« Il est minuit !!! Des milliards de dollars de droits de douane affluent maintenant vers les États-Unis d’Amérique ». Donald Trump s’est félicité cette nuit de l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane américains. Des surtaxes généralement comprises entre 15 et 41 % sur les produits importés aux États-Unis, malgré les principaux partenaires accords commerciaux conclus avec le Japon ou encore l’Union européenne.
Résultat, le taux effectif moyen des droits de douane sur les produits américains atteint presque 19 %, d’après les chiffres du « budget lab » de l’Université de Yale. Du jamais vu depuis 1933.
Dans l’esprit de Donald Trump, l’objectif de son offensive commerciale est simple : faire payer ses partenaires commerciaux qui, selon lui, ont « pillé » et « spolié » son pays. Et ainsi rééquilibrer la balance commerciale. Il souhaite aussi inciter les entreprises à produire davantage sur le territoire américain pour recréer des emplois. Mais dans les faits, des milliards vont-ils réellement « affluer » vers le pays ? Qui paie réellement la facture des droits de douane ?
Toute la chaîne de valeur est concernée
Quand les États-Unis mettent en place des droits de douane sur les produits importés d’un pays, ce sont les importateurs américains qui s’acquittent de la taxe. Et non le pays exportateur. « Mécaniquement, la taxe à l’importation doit être payée par l’importateur, », expliquai, en effet, à La Tribune il y a quelques jours Ruben Nizard, économiste chez Coface.
L’administration Trump a souvent argué que les pays exportateurs allaient payer la plus grande partie des tarifs douaniers et que la hausse des prix sur les consommateurs américains serait minime. Selon elle, les entreprises étrangères préféreraient ne pas augmenter leurs prix afin de conserver leur part de marché et leur compétitivité aux États-Unis. Un argument qui peut tenir, mais uniquement pour les secteurs où les produits peuvent être facilement remplacés par du made in USA.
En réalité, « il est fort probable que ce coût soit réparti tout le long de la chaîne de valeur » aux États-Unis, complétait Ruben Nizard. Et au bout de cette chaîne se situe… le consommateur américain. Les grossistes ou les détaillants américains ont deux possibilités : répercuter une partie ou le total du coût de la surtaxe sur leur marge ou sinon augmenter leurs prix. Pour 2025, le Budget lab de l’Université de Yale anticipe déjà une inflation de 1,9 % aux États-Unis et une perte de revenu moyenne de 2 500 dollars par ménage.
C’est ce que démontre également Un article de recherche de la Harvard Business School, « Tariff Pass-Through at the Border and in Stores : Evidence from U.S. Trade Policy », publiée en 2021 et qui a souvent été brandi à tort par l’administration Trump elle-même. D’après lui, in fine, ce sont bien les Américains qui payent la facture. Le papier a ainsi étudié les conséquences des droits de douane mis en place lors du premier mandat de Trump, notamment envers la Chine. Conclusion des chercheurs : « Les droits de douane ont été répercutés presque intégralement sur les prix à l’importation aux États-Unis, ce qui signifie que l’incidence des droits de douane repose en grande partie sur les États-Unis ».
Des milliards pour le pays
Des grandes entreprises américaines ont même déjà commencé à enregistrer des pertes à cause des droits de douane. Elles ont préféré toucher à leur marge plutôt qu’au prix. C’est le cas d’Apple qui enregistre un coût d’1,1 milliard de dollars pour le trimestre en cours. Nike chiffre une perte de près d’1 milliard pour 2026.
Il n’empêche, Donald Trump a bien raison sur une chose : les droits de douane vont rapporter « des milliards de dollars » au pays. Début juillet, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a indiqué que les États-Unis avaient déjà encaissé 100 milliards de dollars de recette des surtaxes douanières depuis janvier. Et qu’il anticipe un gain de 300 milliards d’ici à la fin de l’année.
Cette semaine, le président a déclaré que cet argent servira « avant tout à rembourser la dette [américaine], qui sera très importante », rapporte CNN. « Mais je pense qu’il est également possible que nous engrangions tellement d’argent que nous puissions très bien verser des dividendes au peuple américain », a-t-il complété. Un juste retour des choses puisque à la fin, ce sont les Américains qui auront payé la plus grande partie de la note.