Pour sa dernière saison en Synerglace Ligue Magnus, Julien Correia a atteint la barre symbolique des 600 matchs et intégré le club des 600. Passé par Rouen, Strasbourg, Lyon et Gap, l’attaquant revient sur ses 17 saisons riches en rebondissements entre la D1, l’équipe de France mais aussi le titre en Ligue Magnus et le Trophée Albert Hassler !

Crédit photo : Hugo Guérin

Tu as annoncé la fin de ta carrière cette saison après avoir passé 17 ans en Ligue Magnus. Quel bilan fais-tu de celle-ci ?

C’était une belle aventure (sourires). Quand j’étais petit, c’était mon rêve de pouvoir vivre de ma passion. J’ai rencontré énormément de personnes avec des horizons différentes et j’ai appris beaucoup de choses dans le hockey, dans ma vie. Partout où je suis passé, je n’ai gardé que des bons souvenirs. Je pense que c’est un bilan positif.

C’est lors de cette dernière saison que tu as rejoins le club des 600 avec 605 matchs joués dans l’élite. Que représente ce chiffre pour toi ?

C’est cool d’avoir intégré ce club (rires). Mais je pense qu’il va vite être dépassé. On a commencé avec des saisons à 26 matchs, et depuis maintenant 7 ou 8 ans, on a quasiment doublé le volume de rencontres. Donc, soit on va devenir très nombreux dans le club des 600, soit vous allez faire des clubs plus importants après (rires). Mais ça veut aussi dire que j’ai pu profiter d’une longue expérience et j’en suis ravi.

Depuis tes débuts, comment décrierais-tu le championnat français ? Sur quels aspects aurait-il évoluer positivement ?

Je pense qu’il n’a évolué que positivement (le championnat). Quand j’ai commencé, les règles du hockey n’étaient pas les mêmes. Maintenant, l’accent a été mis sur l’offensive, la vitesse donc pour un petit joueur comme moi, c’était la direction parfaite à prendre. La Synerglace Ligue Magnus s’est énormément professionnalisée ! Il y a encore des choses à faire, c’est vrai, mais les salaires des jeunes joueurs d’aujourd’hui sont mieux que ceux qu’on a connus par exemple. Et c’est déjà un bon premier pas. Il y a beaucoup de choses qui vont dans la bonne direction.

« Je les remercie pour l’opportunité qu’ils m’ont donné de m’épanouir en tant qu’hockeyeur et j’aimerais le rendre au club en apportant mon expérience »

En plus d’être capitaine de Rouen en U18, tu découvres la Ligue Magnus en 2005-2006. Raconte-nous ce premier match !

C’était un grand moment, mais en fait tu es trop jeune pour t’en rendre compte. J’avais 17 ans et quelques jours donc tu ne réalises pas vraiment. Tu te réveilles le matin, c’est un match comme les autres. Mais une fois dans la patinoire, il y a beaucoup de monde dans les tribunes, avec que des adultes, qui ne savent pas ce que tu fais avec ta grille sur le casque. Là, tu te rends compte que ça ne sera pas un match comme les autres. Finalement, c’est mon insouciance qui m’a permis de jouer quelques matchs cette saison là en étant si jeune. Je ne me rendais pas compte des enjeux, et je m’amusais juste sur la glace.

Lors de la saison 2017-2018, en plus de la Coupe de France avec Lyon, tu gagnes le trophée Albert Hassler de meilleur joueur français. Quel est ton ressenti sur ce trophée individuel ?

Je ne m’y attendais pas. Quand je l’ai appris, j’étais dans ma voiture. Il y a beaucoup de paramètres qui m’ont permis d’avoir ce trophée. La saison collective qu’on avait fait à Lyon cette année-là est un atout majeur pour y parvenir.
J’étais content, c’était un peu l’aboutissement de cette merveilleuse saison. Et je me suis dit que je laissais mon nom dans le palmarès de ce trophée individuel. J’avais déjà plein de copains qui l’avaient eu, j’étais heureux de me joindre à eux.

Tu as terminé ta carrière à Gap après 13 années cumulées chez les Rapaces, d’abord capitaine en U22 puis joueur et capitaine assistant de l’équipe première. Comment as-tu vécu tout ton parcours en Hautes-Alpes ?

Je dis très souvent, je suis né à Rouen, j’ai grandi à Rouen, et je me suis fait dans les Hautes-Alpes (sourires). C’est ma deuxième maison, c’est mon chez moi. J’y suis parti après quelques années pour découvrir d’autres choses, mais dans ma tête j’avais toujours l’envie de revenir. Et quand l’opportunité s’est présentée il y a sept ans, je n’ai pas hésité une seconde. Je me considère complètement gapençais. Mes enfants sont maintenant aussi au club de Gap et j’ai envie de m’investir justement dans la formation des jeunes joueurs gapençais. Je les remercie pour l’opportunité qu’ils m’ont donné de m’épanouir en tant qu’hockeyeur et j’aimerais le rendre au club en apportant mon expérience.

Crédit photo  : Rapaces de Gap

As-tu un regret de finir par deux saisons à se battre pour le maintien ?

Oui, c’est une énorme déception. Surtout que les deux saisons précédentes, on fait deux finales de Coupe de France, et des belles séries de playoffs. La chute a été un peu brutale. (il réfléchit) Ce n’est clairement pas ce que le public, les actionnaires et les investisseurs gapençais méritent. Je pense que certaines décisions ont été prises pour remédier à ça. C’est dommage que ça se termine pour moi comme ça mais ça fait partie aussi du sport. Si on ne vivait que des belles saisons, on ne saurait pas autant en profiter. Ces saisons délicates font parties de notre histoire et ça reste de beaux enseignements dans nos vies personnelles.

Tu as joué en championnat majeur un peu à Rouen, puis à Strasbourg, Lyon et Gap. Dans quel club as-tu eu les meilleures sensations ?

Ce sont quatre clubs totalement différents (rires). J’ai grandi à Rouen où c’était vraiment une culture des plaines du hockey. À cette époque, c’était un des clubs moteurs de la formation des joueurs en France. C’est en grande partie grâce à eux que j’ai pu vivre de ma passion. Strasbourg et Lyon étaient des clubs avec moins d’Histoire. Les deux ont essayé de se développer du mieux qu’ils le pouvaient, et au cumulé, j’ai passé huit ans fabuleux. Et Gap, c’est totalement différent. C’était un autre challenge que j’ai aussi adoré. Quand je suis arrivé, Gap était en Division 1, il a fallu remonter en Élite. J’y ai vraiment tout connu.

Crédit photo : Le DL/Vincent Ollivier

Avec quel coéquipier as-tu le plus lié une relation d’amitié ? Qu’est-ce qui a fonctionné entre vous ?

Elle est dure cette question. C’est un joueur avec qui j’ai commencé ma carrière à Gap, Maximilien Tromeur. On vient du même club, on est de la même génération, on a tous les deux grandi à Rouen. Je pense que ça a bien marché entre nous surtout parce qu’on était rarement d’accord mais qu’on arrivait toujours à aller dans la même direction (rires). C’est toujours mon meilleur ami, c’est le parrain de mon fils, et réciproquement.

« J’ai envie de transmettre tout ce que j’ai appris pendant plus de 30 ans »

Avec quel joueur aurais-tu aimé jouer et qui est passé par la Synerglace Ligue Magnus ?

C’est une bonne question. Il y en a plusieurs avec qui je n’ai jamais joué et que j’aurais aimé. Je n’ai jamais été coéquipier avec Philippe Halley, mais je suis convaincu que c’était un profil où on aurait pu bien s’entendre sur la glace. J’ai toujours pris beaucoup de plaisir à discuter avec lui en se croisant sur les matchs. Et après, il y a des joueurs qui sont arrivés avec une énorme expérience où j’aurais beaucoup aimé échanger avec eux comme Éric Chouinard. Cela aurait été aussi un bon moment. De mon côté, j’ai eu la chance de jouer avec Ján Pardavý, vice-champion olympique avec la Slovaquie. C’était exceptionnel de pouvoir discuter avec cette personne.

En plus de ton expérience en club, tu as participé à 10 rencontres de l’Equipe de France avec un but marqué. Qu’est-ce que ça fait d’avoir ce maillot sur le dos ?

C’était une fierté et une consécration à chaque étape, en U16, en U18, en U20, puis après en seniors. J’aurais aimé avoir une histoire plus longue avec l’Équipe de France Seniors, mais je n’ai peut-être pas fait les bons choix à certains moments dans ma carrière. Je n’ai pas de regrets là-dessus, mais c’est peut-être la seule partie que je changerais de ma carrière.

Crédit photo : Fabien Baldino

Et quand tu as été nommé capitaine en U18. Qu’est-ce que ça représente d’avoir ces responsabilités ?

Pour moi, c’était une récompense. Cela signifiait que j’avais la bonne attitude et que j’étais un exemple pour mes coéquipiers. J’ai pris ces responsabilités très à cœur. C’était Lionel Charrier qui m’avait donné cette lettre sur le maillot et je l’en remercie énormément. C’était une super expérience.

On peut dire que tu prépares déjà ton avenir dans le hockey en faisant une formation pour devenir entraîneur. Qu’est-ce qui t’a motivé à passer le concours ?

C’est en sentant la fin de ma carrière de joueur arriver, qu’il y a quelques années, je me suis dit que j’aimais trop ce sport pour faire autre chose après. Et donc quand tu ne peux plus être joueur, le plus simple pour garder la compétition, c’est de devenir entraîneur. Je me suis donc inscrit à cette formation (Diplôme d’Etat Sportif de Haut Niveau) pour voir si ça pouvait me plaire, et pour l’instant, je me régale. Je pense que je vais essayer de rester un moment encore dans ce milieu. C’est ma passion, et j’ai envie de transmettre tout ce que j’ai appris pendant plus de 30 ans.

« Peter Almasy avait une rigueur extraordinaire, c’est lui qui m’a formaté »

Est-ce que justement tu as un entraîneur qui t’as marqué durant ta carrière ?

Il y en a plusieurs, mais je citerais mon premier entraîneur en jeunes, Peter Almasy. Je pense que beaucoup d’anciens le connaissent. Il avait une rigueur extraordinaire, et pour moi, c’est lui qui m’a formaté. Plus tard, j’ai rencontré Mitja Sivic. C’étaient ces débuts d’entraîneur, mais il avait une vision que je partage totalement. Il m’a fait passer un cap et changer de dimension en tant que joueur. C’est un peu des deux que j’aimerais m’inspirer.

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

On peut souhaiter beaucoup de courage à mes futurs joueurs et m’épanouir en tant qu’entraîneur.

Questions pêle-mêle

  • Ton meilleur match en Synerglace Ligue Magnus

Mon meilleur match… (il hésite) Je ne sais pas quoi répondre, c’est exceptionnel. Avec 600 rencontres, cela fait beaucoup. J’ai souvenir d’un match avec Lyon où je finis avec trois buts sur le match alors que j’avais 40 de fièvre et que j’étais physiquement à la cave. Mais du coup, j’ai joué complètement relâché et tout a fonctionné. Je pourrais le rejouer dix fois, ça ne se passerait jamais pareil.

  • Ton pire match en Synerglace Ligue Magnus

Là, il y en a plein par contre (rires). Dans un passé proche, il y a deux-trois saisons, je joue un match où sur quatre présences sur la glace, on prend trois buts. Ils ne sont pas tous à cause de moi, mais le coach nous a fait asseoir jusqu’à la fin et on a compris pourquoi. Ce n’était pas un super moment pour nous.

  • Le meilleur souvenir de ta carrière ?

(il réfléchit) Pour moi, ce sont toutes les finales jouées à Bercy. Il y a des très belles patinoires maintenant en France, beaucoup d’arénas de haut-niveau avec d’excellentes infrastructures. Mais Bercy, l’Accor Arena maintenant, c’est le graal. Cela n’arrive pas toujours dans notre carrière, donc c’étaient vraiment de grands moments. Je rajouterai aussi le Winter Classic à Lyon, qui était quelque chose de grandiose.

Quand j’ai pris la décision que ça allait être la dernière année de ma carrière. J’ai fait ce choix au cours de la saison. Cela a été très dur à accepter. Je savais que c’était la bonne décision, donc ça l’a rendue plus facile, mais émotionnellement, c’était très douloureux.

2017-2018 ! C’est l’année de la naissance de mon fils.

Crédit photo : Xavier Lainé

Clairement la dernière. Je me suis très peu blessé dans ma carrière, mais sur celle-ci, je me blesse en début de saison et rien ne s’est passé comme prévu. En plus de savoir que c’était la dernière, c’était compliqué.

Un penalty où je fais une Forsberg, il n’y a pas si longtemps. Je ne l’avais pas fait depuis des années et cela m’a fait très plaisir de la ressortir à 37 ans.

Julien Correia en bref

  • Né le 14 janvier 1988
  • Français
  • Attaquant
  • Clubs en France (uniquement Synerglace Ligue Magnus) : Rouen (2005-2006), Gap (2009-2011/2019-2025), Strasbourg (2011-2014), Lyon (2014-2019)
  • Nombre de matches en Synerglace Ligue Magnus : 605 (526 en saison régulière, 32 en playdowns et 47 en playoffs), pour un total de 495 points inscrits dont 180 buts
  • Élu meilleur joueur français de la Ligue Magnus (2017-2018)
  • Vainqueur de la Ligue Magnus (2017-2018)

Les interviews des membres du club des 600