La signature de l’accord commercial entre l’UE et les USA a provoqué un tollé général. Le gouvernement français, parmi d’autres, a déploré une reddition en rase campagne dans la guerre commerciale engagée par Donald Trump pour avoir accepté une augmentation de 15 % des droits de douane, dont les modalités restent à définir et notamment les biens concernés.

Il a été dénoncé une complaisance coupable à l’égard des intérêts américains. En fait rien de bien nouveau sous le soleil, de la part de Madame von der Leyen certes, mais il s’agit d’une tradition bien ancrée depuis Jean Monnet, agent très zélé de l’atlantisme. Dès 1946, il avait été l’artisan de l’accord Blum-Byrnes qui ouvrait la France à la production cinématographique américaine et le Général De Gaulle le considérait comme un « petit financier à la solde des américains ».

Les Etats ont abandonné leur pouvoir à la Commission

Mais il convient de souligner que Madame von der Leyen n’a fait qu’user des pouvoirs que lui confèrent les traités. Les négociations commerciales font en effet partie des compétences exclusives de l’Union européenne, ce qui signifie en clair que les États membres ont abandonné leur compétence de négociation commerciale entre les mains de la Commission européenne. Certes celle-ci agit sur mandat donné par le Conseil mais c’est elle qui mène les négociations et se borne à informer le Conseil de leur déroulement. L’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité de Lisbonne) stipule : « les négociations sont conduites par la Commission en consultation avec un comité spécial désigné par le Conseil… ». Le Conseil, qui représente les États membres, n’est donc que consulté durant les négociations.

Les lamentations du Gouvernement français ne sont qu’hypocrisie. Le Premier ministre est un euro béat notoire, quant au Président de la République, il semble habité par une sorte de mystique européenne larmoyante comparable à celle des mauvais dévots du 19ème siècle. Ils ne pouvaient donc ignorer que c’est la Commission qui mène les négociations commerciales. S’ils ont été surpris du tour pris par celles-ci c’est soit que le comité spécial du Conseil n’a pas fait son travail, soit qu’ils n’ont pas suivi la question. Autre hypothèse, ils sont d’une parfaite mauvaise foi et ne cherchent qu’à abuser une opinion publique qu’ils estiment crédule.

Remplacer les hommes ne suffira pas

Chacun a en tête la question de l’accord avec le Mercosur. La France n’y était pas favorable, la Présidente de la Commission l’a néanmoins signé. Et elle était parfaitement dans son droit. Certes les accords commerciaux doivent être approuvés par le Conseil, mais à la majorité qualifiée (55 % des Etats et 65 % de la population de l’UE). Ce qui signifie que la France peut se voir imposer des accords qu’elle réprouve.

La propension de nos politiciens à dénoncer les conséquences des décisions qu’ils ont prises eux- mêmes est confondante. La majorité des partis représentés à l’Assemblée et au Sénat a approuvé, soutenu, promu tous les traités européens qui dépouillaient la nation de sa souveraineté. Comme tous les Présidents de la République depuis Giscard d’Estaing. Et les voilà qui tempêtent et s’indignent que la Commission européenne use des pouvoirs qui lui ont été conférés par lesdits traités. Ces gens sont d’une inconséquence totale ou d’un cynisme absolu. Certains ont sans doute approuvé des textes qu’ils n’avaient même pas pris la peine de lire et de comprendre. D’autres sont peut-être idiots. Mais tous sont inconséquents. Et finalement, irresponsables.

Certes les Français les ont élus et portent donc une part de responsabilité. Mais, à leur décharge, en matière européenne, quand ils ont refusé le projet de constitution européenne la nomenklatura politique, et à sa tête Nicolas Sarkozy, leur a imposé quasiment le même texte que celui qui avait été repoussé par référendum en utilisant la voie parlementaire. Bel exercice démocratique !

Conclusion : que faire d’une semblable nomenklatura politique, qui fait n’importe quoi et en fait payer les conséquences au peuple français ? La chasser des allées du pouvoir au plus vite. Mais remplacer les hommes ne suffira pas. Il faudra renverser tout le système politique, administratif et judiciaire qui accable les Français et changer radicalement la façon de penser la politique. Notre « cher vieux pays » en aura-t-il encore la force ?


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