient être appliquées en vertu de la section 232 (par exemple aux produits pharmaceutiques). Mais quoi qu’il en soit, l’accord commercial sera probablement considéré comme positif à court terme pour les économies et pour les investisseurs tant européens qu’américains.

Quel est le contexte?

Le S&P 500 a gagné près de 30% depuis son plus bas d’avril, lorsque les inquiétudes liées à la politique commerciale américaine étaient à leur summum. Cette progression de l’indice reflète la conviction qui s’est peu à peu imposée chez les investisseurs que les négociations entre les Etats-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux finiraient par aboutir à des accords.

Les accords commerciaux avec le Royaume-Uni, le Japon et l’Indonésie, la pause sur les droits de douane avec la Chine, et l’assouplissement des restrictions s’appliquant aux puces d’intelligence artificielle (IA) ont conforté le marché dans cette idée. Les récents indicateurs laissent par ailleurs penser que l’économie américaine a bien résisté. Le sentiment du marché a aussi été soutenu par la poursuite des investissements des géants technologiques dans l’IA.

L’accord entre les Etats-Unis et l’UE était considéré comme l’un des plus difficiles à conclure étant donné la multiplicité des parties prenantes au sein de l’UE, les nombreux enjeux susceptibles de peser sur les discussions et la rhétorique offensive de ces derniers mois. L’accord devrait donc être considéré comme une étape majeure vers la résolution du conflit commercial et, dans l’immédiat, le marché devrait bien l’accueillir.

Accentuation de la volatilité en vue

Toutefois, au regard de sa forte hausse de ces dernières semaines, le marché semble avoir déjà intégré pas mal de bonnes nouvelles et les investisseurs feraient bien de se préparer à une éventuelle accentuation de la volatilité dans les semaines à venir.

Le marché appréciera sans doute l’amélioration de la visibilité sur les relations commerciales entre les Etats-Unis et l’UE, mais il n’en demeure pas moins que le niveau des droits de douane américains a pratiquement été multiplié par six par rapport à celui qui prévalait avant le «Jour de la libération».

Les effets de la hausse des droits de douane commencent à se ressentir dans l’économie américaine et l’incertitude continue de planer sur l’ampleur, la répartition des coûts et les éventuels effets de second tour. Dans les jours et semaines à venir, les chiffres de l’emploi, de l’inflation et des ventes de détail seront passés au peigne fin.

L’importance des droits de douane sectoriels

Par ailleurs, les discussions se poursuivent sur les droits de douane sectoriels qui pourraient être imposés en vertu de la section 232. La visibilité en la matière reste faible et il est difficile de dire comment de telles taxes douanières interagiront avec les accords conclus avec les différents pays, mais les répercussions économiques des droits de douane sectoriels pourraient être plus lourdes que celles des taxes douanières générales.

Les droits de douane sectoriels pourraient s’avérer plus importants encore si la justice américaine ne reconnaissait pas à l’administration américaine le pouvoir d’imposer des taxes douanières en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act, sur lequel le président Trump s’était appuyé pour justifier les droits de douane réciproques annoncés le «Jour de la libération», soit le 2 avril.

La possibilité que l’administration américaine revienne sur les accords commerciaux déjà conclus et qu’elle continue à utiliser les droits de douane comme un outil de négociation ne peut non plus être totalement exclue.

Comment investir?

  • Se préparer à la volatilité du marché

On table sur une hausse du marché dans les douze prochains mois sur fond, notamment, de meilleure visibilité sur le front des droits de douane. Toutefois, dans la mesure où les marchés ont déjà réalisé un beau parcours et qu’ils intègrent une bonne partie des bonnes nouvelles, ils pourraient subir de la volatilité à court terme.

Les investisseurs dont l’exposition aux actions est déjà conforme à leurs objectifs stratégiques devraient envisager des couvertures à court terme. Ceux qui sont sous-exposés aux actions devraient, quant à eux, se préparer à renforcer leurs positions en profitant des éventuels replis du marché dans les semaines à venir.

  • Investir dans l’innovation transformationnelle

Les investisseurs peuvent profiter de la volatilité pour s’exposer aux thèmes de croissance structurelle, notamment l’IA, l’énergie et les ressources et la longévité, lesquels devraient dégager de belles performances dans les années à venir. Concernant l’IA, une exposition diversifiée aux infrastructures, aux semiconducteurs et aux applications devrait permettre de tirer parti de l’adoption et de la monétisation croissantes de cette technologie.

Le thème de l’énergie et des ressources devrait continuer à être soutenu par l’explosion de la demande d’électricité. Le thème de la longévité est, quant à lui, porté par l’évolution démographique et par l’innovation rapide dans les domaines de la santé, des technologies médicales et du bien-être.

  • Acheter des obligations de qualité

Les obligations investment grade et de haute qualité présentent, sans doute, un profil risque/rendement attrayant. Les rendements restent relativement élevés. Au regard de la faiblesse des écarts, le profil risque/rendement des obligations à haut rendement et des prêts seniors paraît, en revanche, moins intéressant.

En matière de duration, on privilégiera les échéances intermédiaires (cinq à sept ans) étant donné les risques d’accentuation de la volatilité sur la partie longue de la courbe.

  • Gérer les risques politiques

L’or reste, certainement, un moyen efficace de couverture contre les incertitudes géopolitiques et politiques, dont celles planant sur l’indépendance de la Réserve fédérale américaine.

La Recherche d’UBS maintient son objectif de 3500 dollars l’once pour le métal jaune, sans pour autant exclure des prix plus élevés en cas d’intensification des risques.

  • Réduire l’exposition excédentaire au dollar

Au regard du niveau élevé du déficit budgétaire et du déficit de la balance courante des Etats-Unis, et de la tendance actuelle des investisseurs internationaux à reconsidérer leur exposition au billet vert, on continue de tabler sur un affaiblissement du dollar d’ici à la fin de l’année.

Alors que le niveau élevé des taux d’intérêt américains rend onéreuse la couverture de l’exposition au dollar, les investisseurs devraient passer en revue leur allocation aux différentes monnaies et l’aligner avec leurs besoins pour faire face à leurs dépenses ou à leurs engagements.