Après deux ans de combats, la chute de ce verrou du Donbass aux mains de l’armée russe ne serait plus qu’une question de jours.
Moscou a annoncé, le 31 juillet, avoir conquis Tchassiv Yar, une bourgade de 14 000 habitants située à 11 km à l’est de la ville Bakhmout, dans l’Oblast de Donetsk. Le commandement ukrainien dément la prise totale de la ville, mais un rapport de l’Institute for the Study of War (ISW) estime que les forces russes en contrôlent la majeure partie et que sa chute aux mains de l’armée russe pourrait intervenir dans les prochains jours.
Bakhmout avait été prise en 2023 après 14 mois de combats et de nombreuses exactions commises par les combattants russes. Il a ensuite fallu 26 mois aux forces russes pour avancer de 11 km vers l’ouest et entrer dans Tchassiv Yar. Selon l’ISW, cette conquête aura coûté la vie de 4 880 soldats russes.
Ce développement s’inscrit dans un processus lent mais continu d’avancées de l’armée russe, alors que les observateurs redoutent une offensive plus large ordonnée par Moscou à la faveur de l’été. Selon une analyse de l’AFP à partir des données vectorielles de l’ISW et détaillée sur le Grand Continent, l’armée russe aurait conquis plus de 2 500 km² de territoire ukrainien depuis le début de l’année, soit trois fois plus qu’à la même période en 2024. L’armée russe a gagné en moyenne 16,7 kilomètres carrés par jour sur les deux dernières semaines de juillet.
Si elle se confirmait, la chute de Tchassiv Yar placerait les forces russes dans une position stratégique pour s’attaquer à la «ceinture» de villes fortifiées qui constitue la colonne vertébrale de la défense ukrainienne dans l’Oblast de Donetsk. La perte de cette ville pourrait entraîner celle de Kostyantynivka et la fragilisation du front ukrainien en direction de Zaporijjia. Toutefois, selon l’ISW et des blogueurs militaires russes, les troupes engagées par Moscou ne seraient pas capables de s’attaquer à cette ceinture fortifiée avant la fin de l’année 2025.
Inquiétudes à Kiev
Autour de Pokrovsk, plus au sud dans la région de Donetsk, les troupes russes ont aussi capturé quelques villages ukrainiens ces derniers jours. Ces avancées ne constituent pas une réelle percée du front à ce stade, mais le général Oleksandr Syrskyi, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, considère les combats dans cette zone comme les plus intenses sur le front du Donbass.
D’après les experts de l’ISW, les objectifs du Kremlin restent de prendre le contrôle total des deux Oblasts de Donetsk et Louhansk, annexés et partiellement occupées par la Russie depuis 2014. Accessoirement, il s’agit aussi d’éloigner le plus possible les forces ukrainiennes de la frontière russe, et de les chasser des morceaux de territoire russe qu’elles tiennent encore dans la région de Koursk.
Si, dans l’ensemble, le front reste relativement stable, les avancées russes inquiètent les responsables à Kiev. Certaines sources y décrivent un climat de pessimisme, alimenté par le renversement du rapport de force en matière de drones, jusqu’ici favorable à l’Ukraine, mais dans lequel le Kremlin a rattrapé son retard, en particulier quantitatif. L’armée ukrainienne a tout de même prouvé elle aussi ses capacités en frappant, le 1er juillet, un centre industriel russe à Ijevsk, à plus de 1000 kilomètres du front, un mois après l’opération Spider Web qui avait visé des bases aériennes russes très en arrière du front.
Sur le long terme, la situation n’apparaît pas avantageuse pour Kiev, toujours en manque de recrues et de munitions occidentales. Le chercheur américain Michael Kofman soulignait toutefois le 4 juillet sur la National Public Radio américaine que, d’un point de vue stratégique, les avancées russes ne suffisaient pas à remettre en question la capacité de l’Ukraine à résister à l’invasion.