Figure majeure de l’intelligence artificielle, Demis Hassabis n’a rien du dirigeant technologique classique. Ancien prodige des échecs, passé par la recherche en neurosciences et le jeu vidéo, il dirige aujourd’hui Google DeepMind, laboratoire stratégique du géant américain. Lauréat du Nobel pour AlphaFold, un système capable de prédire la structure de millions de protéines, il affirme que la prochaine étape, l’IA générale, pourrait survenir dans cinq à dix ans, bouleversant l’économie, la science et la société.
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“ Dix fois plus grande, dix fois plus rapide ” : la prophétie de l’IA selon le patron de Google DeepMind
L’ascension de Hassabis est jalonnée de choix déterminants. En 2010, il cofonde DeepMind avec un objectif ambitieux : “résoudre l’intelligence” pour répondre aux grands défis mondiaux. Rachetée par Google quatre ans plus tard, l’entreprise devient un moteur de recherche fondamentale en IA. De la victoire contre le champion du monde de Go à la publication de la base de données AlphaFold, ses travaux combinent prouesse technique et applications concrètes.
En 2012, un déjeuner avec Elon Musk marque les esprits. Le patron de SpaceX lui confie vouloir coloniser Mars pour assurer la survie de l’humanité. Hassabis le met alors en garde : “et si ce qui tournait mal, c’était l’IA ? Être sur Mars ne vous aiderait pas.”
L’essor fulgurant de modèles génératifs, comme ChatGPT, a depuis changé la donne. Google intègre désormais l’IA à tous ses services, tandis que la concurrence – OpenAI bien sûr, mais aussi Meta, Microsoft, Apple – multiplie les investissements. Cette course mondiale accélère l’échéance de cette intelligence artificelle générale, ou AGI, capable de reproduire l’ensemble des capacités cognitives humaines.
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Nous devrions entrer dans un monde d’abondance radicale, avec des percées médicales, énergétiques et scientifiques inédites.
Demis Hassabis, patron de Google DeepMind, à The Guardian
Demis Hassabis s’exprime avant le Google DeepMind Challenge de Séoul en 2016, remporté par l’IA face au grand maître de Go Lee Sedol.
© Jung Yeon-Je, AFP, Getty Images
Cette perspective enthousiasme autant qu’elle inquiète. Sur le plan scientifique, Hassabis imagine des avancées majeures : fusion nucléaire, nouveaux matériaux, traitements révolutionnaires… Mais il reconnaît les risques : concentration du pouvoir, remplacement massif d’emplois, consommation énergétique élevée des centres de données. Pour lui, la question clé ne sera pas seulement technologique mais politique : comment redistribuer équitablement les bénéfices ?
Il voit aussi un enjeu culturel : dans un monde où la production de biens matériels serait largement automatisée, il faudrait redonner toute sa place aux activités humaines non utilitaires — arts, sport, philosophie. Ce basculement exigerait un effort collectif pour repenser le sens et la finalité du travail.
Hassabis se dit “optimiste prudent”. L’histoire industrielle a montré que de telles transitions sont sources de progrès mais aussi de fortes inégalités. Le défi, conclut-il, sera de guider cette transformation pour en faire une étape positive de l’histoire humaine, plutôt qu’une rupture irréversible.