De plus en plus de personnalités, dont surtout des influenceurs, lancent des produits de grande consommation. Un nouveau business sur lequel surfent aussi les enseignes de grande distribution qui commercialisent ces produits.

Une nouvelle boisson imaginée par Bigflo et Oli arrive dans les rayons. Les deux rappeurs toulousains ont lancé récemment un soda à base de maté, une plante à infuser très consommée en Argentine. Baptisée Matécito, cette marque va être distribuée dans plus de 400 points de vente Monoprix, Franprix et Casino.

Les deux musiciens ont effectivement passé un contrat avec le groupe Casino pour que ses enseignes commercialisent cette boisson pétillante en exclusivité. Le lancement de ce produit n’est pas sans rappeler celui, en juin 2025, des barres protéinées de Tibo InShape. L’influenceur fitness a lui aussi lancé sa propre marque commercialisée, elle, chez Carrefour.

Et encore avant eux, on peut aussi citer les exemples du Youtubeur Squeezie qui a lancé sa marque de kombucha en mai 2025. Le pilote de Formule 1 Charles Leclerc qui a lancé sa marque de glaces en 2024. Et quelques années auparavant, l’humoriste Mister V et sa marque de pizzas surgelées « Pizzaiolo » en 2022.

Le phénomène des « people products »

On a donc bien affaire à un véritable phénomène en pleine accélération. Et suffisamment important pour qu’un nom lui soit attribué. Le journaliste spécialiste de la grande distribution Olivier Dauvers parle d’un essor des « people products ». Des produits de grande consommation donc, portés par des « people ». Qui ont la particularité d’être dans la majorité des cas des influenceurs devenus populaires via Internet.

Jusque-là, on avait plutôt eu l’habitude des célébrités utilisant leur image pour mettre en avant des marques grand public. George Clooney avec Nespresso, Jo-Wilfried Tsonga avec Kinder… Désormais ce sont directement les stars qui lancent leur marque, dans l’espoir qu’elles deviennent grand public. Bien aidées par les enseignes de supermarchés.

On aurait pu penser qu’avec leurs millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, ces influenceurs auraient pu se passer de la grande distribution. Pourtant, même à l’heure du marketing 2.0 il est toujours nécessaire de passer par les grandes surfaces pour vendre un produit.

« Ce sont des produits de petit volume, il aurait été impossible de les vendre par correspondance par exemple », souligne Xavier Terlet, fondateur d’un cabinet de conseil en innovation alimentaire, Protéines XTC.

Un phénomène né aux États-Unis

Ce spécialiste de la grande distribution note que ce phénomène est « relativement nouveau ». Et comme souvent, il vient des États-Unis. Là-bas, deux Youtubeurs suivis par des millions de personnes ont chacun lancé leur propre marque en janvier 2022: Mr. Beast et ses barres chocolatées « Feastables », ainsi que Logan Paul et sa boisson énergisante « Prime ».

Des produits ayant connu un succès si phénomènal qu’ils ont traversé traversé l’Atlantique pour atterrir dans nos rayons. Pas surprenant puisque ces célébrités ont aussi une forte audience en France. Mais inquiétant au regard de la qualité de ces produits ultra sucrés, ultra transformés. Et dans le cas de Prime ultra caféiné, au point que les autorités américaines dénoncent cette boisson.

En France, c’est Mister V qui a été précurseur. Avec un produit lui non plus pas excellent pour la santé: des pizzas surgelées. Les pizzas « Delamama » ont été lancées en février 2022 à l’époque chez Auchan et Carrefour. En six mois, 1,5 million avaient été vendues.

Le succès des pizzas de Mister V

Ce succès ne devait rien au hasard. La communication était parfaitement ficelée, la pizza d’une plutôt bonne qualité (pour du surgelé), le prix dans la moyenne pour ce produit (4,80 euros) et l’appareil industriel derrière suffisamment solide. Mister V s’était effectivement reposé sur le plus grand fabricant européen de pizzas surgelées, l’industriel allemand Freiberger.

Pour Xavier Terlet, ce succès a inspiré les lancements de produis effectués ces derniers mois. Mais il était aussi lié au fait qu’il n’y avait pas de marque de référence sur ce produit pourtant de consommation courante qu’est la pizza surgelée. Mister V a en effet bénéficié du scandale sanitaire des pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E.coli survenu en même temps.

« Avec ses pizzas, Mister V est arrivé sur un marché où les clients n’étaient pas fidélisés. Je suis plus dubitatif concernant le kombucha de Squeezie. Car même si cette boisson est plutôt saine, elle se bat contre les mastodontes que sont Coca-Cola ou Pepsi. Ou bien même d’autres marques de kombucha comme Karma ou Kyo déjà bien établies », analyse ce spécialiste.

Concrètement donc, il est plus facile de faire changer les habitudes de consommation d’un jeune en termes de pizza que de boisson. D’autant que le « Ciao Kombucha » de Squeezie est vendu entre 2,80 et 3,50 euros la bouteille de 33 centilitres. Un prix que tous les jeunes, cibles de ce produit, ne sont pas forcément prêts à mettre spontanément.

Des produits de mode comme le Dubaï Chocolate

Mais conquérir le marché sur lequel ils se lancent est-il vraiment le souhait de chacun de ces influenceurs? Pas nécessairement. Pour Xavier Terlet, « la plupart de ces lancements de produits sont des modes. Or, les modes sont fugaces. C’est surtout une manière pour eux de voir comment ils peuvent monétiser leur audience ».

Il fait le parallèle avec d’autres produits comme le Dubaï Chocolate. « Certes ce produit n’a pas été lancé directement par un influenceur. Mais il né grâce aux réseaux sociaux, et c’est une mode sur laquelle tout les distributeurs ont surfé. Mais qui commence déjà à s’essoufler », considère cet expert de la grande distribution.

En effet, tout comme les enseignes se sont battues en mars dernier pour proposer à la vente des tablettes de chocolat Dubaï, elles se battent pour proposer des produits d’influenceurs. Ont-elles tant à y gagner? « Je ne crois pas qu’un si gros marché s’ouvre avec la vente exclusive d’un kombucha », nuance Xavier Terlet.

Les distributeurs sont seulement friands de ce genre d’opération car cela leur permet de paraître plus moderne. Et de faire un bon coup de communication ponctuel.