Dans le quartier Périer (8e), ce particulier est en plein travaux. Exit l’immeuble familial. Dès l’automne, les trois appartements à l’étage se transformeront en six chambres, avec salle de bains et, au rez-de-chaussée, le logement avec petit jardin qu’il occupait jusqu’à présent deviendra un espace commun regroupant la cuisine, le salon et la buanderie. Une petite résidence de coliving, avec des baux flexibles individuels jugés « plus rentables et plus sécurisés » par le propriétaire.

Surfant sur les valeurs de vie en communauté, le coliving propose des logements privatifs (de la chambre au T2) autour d’espaces partagés (cuisine, salon, jardin, bureau…) et de toute une série de services (buanderie, salle de sport, de cinéma, conciergerie…). Wifi et abonnement Netflix compris. Des appartements clés en main, des lieux collectifs, des événements organisés, bref un véritable écosystème : c’est ce que propose The Babel Community à Marseille depuis huit ans.

Le coliving, une nouvelle tendance qui s’invite dans les immeubles marseillais et qui séduit les investisseurs.Le coliving, une nouvelle tendance qui s’invite dans les immeubles marseillais et qui séduit les investisseurs. / PHOTO DRPlusieurs groupes s’installent à Marseille

Après avoir cofondé The Colivers, agence immobilière spécialisée dans la colocation en 2004 dans plus de dix villes de France, Benoît Jobert, ancien élève de Kedge, se lance dans l’aventure du coliving à Marseille, en 2017, avec la création d’une première résidence de 80 logements sur la rue de la République (2e). Viendra ensuite une seconde résidence rue Saint-Ferréol avec 170 appartements, de la chambre (670 euros par mois) au T3 (1 690 euros par mois).

Modèle que les Marseillais répliqueront dans quatre villes de France. « On s’adresse principalement à des jeunes actifs mais pas seulement. Aujourd’hui, rien n’est prévu pour les personnes ‘en transition’, qui ont besoin à l’instant T d’un logement temporaire, explique Benoît Jobert. Les séparations, les mutations, les personnes qui se retrouvent seules… L’avantage pour le locataire, dans un marché saturé comme à Marseille, c’est la facilité, le prix (tout est compris) et une communauté qui rompt l’isolement. »

Depuis l’arrivée de Babel, d’autres groupes s’implantent sur la ville, comme le Belge Cohabs qui vient d’ouvrir cette année deux résidences aux Chartreux et sur le boulevard de la Blancarde (4e). Le promoteur de renouvellement urbain marseillais, Rise, s’associe à d’autres investisseurs et vise le 8e arrondissement pour créer une résidence de coliving. « C’est une tendance qui se développe dans toutes les grandes métropoles où la pression locative est féroce. On ne dit pas que cela soigne, mais c’est une réponse au manque de logements et aux difficultés aujourd’hui de signer un bail à Marseille… », note le cofondateur de Rise, Ludovic Herrero.

Une proposition de loi en préparation pour encadrer la pratique

Les jeunes actifs qui testent la vie à Marseille, les travailleurs détachés qui partagent leur temps entre Paris et Marseille, les seniors autonomes qui ne souhaitent plus vivre seuls, les étudiants sans solution de logement (mais avec les moyens)…

La liste dressée par Stéphane Daumillare, président et cofondateur de Lycaon est fournie. Le spécialiste en modélisation de données le reconnaît, « oui il y a des besoins et oui cette offre de coliving trouve preneurs à Marseille. En payant 700 euros en moyenne sa chambre toute l’année avec les services qui s’y ajoutent, on reste sur les prix du marché traditionnel », développe-t-il. Dans un contexte de réglementation de plus en plus sévère pour les propriétaires de Airbnb, il sait aussi que le coliving offre un repli tout trouvé voire une meilleure rentabilité, « pour ces logements loués toute l’année ».

Et ces derniers sont déjà dans le viseur de l’adjoint au logement, Patrick Amico (GRS). « C’est un produit de report pour les investisseurs qui ne résoudra pas la problématique du logement à Marseille. Au contraire, en scindant les logements familiaux en chambres, il l’aggrave », souffle l’élu qui avoue regarder à la loupe les autorisations qui arrivent sur son bureau.

Ainsi, en janvier dernier, un bras de fer s’est joué, rue Saint-Savournin (5e) avec les Belges de Cohabs et la Ville. Alors que le groupe avait l’ambition de réhabiliter l’ancien couvent de 1 400 m² situé au n°50, en résidence de coliving, la municipalité préemptait le bâtiment pour y installer une résidence sociale étudiante. « On ne peut pas résonner qu’en logique d’investisseurs. Nous avons besoin de loger les jeunes actifs, les étudiants, mais avec des loyers modérés. Il est là le besoin », renchérit l’adjoint qui soulève également « la réglementation floue qui entoure les baux de coliving. Ils naviguent entre les meublés touristiques et l’hôtellerie. Nous allons nous battre contre cela mais encore faut-il en avoir les moyens », poursuit-il. C’est le combat que mène le sénateur communiste Ian Brossat, candidat à la mairie de Paris, qui promet une proposition de loi pour « encadrer la pratique immobilière ».