Par

Antoine Blanchet

Publié le

5 août 2025 à 18h56

Elle a le dos voûté et le corps fragile. Lui se tient droit et impose sa silhouette athlétique. Elle entend mal et porte sa main à son oreille pour comprendre les questions des juges du tribunal de Paris. Lui marmonne et mange les mots. Elle a 89 ans. Il en a 24. Elle est assise sur le strapontin dédié aux victimes. Il est debout dans le box des prévenus. Elle s’est fait arracher son collier dans l’entrée de son immeuble. Il est suspecté d’être l’auteur du vol. 

Des vols commis avec violence 

Ce face-à-face intergénérationnel se tient ce mardi 5 août 2025. Samba B., aurait commis trois vols avec violences contre des personnes âgées dans la capitale. À chaque fois, le modus operandi est le même. Les victimes, âgées de 75 à 89 ans, sont suivies dans la rue. Arrivées à leur domicile, elles sont attaquées par un homme vêtu de sombre et affublé d’une cagoule. Les colliers ou les bracelets sont arrachés. Le larcin se déroule parfois de manière brutale. Une victime est étranglée. Une autre reçoit des coups de pied au visage et perd trois dents. Physique, la violence est aussi verbale. « Je te tue », crie-t-il à celle qu’il étrangle. « Pourriture », lance-t-il à celui qu’il édente. 

Une interpellation musclée

La géographie de ces faits, qui se sont déroulés en milieu de journée le 18 avril, le 2 et le 29 mai, est très resserrée. Tous se sont déroulés aux alentours de la rue Pelleport dans le 20ᵉ arrondissement. Le lendemain de la troisième attaque, les policiers de la brigade anticriminalité patrouillent et tombent sur un profil très correspondant. Un homme affublé d’une veste sombre. Son visage est dissimulé par un cache-cou Selon les policiers, il semble regarder les passants les plus âgés. Les agents décident de l’interpeller. L’affaire tourne à l’échauffourée. L’individu se débat. Il tord le doigt d’une policière. Il faut se mettre à cinq pour l’embarquer dans le panier à salade. 

Ce mardi, le prévenu maintient ses propos tenus en détention. Il n’est pas l’auteur des arrachages de bijoux en série. Au moment de sa rencontre musclée avec les policiers, il faisait son jogging quotidien. Pour justifier de son accoutrement très couvert pour un mois de mai, il invoque les exigences musculaires. 

« J’étais en période de sèche. C’est-à-dire que je devais me faire transpirer pour perdre de la masse. C’est interdit maintenant, de s’habiller comme on veut ? », s’énerve-t-il. 

Pour les violences contre les policiers, il explique avoir été surpris par les agents : « Une femme s’est approchée moi et s’est mise à m’agripper. Plusieurs policiers me sont ensuite tombés dessus ». 

Une attitude troublante

Mis à part ces actes de rébellions, d’autres actions du prévenu ont rajouté à la suspicion des enquêteurs. Tout d’abord, Samba S. a refusé de donner ses empreintes et les codes de son téléphone. Plus surprenant encore, le jeune homme, lors de sa garde à vue, a déchiré en petits morceaux sa veste – similaire à celle de l’arracheur de colliers – et l’a jetée dans les toilettes de sa cellule. Voulait-il supprimer d’éventuelles traces accablantes ? Ou alors a-t-il agi par simple colère, comme il le maintient à la barre. 

Autre élément, un appel passé par le prévenu à une bijouterie une dizaine de minutes après le vol commis le 29 mai. « C’était pour le mariage d’un ami. J’étais censé récupérer les alliances. C’est pour ça que j’ai passé cet appel », rembobine Samba B. Mais tel un hoquet dans ce récit, deux hic. Le premier : aucun ami n’est venu témoigner de la véracité de ce mariage. Le second : l’appel est passé en plein jour férié. Néanmoins, les policiers n’ont pas cherché à contacter le fameux bijoutier. 

« Il était plus mince dans mon souvenir »

Lorsqu’il s’agit d’aborder le parcours de Samba B., là encore, la balance judiciaire ne penche pas de son côté. Tribunal pour enfants, tribunal correctionnel, cour d’appel… Le prévenu enchaîne les comparutions depuis ses 13 ans.  Au total, six condamnations, dont plusieurs pour… vol avec violences. Une affaire en question est similaire à celle jugée aujourd’hui. N’ayant jamais travaillé, le jeune homme affirme vouloir se lancer dans la pâtisserie. 

Le regard un peu perdu, la seule victime présente dans la salle s’est brièvement exprimée. D’une petite voix, elle déplore la perte d’un collier ayant valeur sentimentale : « C’était la chaîne de baptême que mes parents m’ont offerte. Depuis cette agression, j’ai peur de sortir ». Venue pour « voir à quoi ressemblait son agresseur », elle reconnaît ne pas bien le reconnaître : « Il était plus mince dans mon souvenir ». Elle demande 1 500 euros de dommages et intérêts. Les autres victimes, non présentes, réclament plusieurs milliers d’euros au prévenu. 

Faisceau d’indices ou enquête mal menée ? 

À l’issue de ces débats, le tribunal n’a aucune preuve irréfutable entre les mains. Pour le procureur, il y a un faisceau d’indices, et celui-ci permet sans problème de condamner. « Il y a un mode opératoire. Pour ne pas dire une signature », affirme le magistrat. Pour le ministère public, Samba B. est même un « professionnel ». Si son téléphone borne à son domicile au moment de plusieurs faits, c’est une technique pour brouiller les pistes. « Il commet des vols près de chez lui pour que le téléphone y borne. C’est pas bête », assure le procureur. Il demande trois ans de prison contre le prévenu. Avec maintien en détention. 

Ce faisceau érigé en orfèvrerie pénale, l’avocate de la défense en fait de la quincaillerie. Dans sa plaidoirie, elle fustige une enquête faible. « Sur la vidéosurveillance, on voit seulement un homme vêtu de sombre. Combien de personnes porte ce même type de vestes ? Aucune victime n’a reconnu mon client ! », dénonce Me Manon Pailler. Elle demande la relaxe pure et simple du prévenu. 

Finalement, le tribunal relaxé le prévenu pour deux des trois vols. La peine reste lourde, puisque Samba B. est condamné à trois ans de prison avec maintien en détention. Il a aussi été reconnu coupable de rébellion à l’encontre des policiers lors de son interpellation. 

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