Emmanuel Macron se plaint du fait que l’Union européenne ne soit pas assez crainte. Mais Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, Kaja Kallas, la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ou le président français lui-même sont-ils capables d’inspirer la peur à Donald Trump, Vladimir Poutine, Xi Jinping ou à qui que ce soit ? Le regard d’Henri Beaumont.

Droits de douane de 15 %, 750 milliards de dollars de promesse d’achats d’énergie ; la Reine von der Leyen s’est fait manger par Donald le fou. L’Europe est mat. Les naïfs s’indignent : « Au voleur ! Au voleur ! A l’assassin ! Justice, juste Ciel ! Je suis perdu, on m’a coupé la gorge, on m’a dérobé mon argent… Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? »  

Un monde sans volonté ni représentation

Tigrou de papier, Emmanuel Superdupont fait les gros yeux.  « Pour être libres, il faut être craints. Nous n’avons pas été assez craints… La France a toujours tenu une position de fermeté et d’exigence. Elle continuera de le faire. Ce n’est pas la fin de l’histoire et nous n’en resterons pas là ». Coué qu’il en coûte. Cinq affirmations, quatre mensonges. Le grotesque touche ici au sublime. Il y a toujours de l’inconvénient à s’engager sur des suppositions que l’on sait impossibles. Pour être, sinon craint, du moins respecté, il faut être libre. Pour être libre, il faut être solvable. Avec une dette de 3346 milliards d’euros, 114 % du PIB, 5000 euros empruntés chaque seconde, Marianne la cigale n’a aucune crédibilité, ni marge de manœuvre. 

Depuis 1957, l’Europe se fantasme Troisième Force, de raison, modération, culture, stabilité ; une manière de « juste prix ». Hors-sol, dans les incantations « toutlemondistes », la repentance et l’autoflagellation, forte de deux pions et un cavalier, elle voudrait pacifier l’échiquier mondial. C’est à marée basse que l’on voit qui porte un maillot. L’océan est vide, l’Europe et la France sont à poil. Le vieux continent a perdu sa grinta, ne fait plus peur ni rêver. Il va pouvoir prendre sa retraite de l’histoire, pour de bon. Valéry avait tôt pressenti le malaise : « L’Europe aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine. Toute sa politique s’y dirige » (1927). 

Les 4 151 Adages d’Érasme, dizaines de think-tanks européens, le mille-feuille crémeux des fonds « cohésion », milliards d’impôts censés financer des trottinettes à hydrogène, décarboner Ljubljana, sauver le gavial du Gange, réinsérer les pickpockets apatrides sous OQTF, ne changent rien à l’affaire. Des farandoles de Directives Tartuffe, acronymes inclusifs et gazeux (RSE, CS3D, RGPD, +++), chemins qui ne mènent nulle part, tiennent lieu de politique, ont lavé les cerveaux. Le jockey bruxellois, obèse, se prend pour le cheval. Au pouvoir depuis trois générations, les eurocrates, mouches du coach, responsables de la débâcle, miment le pouvoir, l’autorité, un destin commun. Ils n’ont rien vu venir, rien anticipé, à l’exception de leurs bonus et primes de dépaysement défiscalisés. Pas un n’a aujourd’hui l’honnêteté de reconnaitre le naufrage, d’acter l’impérieuse obligation de tout reconstruire, à commencer par la gouvernance.  « Nous savons qu’ils mentent, ils savent aussi qu’ils mentent, ils savent que nous savons qu’ils mentent, nous savons aussi qu’ils savent que nous savons, et pourtant ils continuent à mentir » (Soljenitsyne).

L’Europe doit, peut, va, rebondir…

Quelles pistes pour sortir de l’impasse ?

– Déférer Ursula von der Leyen et ses 27 commissaires européens devant une Haute Cour de justice pour trahison et inintelligence avec des puissances étrangères.

– Dealer avec Donald Trump une réduction des droits de douane en échange de la Corse, de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane, une caisse de « Château-Gilette Crème de Tête » 1959 et un coffret de macarons Ladurée. 

– Contrer les impérialismes yankee et chinois grâce à un Woodstock-exchange, grand marché équitable de libre circulation des biens et des réfugiés, des partenariats gagnants-gagnants avec la Cisjordanie, Haïti, l’Arménie, la Transnistrie et la Syldavie. 

– Monter une opération spéciale d’assaut du Capitole, prise de Wall Street et enlèvement de Donald Trump à Mar-a-Lago. Le Commando Hubert et le 1er RPIMa sont en alerte rouge.

– Une surtaxe de 16 % sur les Barbie Sirène Dreamtopia Blonde Scintillante, le whisky Jack Daniel’s, les Chicken McNuggets.

– Créer une « green card » européenne pour attirer les talents et cerveaux en déshérence : ingénieurs nucléaires iraniens désabusés, chercheurs spécialistes de « Queer studies » et « Automobilités postmodernes », virés d’Harvard.

– Mettre le paquet avec un 666e MEGA plan de relance, REBOND, « Résilience Economique Bienveillante Ouverte Non Dominante ».  

– Adapter en roman graphique les œuvres complètes de Jean Monnet, Jacques Delors et Mario Draghi.

– Négocier le rattachement de l’Europe au Groenland. 

– Demander la protection de l’armée russe en cas d’invasion américaine.

– Décréter l’Euroxit et rendre leur souveraineté aux 27 états membres.

… Silenzio !

Le malheur est une idée neuve en Europe. L’Odyssée se termine dans Le Mépris. Naine politique, orpheline militaire, castrat diplomatique, cocue économique, l’Europe libérale-libertaire, Castafiore ridicule et humiliée, rit jaune en son miroir. Son dernier bijou, un marché de 450 millions de consommateurs est au Mont-de-Pitié. Les Russes, Chinois, Américains, Indiens, la cinquième colonne islamiste, se lèchent les babines. 

Bêêêêê…

« […] Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.

« Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? » (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. II, IVe partie, Chap. VI). 

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