Une « France sans zone blanche », et on ne parle pas ici de la couverture téléphonique mobile mais du narcotrafic, présent désormais sur tout le territoire national, note l’édition 2025 du rapport de l’OFAST (Office anti-stupéfiant) sur « l’état de la menace liée aux trafics de stupéfiants » qu’a pu consulter Le Monde.
Ses auteurs y font état d’un « tsunami blanc » de cocaïne qui inonde la France et ses 3,7 millions d’« expérimentateurs » (qui ont touché au produit au moins une fois dans leur vie) dont 1,1 million d’usagers (au moins une consommation dans l’année), selon des données de l’Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT).
Une hausse des saisies qui suit celle de la production
Un développement de la « clientèle » portée par la baisse du prix du gramme, passé de 70 euros à 58 euros ces cinq dernières années malgré des saisies en hausse continue, avec un nouveau record de 58 tonnes enregistré l’an dernier (vs 23 T en 2023).
Une évolution qui suit celle des pays producteurs alors que le rapport avance le volume de 2.700 tonnes de cocaïne produite par la seule Colombie en 2023, une hausse de 50 % par rapport à 2022. Une production qui se développe aussi dans les pays voisins Mexique, Venezuela, Guatemala, Honduras et Salvador, jusqu’alors peu connus comme pays fournisseurs.
Autant de filières d’importation qui redoublent d’ingéniosité et d’innovation pour faire entrer la came en Europe, dont la France est une des principales portes d’entrée.
240.000 travailleurs du stup’
Le rapport estime également que plus de 240.000 personnes travailleraient directement ou indirectement dans le trafic de drogue en France, qui génère un chiffre d’affaires annuel estimé par l’OFAST à 7 milliards d’euros. Sur ces 240.000 personnes, « moins de dix organisations maîtrisent la quasi-totalité des importations de cocaïne » et collaborent avec quelque 5.000 semi-grossistes, fournissant les innombrables petites mains.
Cette main-d’œuvre opère ainsi sur tout le territoire et va de pair avec une hausse des violences : 367 assassinats ou tentatives d’assassinat entre trafiquants, répartis sur 173 villes ont été recensés en 2024.
Le rapport relève aussi que les importations de marijuana se diversifient à mesure que certains pays légalisent sa consommation. Ainsi, il est devenu relativement fréquent de saisir de l’herbe originaire de Thaïlande ou du Canada.
Digitalisation et « Airbnbeuh »
Si la stratégie de pilonnage et de pression policière sur les points de ventes physique connaît un succès certain, avec la « suppression » de près de 1.400 points de deal entre 2020 (4.034) et 2025 (2.729), les trafiquants n’ont pas traîné pour innover.
Le rapport relève ainsi « l’utilisation d’outil numérique » par les trafiquants pour « fidéliser leur clientèle » et « recruter leur main-d’œuvre ».
Et si les livraisons « à domicile » se sont largement développées, les enquêteurs observent de nouvelles techniques comme la location de courte durée d’appartements comme points de deal éphémères, rebaptisés « airbnbeuh » ou encore l’emploi de boîte à clef par lesquelles s’effectue la transaction.
Enfin, les rapporteurs s’alarment du développement des équipes de narcotrafiquants, qui n’hésitent plus à communiquer ouvertement avec les autorités ou les habitants, comme l’a fait la DZ Mafia à Marseille, dans une vidéo façon FLNC diffusée pour nier et condamner l’assassinat-bavure d’un chauffeur VTC ou encore une équipe de Bagnols-sur-Cèze, proposant de payer des fournitures scolaires et réaliser des petits travaux de bricolage en compensation des nuisances générée par l’installation d’un point de deal.