Dans les tuyaux depuis 2022 mais seulement approuvée en dernière lecture par l’Assemblée nationale le 10 juillet dernier après un come-back inattendu, la réforme du scrutin des municipales à Paris, Lyon et Marseille, dite loi PLM, s’apprête, enfin, à connaître son épilogue. Saisi par les députés socialistes et écologistes le 15 juillet, puis par les sénateurs Les Républicains le 16 juillet et par la gauche sénatoriale le 18, le Conseil constitutionnel doit rendre son avis ce jeudi soir. En cas de feu vert, le texte s’appliquera dès les prochaines élections de mars 2026, avec deux scrutins le même jour pour élire d’un côté les conseillers d’arrondissement, de l’autre le conseil municipal.
« Il y a très peu de chances de censure », estime le constitutionnaliste Benjamin Moral, interrogé par La Marseillaise. Les trois saisines étrillent pourtant ce système des deux urnes. « Ce dédoublement du scrutin est de nature à semer la confusion dans la perception des électeurs, de telle sorte qu’il porte atteinte au principe de sincérité et de loyauté du scrutin », pointe la gauche sénatoriale, déplorant un vote moins d’un an avant les élections, en rupture avec la tradition républicaine. D’autant plus que la réforme introduit « une différence de traitement qui n’est pas justifiée », avec l’attribution d’un quart des sièges à la liste en tête, contre la moitié ailleurs.
« Il y a un régime différencié qui peut porter atteinte, in abstracto, au principe d’égalité, reconnaît Benjamin Morel. Mais si cette loi est anticonstitutionnelle, alors celle d’avant l’était encore plus ! » L’argument d’une entrée en vigueur trop proche de la date du scrutin risque aussi d’être écarté. « Aucune disposition constitutionnelle ne l’empêche, rappelle-t-il. Le Conseil constitutionnel avait déjà été interrogé pour les départementales de 2014, on voit mal pourquoi il changerait son fusil d’épaule. »
Caillou dans la chaussure
Un point, cependant, pourrait faire mouche. « Il y a un principe d’irrecevabilité financière : toute proposition de loi doit se faire à coût constant », explique Benjamin Morel. « Or, il résulterait des dispositions de la loi litigieuse un accroissement des charges publiques liées à l’organisation d’un nouveau scrutin : impression de bulletins supplémentaires, personnels supplémentaires le jour du vote, etc. », pointe la saisine des sénateurs LR. Des dépenses que le gouvernement n’a pas reprises à son compte, s’étonne le constitutionnaliste. « Ça m’apparaît relever du domaine de l’étourderie, mais ça a de lourdes conséquences », reconnaît-il. Si ce point est retenu, c’est le texte dans sa totalité qui pourrait tomber. « Mais on peut trouver un cheminement pour le valider, s’il est induit en termes de réorganisation de l’administration », avance le constitutionnaliste. Les 27 pages d’observations transmises ce lundi par le Gouvernement, que nos confrères de La Gazette des communes ont pu consulter, jugent de leur côté que ces dépenses supplémentaires sont « indirectes et incertaines ». Si cela convainc les Sages, alors les états-majors politiques devront revoir leurs habituelles stratégies électorales pour Marseille. De quoi animer la rentrée politique.