Aux États-Unis, la police de l’immigration de Donald Trump multiplie les raids ciblant les personnes non blanches, principalement sans papiers ou titulaires d’un titre de séjour. Bras armé de la politique migratoire de Donald Trump, cette agence fédérale (Immigration and Customs Enforcement, ou ICE), renforcée par un budget historique, applique une répression de grande ampleur.
Des hommes masqués, et parfois des femmes, patrouillent dans les rues des villes des États-Unis, parfois à bord de voitures banalisées, souvent armés et vêtus de tenues militaires. Ils ont le pouvoir d’identifier, d’arrêter et de détenir des personnes qui n’ont pas la citoyenneté américaine et d’expulser les immigrés sans papiers. Ils ont également le droit d’interroger toute personne qu’ils soupçonnent de ne pas être citoyenne américaine afin de vérifier son droit de séjourner aux États-Unis.
Ce sont des fonctionnaires de l’Immigration and Customs Enforcement Agency, connue sous le nom d’ICE. Il s’agit d’une agence fédérale chargée de l’application de la loi, qui relève du département de la sécurité intérieure (DHS) et qui joue un rôle important et controversé dans la mise en œuvre de la politique migratoire stricte de Donald Trump.
Lors de la campagne électorale, Trump a promis « la plus grande opération d’expulsion intérieure de l’histoire américaine ». Et il donne à l’ICE plus de pouvoir pour réaliser ses projets.
Depuis l’entrée en fonction de Trump en janvier 2025, le financement d’ICE a été considérablement augmenté. Le « big beautiful bill » (« grand et beau projet de loi ») de Trump, adopté par le Congrès six mois plus tard en juillet, a accordé à l’ICE 75 milliards de dollars US (65 milliards d’euros) pour les quatre années à venir, contre environ 8 milliards de dollars US (6,9 milliards d’euros) par an auparavant.
Cette augmentation de financement permettra à l’agence de recruter davantage de salariés, d’ajouter des milliers de lits supplémentaires et des extensions aux bâtiments afin d’augmenter la capacité des centres de détention. De nouveaux fonds sont également prévus pour des outils de surveillance avancés, incluant la reconnaissance faciale assistée par IA et la collecte de données mobiles.
Une enveloppe supplémentaire de 30 milliards de dollars (26 milliards d’euros) est destinée aux opérations de première ligne, notamment l’expulsion des immigrés et leur transfert vers les centres de détention.
Le président s’est engagé à expulser toutes les personnes en situation irrégulière aux États-Unis, soit, selon le Wall Street Journal, environ 4 % de la population actuelle. Au cours des cinq derniers mois, le nombre de personnes interpellées par les agents d’ICE a augmenté rapidement : en juin 2025, le nombre moyen d’arrestations quotidiennes a augmenté de 268 % (comparé à juin 2024, atteignant environ 1 000 par jour.
Et, cela représente également une hausse de 42 % par rapport à mai 2025, selon une analyse des données réalisée par le Guardian et le Deportation Data Project. Cependant, ce chiffre reste bien en deçà des 3 000 arrestations par jour ordonnées par la secrétaire à la sécurité intérieure Kristi Noem et le chef adjoint de cabinet de la Maison-Blanche Stephen Miller.
Les tactiques d’ICE ont déjà suscité de vives critiques. La chaîne de télévision conservatrice Fox News a rapporté que des agents masqués ne présentaient pas leur carte d’identité ni le nom de leur agence lorsqu’ils interpellaient des personnes lors de raids. D’autres reportages ont mis en lumière des allégations selon lesquelles des citoyens états-uniens seraient également parfois pris dans ces raids.
Fonctionnement et organisation d’ICE
L’agence, actuellement dirigée par le directeur par intérim Todd M. Lyons, comporte trois divisions principales :
Lyons a affirmé que le port du masque était nécessaire, car les agents de l’ICE étaient victimes de « doxxing », c’est-à-dire que leurs informations personnelles, telles que leurs noms et adresses, étaient divulguées en ligne sans leur consentement. Il a également déclaré que les agressions contre les agents d’ICE avaient augmenté. Les données du DHS indiquent qu’il y avait eu 79 agressions contre des agents d’ICE entre janvier et juin 2025, contre dix sur la même période en 2024.
Le chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants Hakeem Jeffries a comparé le port du masque par les agents d’ICE à des forces de police secrète dans des régimes autoritaires :
« Nous ne sommes pas derrière le rideau de fer. Nous ne sommes pas dans les années 1930. »
L’agence ICE a été créée en 2003 par l’administration de George W. Bush, en partie à la suite des attentats terroristes du 11-Septembre, et faisait partie d’une réorganisation plus large des agences fédérales sous la direction du DHS alors tout juste créé. Elle a intégré des parties de l’ancienne Immigration and Naturalization Service (INS) ainsi que certains éléments du service des douanes des États-Unis.
Selon le site Web de l’agence, la mission principale d’ICE est
« de protéger l’Amérique par le biais d’enquêtes criminelles et de l’application des lois sur l’immigration afin de préserver la sécurité nationale et la sécurité publique ».
Comment l’ICE a accru ses moyens et son champ d’action
Au début du mandat présidentiel en janvier dernier, la Maison-Blanche a donné à l’ICE le droit d’accélérer l’expulsion des immigrés entrés légalement dans le pays sous l’administration précédente. Ce « droit d’expulsion accélérée » permettait à l’ICE d’expulser des personnes sans qu’elles aient à comparaître devant un juge de l’immigration.
Alors que les arrestations se sont multipliées ces derniers mois, Lyons a déclaré à CBS News que l’ICE traquait tout immigrant sans papiers, même s’il n’avait pas de casier judiciaire.
L’administration Trump a également autorisé les agents de l’ICE à procéder à des arrestations dans les tribunaux d’immigration, ce qui était auparavant interdit. Cette restriction avait été introduite par l’administration Biden en 2021 afin de garantir que les témoins, les victimes de crimes et les accusés puissent toujours comparaître devant la justice sans craindre d’être arrêtés pour des infractions à la législation sur l’immigration (à l’exception des personnes représentant une menace pour la sécurité nationale).
La plupart du temps, l’ICE a ciblé les immigrés illégaux. Mais l’agence a aussi arrêté et détenu certaines personnes qui étaient résidentes (détentrices de la carte verte) ou touristes – et, dans certains cas même des citoyens états-uniens.
Ces dernières semaines, selon le Washington Post, l’ICE a reçu l’ordre d’augmenter le nombre d’immigrés ou migrants équipés de bracelets électroniques GPS. Cela augmenterait considérablement le nombre d’immigrés sous surveillance. Ces dispositifs limitent également la liberté de mouvement des personnes concernées.
Des manifestations face aux raids de l’ICE
De nombreuses manifestations publiques ont eu lieu contre les raids d’ICE, notamment en Californie. Le point culminant a été atteint le 6 juin après que l’ICE a mené plusieurs raids à Los Angeles, qui ont donné lieu à des affrontements entre agents et manifestants. Cela a conduit la Maison-Blanche à envoyer environ 2 000 soldats de la garde nationale et 700 marines à Los Angeles, malgré l’opposition du gouverneur de Californie, Gavin Newsom.
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Trump face à la Californie : affrontement à haute tension
Une partie des tensions entre l’administration Trump et l’État vient du fait que Los Angeles et San Francisco ont adopté des politiques locales limitant la coopération avec les autorités fédérales en matière d’immigration, notamment avec l’ICE. La Californie dispose de lois sur les sanctuaires, telles que la SB 54, qui interdisent aux forces de police et aux shérifs locaux d’aider l’ICE dans l’application des lois civiles sur l’immigration.
Cependant, Trump semble déterminé à durcir et à accélérer la répression contre les migrants illégaux et les agents d’ICE sont clairement en première ligne de cette stratégie.