Ses mensurations ont de quoi donner le vertige. Long de 333 mètres (soit 70 mètres de plus que le Charles-de-Gaulle, leader européen), extrêmement massif et corpulent (112 000 tonnes de déplacement), doté d’un pont d’envol de 20 000 m² en capacité d’accueillir au moins 70 hélicoptères et avions de combat, l’USS Gerald R. Ford (CVN-78) est sans égal (*). Ce colosse des mers, plus grand porte-avions du monde, a accosté ce lundi 4 août, dans la matinée, au Grand Port maritime de Marseille, pour une escale d’une semaine. Cette étape s’inscrit dans un dispositif logistique en lien direct avec les infrastructures locales, puisque celles-ci répondent aux besoins d’un bâtiment qui nécessite un tirant d’eau adapté à sa dimension.

Accompagné de l’USS Winston S. Churchill (DDG 81), un destroyer lance-missiles de classe Arleigh Burke, ce porte-aéronefs de première classe de l’US Navy, parti de Norfolk (Virginie) il y a un mois et demi, effectue actuellement une mission qui va l’emmener en Méditerranée orientale et au Proche-Orient.

L'"USS Gerald R. Ford" mouille dans les eaux marseillaises toute la semaine.L' »USS Gerald R. Ford » mouille dans les eaux marseillaises toute la semaine. / Photo Frédéric SPEICH

Et ce, dans le cadre d’une préparation des forces navales américaines en Europe-Afrique programmée en lien avec leurs alliés et partenaires. Avant de rallier Marseille, l’USS Gerald R. Ford et son groupe aéronaval (frégates et croiseurs lance-missiles) à ses côtés ont ainsi conduit diverses opérations dans l’océan Atlantique, puis dans le détroit de Gibraltar, certaines d’entre elles étant conduites en collaboration étroite avec l’Armada espagnole Santa Maria-class ESPS Canarias (F86) et la marine italienne ITS Spartaco Schergat (F 598)

Comme une base militaire flottante

À quai, l’USS Gerald R. Ford, véritable forteresse des flots, en impose. Cheminant en file indienne jusqu’à leurs zones d’embarquement, les croisiéristes ne risquaient pas, ce lundi après-midi, de perdre une miette du spectacle qui s’offrait à eux. C’est comme si un décor majestueux se dressait à leur passage. Leur voyage en mer n’avait pas encore commencé qu’ils pouvaient déjà enchaîner, avec leur smartphone, des premiers clichés singuliers qui viendront garnir les dossiers des vacances sur l’ordinateur. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut approcher d’aussi près un tel géant.

La Provence a pu pénétrer dans les entrailles de ce géant de mer.La Provence a pu pénétrer dans les entrailles de ce géant de mer. / Photo Frédéric SPEICH

Si les bateaux de croisière, mastodontes d’un tout autre genre, faisaient le plein de passagers, le porte-avions américain, lui, se vidait d’un bon nombre de ses occupants. Sur les 4 600 personnes d’équipage (dont 500 officiers), ce qui équivaut au triple des effectifs recensés sur le Charles-de-Gaulle, elles étaient bien des centaines à retrouver la terre ferme pour quelques jours de permission bienvenus à Marseille ou ailleurs en France, pendant que d’autres demeuraient à bord pour assurer veille et entretien.

Car l’USS Gerald R. Ford a également des airs de base militaire flottante. En dehors des métiers de l’armée, nombre de professions y sont représentées. De l’administratif à l’intendance en passant par la logistique, bien des corporations se côtoient, composant chacune une pièce indispensable d’un gigantesque puzzle. Ce lundi, justement, nous avons eu l’opportunité et le privilège de pouvoir pénétrer dans cet univers. Celui-ci s’est, d’ailleurs, ouvert sur de vastes hangars de maintenance. C’est dans les entrailles du porte-avions que se déroulent des séquences essentielles à un fonctionnement sans faille. Le cadre a beau être monumental, le moindre détail a une importance capitale et la synchronisation est la règle.

Une technologie de pointe

Livré en juillet 2017, ce porte-avions de dernière génération surpasse le Nimitz, son prédécesseur mis en service il y a tout juste cinquante ans. Il se distingue par des caractéristiques technologiques de pointe. Au cours de cette visite, c’est tout particulièrement sur le pont d’envol que celles-ci apparaissent plus clairement encore avec, notamment, ce système de catapultes électromagnétiques (EMALS), au nombre de quatre, qui accélèrent la rotation des lancements d’aéronefs. Ceux-ci, du reste, sont propulsés à une plus vive cadence. Même sur ce porte-avions à quai, il était tentant, ce lundi, d’imaginer le ballet effectué par ces chasseurs d’assaut Boeing F/A-18F et FA/18E Super Hornet stationnés sur le pont, à proximité des « Spartans », ces hélicoptères de la HSM-70 tout aussi impressionnants, même à l’arrêt.

Monumental, le porte-avions long de 333 mètres peut accueillir 70 hélicoptères et avions de combat.Monumental, le porte-avions long de 333 mètres peut accueillir 70 hélicoptères et avions de combat. / Photo Frédéric SPEICH

Une autre spécificité joue un rôle majeur dans les capacités optimales de ce bâtiment. Celle-ci a trait au fonctionnement même d’un porte-avions qui puise sa puissance dans un réacteur nucléaire (A1B reactor) à haute intensité. L’USS Gerald R. Ford a pris un temps d’avance qui le rend phénoménal. Et l’US Navy n’a pas terminé d’être en première ligne, puisque la construction de l’USS John F. Kennedy est déjà lancée. Dans un contexte international très incertain, ces chantiers guidés par une course à l’innovation trouvent assurément leur justification.

(*) Ce porte-avions porte le nom du 38e président des États-Unis, Gerald Rudolph Ford (1974-78).