Sorti de nulle part, un film coréen explose tous les compteurs sur Netflix. Et le plus troublant, c’est qu’il avait été taillé sur mesure pour ça.

Y a-t-il encore le moindre sens à extraire du top 10 Netflix, cette arène où se côtoient séries d’auteurs, comédies au rabais et films calibrés pour le visionnage passif ? Que Le Monde après nous ait cartonné sur Netflix se comprend, entre son casting de prestige et son ambiance anxiogène au possible. Mais que le navet Back in Action, produit déroutant signé Seth Gordon, trouve sa place parmi les contenus les plus vus de la plateforme, a de quoi laisser songeur sur l’état du discernement global.

Dans ce contexte confus, un véritable phénomène venu de Corée du Sud est venu s’installer tranquillement tout en haut des charts. Ce pur produit d’exploitation, opportuniste au possible, s’est propulsé en moins de deux mois dans le classement des films les plus populaires de l’histoire du N rouge. De quoi faire s’étrangler un festivalier cannois, mais surtout interroger sur les ressorts d’un tel emballement.

Comment Netflix prend les spectateurs en otageIls m’entraînent au bout de la nuit, les démons d’algorithme

Cet OVNI calibré à merveille pour un succès monstre, c’est KPop Demon Hunters, la première réalisation de Maggie Kang. Selon les données officielles de Netflix, le film d’animation a cumulé plus de 264 millions d’heures de visionnage. Sorti le 20 juin 2025, en à peine sept semaines d’exploitation (45 jours précisément), il est devenu le quatrième film « anglophone » le plus vu de toute l’histoire de la plateforme avec 158,8 millions de visionnages.

À l’heure actuelle, il n’est devancé que par Red Notice (230,9 millions de vues), Carry-On (172,1 millions) et Don’t Look Up (171,4 millions). À noter que Netflix établit ce palmarès en comptabilisant uniquement les vues enregistrées durant les 91 premiers jours de disponibilité d’un titre. Autrement dit, KPop Demon Hunters n’en est qu’à mi-parcours et dispose encore de 46 jours pour aller grappiller quelques dizaines de millions de vues supplémentaires.

Une certaine idée de l’enferNetflix + Blackpink

Produit par Sony Pictures et porté par un partenariat avec Netflix, le film coche toutes les cases d’un succès programmé. Visuellement clinquant, doublé par des stars coréennes et émaillé de chansons qui vous rentrent directement dans le crâne (« Petit Soda Pop » ronge encore les neurones de l’auteur de ces lignes) en intégrant des ressorts scénaristiques ultra-prévisibles (et des démons qui ne font pas peur), KPop Demon Hunters est moins un objet artistique qu’un produit d’exportation taillé pour le binge watching.

Derrière cette ascension fulgurante, il faut évidemment voir la force de frappe de la K-culture, aujourd’hui solidement installée dans l’imaginaire collectif. Après la vague BTS, le raz-de-marée Squid Game, et les cartons en série de dramas coréens sur Netflix, l’association K-pop + animation + folklore surnaturel était presque une équation gagnante d’avance.

Une imagerie taillée pour être répliquée en cosplay

Quid du prétexte du scénario ? Dans un futur proche presque néon-punk le girl band Huntr/x, composé de Rumi, Mira et Zoey, mène une double vie : stars planétaires de la musique le jour, chasseuses de démons la nuit. Mais un démon envoie un boys band rival, les Saja Boys, pour voler l’âme de leurs fans, les trois idoles doivent unir leurs forces, malgré leurs secrets et leurs histoires de cœur, pour sauver le monde. Ou quand Sailor Moon rencontre les Spice Girls.

KPop Demon Hunters s’impose comme un pur produit de consommation ultra calibré, pensé pour maximiser l’engagement sur la plateforme. Rien n’y dépasse, tout y est optimisé pour la lecture passive, le visionnage en boucle et l’apprentissage par cœur des chansons et des chorégraphies (qui ont déjà inondé TikTok, évidemment). Du divertissement clef en main, et une incarnation brillante purement artificielle d’un girl power transformé en produit.

KPop Demon Hunters est disponible sur Netflix.