En France, « MasterChef », la compétition de cuisine réservée aux amateurs, n’a pas su s’imposer à la télévision. Elle n’a duré que le temps de cinq saisons sur le groupe TF1 entre 2010 et 2015 et, son retour en 2022 sur France 2 a tourné court. Au Royaume-Uni en revanche, où cette émission de téléréalité a été lancée en 1990, elle est une institution.
Le coup d’envoi de la 21e saison sera donné ce mercredi à 20 heures sur la BBC. Mais cette édition suscite la controverse pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la gastronomie. Explications.
Quarante-cinq accusations contre Wallace, une contre Torode
Depuis ce mercredi matin, les Britanniques peuvent découvrir les trois premiers épisodes sur la plateforme iPlayer. Sur la page d’accueil, ces inédits sont illustrés simplement du visuel du trophée et non d’une photo des présentateurs Gregg Wallace et John Torode qui incarnent le programme depuis 2005. Et pour cause : tous deux ont été licenciés en juillet après qu’une enquête menée par le cabinet d’avocats Lewis Silkin a confirmé des accusations portées contre eux ces derniers mois, au sujet de leurs attitudes sur les tournages.
Le Guardian souligne que Gregg Wallace a fait l’objet de 45 accusations à son égard, dont « l’utilisation d’un vocabulaire sexuel inapproprié » et « un contact physique non désiré » envers une candidate. John Torode, lui, a été remercié pour avoir employé « une insulte raciste extrêmement offensante » en 2018.
Le diffuseur public britannique avait réagi aux résultats de l’enquête en affirmant que ces « comportements inappropriés », qui se sont déroulés sur une période de dix-neuf ans, sont « en deçà des valeurs de la BBC et des attentes que nous avons envers quiconque travaille avec ou pour nous ».
La BBC reconnaît que « davantage aurait pu et dû être fait »
« Bien que l’ampleur de ces problèmes n’ait pas été connue à l’époque, plusieurs occasions ont été manquées de remédier à ces comportements, tant par les sociétés de production de « MasterChef » que par la BBC. Nous reconnaissons que davantage aurait pu et dû être fait plus tôt », avait battu sa coulpe le service public britannique tout en faisant porter une partie des torts à la société de production Banijay.
Le sort de Gregg Wallace et John Torode était ainsi scellé. Le duo, connu du public d’outre-Manche pour son humour et ses réparties piquantes, s’avérait être moins bon enfant une fois les caméras éteintes. « Ils ont su produire de la bonne télé au fil des ans, a glissé une source de la BBC à un journaliste du même média. Mais d’un autre côté, les mauvais comportements deviennent la norme et personne ne les remet en question. »
Malgré ces révélations et le double licenciement, la BBC a fait savoir qu’elle comptait bien diffuser la saison tournée avant que la polémique éclate. Sarah Shafi, l’une des candidates de cette 21e saison s’est alors indignée. Au Guardian, elle raconte avoir contacté Banijay. « Je leur ai dit : « Supprimez l’émission, ne la diffusez pas ». Des personnalités en vue ont abusé de leur pouvoir. Quel message cela envoie-t-il aux femmes ?, a-t-elle relaté au quotidien. Ces hommes puissants n’agissent pas isolément. Il y a un environnement favorable, qui ferme les yeux… C’est le résultat d’années d’irresponsabilité de ces institutions. »
Une candidate coupée au montage
La société de production a alors proposé à Sarah Shafi de… la couper au montage. Ce que cette habitante de Leeds de 57 ans a accepté. Un porte-parole de Banijay a avancé au Guardian avoir « soigneusement « écouté les préoccupations [de la quinquagénaire] concernant la diffusion de la série et en [avoir] discuté avec la BBC » mais que, « après avoir consulté tous les candidats de cette saison avant de prendre une décision, le soutien des participants en faveur du maintien de la diffusion a été unanime ».
Un choix qu’a déploré Sarah Shafi au micro de « BBC Newsnight » : « Dans un monde idéal, l’émission aurait été supprimée [en signe de respect envers les personnes dont les accusations ont été reconnues valides]. »
La ministre de la Culture ne regardera pas
La controverse a fini par atteindre le champ politique. Ce mercredi, invitée de l’émission « BBC Breakfast », la ministre de la Culture Lisa Nandy, membre du Parti travailliste, a déclaré qu’il n’était pas de son ressort « de dire aux diffuseurs ce qu’ils peuvent ou non diffuser », mais que, « en tant que téléspectatrice », elle « ne regarder [a] pas cette saison ». Pas de quoi faire trembler la chaîne.
Cette 21e saison devrait cependant avoir un arrière-goût amer pour les fidèles de « MasterChef ». Les médias qui ont vu le premier épisode notent que « le montage inclut moins de blagues que d’habitude ». Les échanges entre Gregg Wallace, John Torrode, et les chefs, ont également été réduits à portion congrue.