Plus d’un an après la mise en demeure, les sanctions tombent. Dans une série d’arrêtés pris le 22 juillet dernier, la préfecture des Bouches-du-Rhône a infligé des astreintes administratives journalières au Chantier naval de Marseille, faute de système de séparation et de traitement des eaux usées pour les formes 8, 9 et 10 de réparation navale. Des amendes quotidiennes de 200 euros par jour de retard pour les deux premières formes, de 350 euros pour la forme 10, la plus grande de Méditerranée, qui correspondent à la dépense quotidienne évitée pour l’entreprise justifient les services de l’État.

Les infrastructures de la réparation navale étaient en effet tenues depuis 2023 de séparer leurs effluents pollués des infiltrations d’eau de mer. Un chantier que le Grand port maritime de Marseille avait lancé deux ans plus tôt. Faute de séparation avec ces eaux claires, les installations provisoires de traitement se retrouvaient saturées. Résultat : une pollution aux métaux toxiques jusqu’à 100 fois supérieure aux normes pour la seule forme 10, indiquaient les documents de l’enquête publique. Ce n’est pourtant qu’en juillet 2023 que le Grand port maritime de Marseille a annoncé confier le chantier au groupe NGE, pour un coût de 10 millions d’euros. En raison du maintien de l’activité, les travaux étaient prévus pour durer deux ans.

Sanctions en cascade

Pas assez vite pour les services de l’État. Lors d’une visite au mois de mars 2024, ceux-ci constatent ainsi que « les réalisations réalisées à moins d’un mètre du plan d’eau génèrent d’importants dépôts de peinture au sol, et des écoulements qui sont dirigés vers le milieu naturel sans aucun traitement ». Au mois de juin, le préfet met en demeure le Chantier naval de Marseille de traiter ses effluents dans un délai de deux mois. Deux premières amendes de 5 000 euros sont infligées en janvier dernier à la société, qui continuait de stocker la peinture « à l’air libre, sans rétention ». Puis face à des rejets dépassants encore les normes réglementaires, ce sont ces deux astreintes qui tombent, journalières jusqu’à l’achèvement des travaux. Auxquelles s’ajoutent encore de nouvelles mises en demeure pour réaliser de nouvelles études économiques d’ici un mois afin de lutter contre la pollution atmosphérique des composés organiques volatils (COV) issus des peintures.

« Cet arrêté n’est pas le reflet de la réalité, je trouve cela déplorable », réagit vivement la direction du Chantier naval de Marseille, rappelant que la société n’est que locataire des infrastructures du port. « Nous avons l’impression d’être pris la main dans le sac, mais dans quelques semaines le Chantier naval sera le premier avec un tel équipement, on parlera d’un grand succès », proteste l’entreprise. Les travaux doivent s’achever en septembre pour la forme 10, en octobre pour les formes 8 et 9, indique-t-elle. Et de répéter que ce chantier est placé sous la responsabilité du port. « L’échéance pour les travaux de mise à niveau réalisés par le Port s’agissant du traitement des eaux de carénage, est fixée par les services de l’État à la fin de cette année 2025 », répond celui-ci, soulignant que « ce chantier, techniquement complexe, fait l’objet d’une coordination étroite avec les exploitants des formes afin de ne pas perturber leur activité industrielle ». Le Port rappelle aussi que la forme 10 dispose d’une station de traitement temporaire fonctionnelle, « dont la maintenance est assurée par l’exploitant ».

Inquiétude pour la CGT

Mais ces sanctions en série ne viennent pas rassurer les salariés de la réparation navale, qui s’étaient battus pour maintenir l’outil industriel. « La Préfecture demande au Chantier naval de réaliser des travaux alors qu’ils ne sont que locataires, proteste Noël Kouici, représentant du syndicat CGT de la réparation navale. À un moment donné, il faudra qu’ils nous disent s’ils veulent la liquidation de l’activité, qui est primordiale sur le port. » Une position de l’État d’autant moins compréhensible que celui-ci détient cinq sièges au conseil de surveillance du port, responsable de ces travaux. La préfecture, si elle était claire sur les efforts à réaliser, « présentait la réparation navale comme une activité phare dans le département », insiste Noël Kouici. Alors les salariés resteront présents pour garantir l’avenir de l’activité. « Nous jouerons le jeu qui est le nôtre : nous avons besoin de travailler pour vivre. »

« L’activité de réparation navale est primordiale pour le port. »