Installé sur l’île de Ré, Shoodrik donne une seconde vie aux pièces détachées récupérées auprès d’un atelier d’insertion

Dans son atelier du Bois-Plage, les vieilles pièces de vélo trouvent une seconde vie sous les mains de Shoodrik. De son vrai nom Cédric, l’artiste rétais transforme pignons, rayons et chaînes rouillées en animaux marins, totems monumentaux ou silhouettes familières de l’île de Ré. Depuis 2016, il soude, martèle, assemble et donne forme à ce qu’il appelle le « RéCycle’Art », une contraction assumée de Ré, cycle, art et recyclage.

Un déclic à la déchetterie

L’aventure commence par un choc, à la déchetterie. « Je voyais tous ces vélos que les gens jetaient. » Ce gaspillage le heurte. « Dans la nuit, je me suis dit : pourquoi je ne ferais pas ça, moi ? » Alors loueur et réparateur de vélo sur l’île, il commence à bricoler dans son garage. Des luminaires d’abord, puis des sculptures. Rapidement, les retours sont bons. « Les sculptures ont le plus retenu l’attention », se souvient-il.

Aujourd’hui, Cédric ne fréquente plus les déchetteries. Ses pièces détachées, il les récupère auprès de l’atelier d’insertion Icycle, installé au cœur de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré. Les détenus y remettent en état les vélos réparables ; les morceaux trop abîmés ou usés, Shoodrik les transforme en œuvre d’art.

L’artiste revendique ce choix du recyclage, bien que coûteux. « Avec toute la main-d’œuvre que je mets à démonter les pièces et à les préparer, ça coûte trois fois plus cher que travailler avec du neuf », tranche-t-il. Mais ces vieilles pièces ont, selon lui, une âme : « Elles ont un cachet, elles racontent une histoire. » Et pour l’île de Ré, surnommée « l’île aux vélos », cette démarche prend tout son sens.

L’ingéniosité plutôt que l’inspiration

Shoodrik ne parle pas d’inspiration, mais d’ingéniosité. « Une tortue, ça existe. Un paon, ça existe. Celui qui va travailler sur de l’abstrait va faire travailler son imagination. Moi, c’est : comment représenter cette forme avec les pièces que j’ai à disposition ? » Raie, hippocampe, pieuvre, manchot… son bestiaire est foisonnant. Il a aussi conçu plusieurs sculptures représentant l’île de Ré, mais pense bientôt arrêter. « Je vais me retrouver à ne faire plus que ça. Ce n’est pas le but. »

En 2024, il livre une œuvre d’une autre ampleur : un poing géant serrant un vélo, exposé à Paris pour les Jeux olympiques. Réalisée à partir de pièces sélectionnées par les détenus d’Icycle, la sculpture porte les lettres « JO » et « Paris », ainsi qu’une flamme rouge. Plus de 300 heures de travail, six semaines intenses.

Une liberté revendiquée

Dans ses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, on suit l’avancée des œuvres. Un paon, une main, une roue qui tourne. Mais on n’y voit jamais les longues heures de nettoyage, de meulage, de soudure. « Il y a ce truc qui revient : « Waouh, ça a été super vite. » Mais ça fait quand même dix jours que je suis dessus », glisse-t-il avec le sourire.

Shoodrik préfère désormais laisser parler ses œuvres plutôt que de répondre à des commandes sur mesure. Trop de contraintes, trop d’attentes. Il garde ainsi une liberté créative qu’il juge essentielle : avancer à son rythme, selon ses envies et ses matériaux. Le métal rouillé, lui, ne discute jamais.