Créer la première micro-sucrerie biologique bretonne ? Voilà le pari un peu fou lancé par une quinzaine d’agriculteurs d’Ille-et-Vilaine. Leur but : produire le premier sucre 100 % bio et local à partir de betteraves sucrières d’agriculteurs locaux.
Le projet breton arrive à contre-courant, alors que la filière est en première ligne du soutien à la loi Duplomb. Voté le 8 juillet dernier, le texte visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » prévoit notamment la réintroduction de l’acétamipride. Le retour de ce pesticide, de la famille des néonicotinoïdes, est réclamé par le syndicat des betteraviers français depuis septembre 2023 mais aussi contesté par de nombreux scientifiques pour ses risques sur la santé.
Lutter contre les pesticides
Si la loi est applaudie par le milieu de la betterave, c’est que se passer de pesticides est un enjeu de taille. « Sans produits chimiques, on est obligés de tout désherber à la main », reconnaît Frédéric Briand, un des agriculteurs à l’origine du projet. Mais il l’assure : grâce à des « outils très performants », faire pousser de la betterave bio est possible. Lui et ses associés en produisent déjà pour la consommation animale. D’où un avis très tranché de Frédéric Briand sur la loi Duplomb : « C’est une aberration ! Heureusement, les gens réagissent en masse et on a les gens avec nous. »
Pour mener à bien leur pari, les quinze agriculteurs ont reçu le soutien d’Agrobio, qui cherche à promouvoir l’essor de la filière. «On veut montrer qu’on peut faire de la betterave sucrière sans pesticides», souligne Léonie Chabaud, chargée de mission à l’association. D’autant qu’en France, la production de sucre bio, née en 2019, reste à ce jour «embryonnaire».
Sur la parcelle de Frédéric à Piré-sur-Seiche, l’agriculteur produit un hectare de betteraves sucrières. (Le Télégramme/Raphaël Rocher-Campas)Des obstacles importants
Autre raison du soutien d’Agrobio : les producteurs souhaitent intégrer une jeune technologie élaborée par Fabriqu’à Sucres, une entreprise des Hauts de France. « Ce nouveau process d’extraction fonctionne par broyage puis pressage de la betterave. C’est un système qui utilise très peu d’eau et d’énergie », salue Léonie Chabaud.
Aujourd’hui, Frédéric possède une seule planteuse manuelle à betterave, achetée avec une CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel agricole). (Le Télégramme/Raphaël Rocher-Campas)
Mais pour l’heure, l’ambitieux projet fait face à des difficultés. « Notre outil de plantation de betterave n’est pas adapté pour le moment », explique Frédéric. « Il faut revoir l’équipement de A à Z. » Avec un budget estimé à 12 millions d’euros, la micro-sucrerie oblige les acteurs à chercher des financements du côté des élus, à l’heure où ces derniers sont confrontés à des difficultés budgétaires. À cela s’ajoutent les problèmes de production. « Pour alimenter une micro-sucrerie, il faudrait 200 hectares de betterave. Aujourd’hui, on en a seulement 20. » La marche est encore haute mais le producteur est optimiste : « J’ai espoir ! Je suis en contact avec des agriculteurs. Beaucoup sont prêts à suivre. »