Mi-juin, l’association Nouvel Œil, présidée par Philippe Stimaridis, lançait la première édition des Estivales Photo de Saintes avec plusieurs expositions disséminées dans la ville. Les images de l’invité d’honneur, Laurent Baheux, sont encore visibles jusqu’au 13 septembre sur des bâches suspendues rue Alsace-Lorraine et rue Victor-Hugo, et à la galerie Imagin’art, 25 rue Saint-Michel. Le Poitevin, âgé de 55 ans, y anime une conférence samedi 9 août à 16 heures (1). Entretien.
D’où vient votre goût pour la photo ?
J’ai commencé comme pigiste sportif à « Centre Presse », à Poitiers. Très vite, ils m’ont demandé de faire des photos. J’y ai pris goût sur le terrain, une bonne école, d’abord par le sport puis sur l’actualité locale. Comme le journal avait de gros besoins en images, j’ai basculé sur la photo et j’ai arrêté d’écrire. J’ai fait quinze ans de photos de sport en proposant mes services aux agences sportives. J’ai couvert 15 Rolland-Garros, les JO, ce genre de gros événements.
Comment en êtes-vous venu à vous concentrer sur la photo animalière ?
J’avais réussi à me faire une place dans l’univers du sport. Mais moi qui aie grandi dans la tranquillité de la campagne poitevine, j’ai saturé de la vie parisienne et la foule des grands stades. J’ai ressenti le besoin de me recentrer sur des choses essentielles. Je suis parti en Afrique de l’Est, pour m’octroyer des respirations. Un ami qui organisait un événement à Collioure m’a proposé d’exposer, ce que je n’avais jamais fait. J’ai vu le regard des gens sur mon travail, je n’imaginais pas autant émouvoir par procuration. C’est là que l’on mesure le pouvoir de l’image. En cinq ans, j’ai progressivement lâché le sport pour me consacrer à la photo animalière, avec une diffusion en galerie et dans des ouvrages.
Votre griffe, c’est un travail sur le noir et blanc. Pourquoi ce choix esthétique ?
Je suis assez vieux pour avoir connu l’argentique, dans les années 90. À l’époque, toutes les pages étaient en noir et blanc. J’ai tout appris de la photo dans le labo argentique. J’ai gardé ce goût-là. Les grands maîtres de la photo travaillaient en noir et blanc. Moi qui suis autodidacte, c’est ça qui a nourri mon regard.
Un portrait de lion capté par Laurent Baheux au Kenya en 2013.
Laurent Baheux
Vous magnifiez la nature. Est-ce que ce n’est pas trahir la réalité, la cruauté, les difficultés de la vie dans la savane ?
J’aime magnifier ces animaux parce que j’aime émouvoir par le beau. Après avoir passé plus de vingt-trois ans à les photographier, ce qui ressort principalement, c’est que la vie est paisible dans la savane. Les instants de cruauté sont éphémères. En dehors des moments de prédation, on a vraiment ce sentiment de sérénité. Mon travail s’est dirigé vers ça, en mode contemplatif. Ce sont ces moments de grâce que je retiens.
En 23 ans, avez-vous vu la nature se dégrader ?
C’est un sujet sensible. Comme partout, l’Afrique n’y échappe pas. Quand l’homme blanc est arrivé, au XIXe siècle, on pensait que les ressources et les effectifs d’animaux étaient illimités. Il y avait des tableaux de chasse indécents. Puis il y a eu la création des parcs nationaux. Aujourd’hui, la population humaine grignote le territoire un peu partout. Heureusement qu’il y a ces territoires protégés, mais le repli s’accentue.
Vos lions et vos gazelles trônent au-dessus des badauds depuis mi-juin dans les rues piétonnes de Saintes. Est-ce que cette façon d’exposer vous plaît ?
C’est assez sympa, ces expos en extérieur, gratuites, ouvertes à tous, pour toucher le public, le sensibiliser. Cette exposition est doublée d’une autre, à la galerie Imagin’art, qui réunit trois volets, l’Afrique, l’Arctique canadien et européen, et les chevaux en liberté.
Les images de Laurent Baheux surplombent la rue Victor-Hugo et la rue Alsace-Lorraine depuis mi-juin.
Philippe Ménard/SO
Philippe Stimaridis, président de Nouvel Œil, présente une des images de Laurent Baheux déclinée sur une grande bâche.
Philippe Ménard/SO
« Je ne sais pas si dans cinq ans ce sera encore mon métier. Il faut essayer de faire confiance à la jeunesse pour inventer des outils qui permettront de faire des nouvelles choses »
Vous revenez samedi 9 août animer une conférence. C’est un exercice que vous appréciez ?
Photographe est un métier de solitaire, surtout quand on photographie la nature. Pouvoir partager avec le public en direct, c’est toujours sympa.
À l’heure où tout le monde prend tout et n’importe quoi en photo, quel avenir voyez-vous à cette discipline ?
J’évite de me poser la question ! C’est devenu tellement facile de prendre une photo. Les photographes d’expérience ont tendance à penser qu’ils ont une valeur ajoutée, par la construction d’un travail cohérent. Mais c’est de plus en plus compliqué, effectivement. Je ne sais pas si dans cinq ans ce sera encore mon métier. Il faut essayer de faire confiance à la jeunesse pour inventer des outils qui permettront de faire des nouvelles choses.
(1) Gratuit sur réservation avant le jeudi 7 août au 06 60 42 13 18 ou nouvel.oeil.17@gmail.com. Site du photographe : www.laurentbaheux.com.