Pour la première fois depuis 2022, la Russie compte davantage de fermetures d’entreprises que de créations. Le journal pro-Kremlin Izvestia, qui s’appuie sur les données de Rosstat, l’agence fédérale russe des statistiques, rapporte qu’au premier semestre 2025, environ 95 000 sociétés ont vu le jour, tandis que 141 000 ont cessé leur activité. Pour la première fois depuis 2022, “la mortalité des entreprises a de nouveau dépassé leur natalité”, constate le quotidien.
La construction, le commerce et l’industrie manufacturière constituent les secteurs les plus fragilisés et “traditionnellement les plus sensibles à la hausse des coûts et à la baisse de la demande”, souligne Vladimir Tchernov, analyste financier chez Freedom Finance Global. Des marques de prêt-à-porter ont également mis la clé sous la porte.
Certaines multinationales, qui avaient annoncé leur départ après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, passent désormais à la liquidation de leurs entités juridiques, à l’image de H&M ou de Microsoft. Les concessionnaires automobiles sont eux aussi victimes d’un enchaînement de difficultés : ruptures d’approvisionnement, gammes réduites, coûts d’importation en hausse. Un concessionnaire sur cinq pourrait cesser son activité d’ici la fin de l’année, selon les experts.
Pourtant, la croissance persiste dans certaines niches, note Tchernov dans Izvestia :
“On observe davantage de créations dans l’extraction minière, l’informatique, le conseil et la logistique, ainsi que dans le tourisme intérieur et le commerce en ligne.”
Des entreprises russes étouffent
Car derrière cette vague de fermetures se cache un climat particulièrement défavorable aux entrepreneurs. En juin, la Banque centrale russe avait maintenu son taux directeur à 21 %, renchérissant les crédits et asséchant la trésorerie des entreprises. Les contraintes pour les entreprises se sont également durcies : l’étiquetage des produits est devenu obligatoire, de nouvelles amendes ont été introduites, par exemple pour les cas de fuites de données personnelles, et l’impôt sur les bénéfices est passé de 20 % à 25 %. Enfin, la fermeture par l’administration de nombreuses sociétés “dormantes” a contribué à gonfler les chiffres de la mortalité entrepreneuriale.
“Une telle vague de liquidations entraîne une baisse de l’activité économique, des recettes fiscales et de la concurrence, alerte Vladimir Tchernov. Les acteurs restants dominent le marché, ce qui freine l’innovation et l’amélioration de la qualité.”
L’État tente de compenser cette fragilité avec un arsenal de mesures courant jusqu’en 2030 : “prêts à taux préférentiels, garanties et cautionnement publics, microcrédits, aides au développement à l’export et à l’accès aux marchés publics”. Mais leur effet reste limité, avec un taux de survie moyen de six à sept ans pour une société russe.
Un léger apaisement est possible dans les prochains mois : en juillet, la Banque centrale russe a en effet baissé son taux directeur à 18 %, écrit Izvestia. “Si le crédit redevient accessible, les entreprises pourront mieux soutenir leur activité”, estime Ioulia Kovalenko, vice-directrice de la haute école de finances Plekhanov.