Au Port du Rhin, les habitant(e)s et membres du Conseil citoyen s’inquiètent de l’émission de plusieurs polluants toxiques dans l’air par l’entreprise Blue Paper, mais plus globalement par toutes les entreprises du secteur, très industriel. Ils et elles demandent la tenue d’une réunion publique sur le sujet, davantage de transparence, de contrôles et une étude d’impact sanitaire.
Au Port du Rhin, les inquiétudes concernant la qualité de l’air ne sont pas nouvelles. Depuis plusieurs années, les incendies dans le secteur se répètent : la Société des Malteries d’Alsace en 2019, Soprema en 2021 et 2025, OVH en 2021, Derichebourg en 2023 ou dans un entrepôt en 2024.
On peut rajouter à cela la pollution engendrée par l’avenue du Rhin et son trafic routier et poids lourds.
Ce n’est pas parce que ça se passe au Port du Rhin que ça ne concerne que le Port du Rhin.
Baptiste, membre du Conseil citoyen du Port du Rhin
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Mais récemment, c’est par Rue89 que les habitant(e)s du Port du Rhin ont appris une autre nouvelle : ils et elles respirent trois polluants toxiques depuis plusieurs mois. En effet, l’usine de carton Blue Paper a été mise en demeure le 4 février par la préfecture du Bas-Rhin, lui demandant de baisser ses rejets atmosphériques de dioxines et de furanes dans un délai de trois mois. Blue Paper étant d’ailleurs considérée comme l’une des 10 usines alsaciennes qui émettent le plus de polluants dangereux.
Si la mise en demeure a été levée, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : en colère d’avoir appris cette exposition plusieurs mois après les faits, le Conseil citoyen du Port du Rhin demande désormais la tenue d’une réunion publique pour plus de transparence par rapport à l’air que les habitant(e)s respirent dans le quartier.
1. © Anthony Jilli / Pokaa ; 2. © Nicolas Kaspar / Pokaa
Des enfants qui grandissent à côté d’un grand site industriel
Quartier d’ambition pour la Ville, les Deux-Rives possèdent la particularité d’être une ancienne friche industrielle, désormais progressivement transformée en secteur d’habitation.
Néanmoins, alors que 30 000 habitant(e)s sont attendu(e)s à moyen terme, le quartier, et tout particulièrement le Port du Rhin, grandit à proximité du Port autonome de Strasbourg et de ses nombreuses entreprises, dont plusieurs classées Seveso. Késako ? Des sites industriels à risque qui produisent ou stockent des substances pouvant être dangereuses pour l’humain et l’environnement.
C’est particulièrement ce qui inquiète le Conseil citoyen, et notamment Baptiste : « On est dans un quartier qui grandit, avec de plus en plus d’habitants qui ne sont pas forcément informés sur les risques auxquels ils sont soumis en venant ici. »
Philippe et Clément, deux habitants, ont développé des problèmes respiratoires depuis leur installation, tandis qu’une locataire se demande : « Est-ce qu’on a bien fait d’amener les enfants ici ? »
Il y aura 30 000 habitants d’ici 10 à 15 ans donc c’est un véritable problème de santé publique.
Edwige, membre du Conseil citoyen du Port du Rhin
1. © Nicolas Kaspar / Pokaa ; 2. © Hélène Berrier / Pokaa
Les habitant(e)s dénoncent aussi une forme de greenwashing de la part des promoteurs immobiliers, qui vendent toujours le secteur comme un écoquartier. Plus globalement, ils et elles demandent : « On veut que tout le monde prenne au sérieux le fait que ce ne soit plus seulement une zone industrielle, mais une zone d’habitation. » Avec notamment une école et une crèche à proximité.
De son côté, Blue Paper a réagi par voie de communiqué de presse. L’entreprise indique avoir, « dans un délai extrêmement court », installé un « système d’injection d’un réactif minéral destiné à l’abattement des dioxines ». Un traitement qui a permis « un retour à la conformité des émissions de dioxines ». Une réponse qui n’a pas vraiment satisfait les habitant(e)s ayant pu le lire.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Davantage de transparence, de contrôles et une réunion publique pour informer les habitant(e)s
Pour interpeller les pouvoirs publics et informer les habitant(e)s, le Conseil citoyen a mis en place un dossier de presse pour alerter sur les dépassements des seuils légaux de la part de Blue Paper. Il y détaille six revendications pour « améliorer cette cohabitation qui sera de toute façon pérenne » :
- Plus de transparence sur les données d’émission de substances polluantes. Sur ce point, Edwige, membre du Conseil citoyen, explique : « Si catastrophe il y a, qu’est-ce qui serait mis en place pour protéger les habitants ? »;
- Des contrôles plus fréquents;
- Une expertise sanitaire indépendante, par l’ARS Grand Est;
- La surveillance élargie des dioxines et PCB;
- Une étude d’impact sanitaire;
- Une commission de suivi de site de Blue Paper.
C’est le choix de la Ville d’avoir construit près du port ; ça demande une mise en place de concertations, de mesures de sécurité.
Baptiste, membre du Conseil citoyen du Port du Rhin
© Nicolas Kaspar / Pokaa
« Des mesures concrètes » selon Edwige, qui souhaite également la tenue d’une réunion publique, en présence d’ATMO Grand Est, pour informer les habitant(e)s de l’air qu’ils et elles respirent.
Car comme l’explique Baptiste : « Ce n’est pas parce que ça se passe au Port du Rhin que ça ne concerne que le Port du Rhin. Et cette exposition chronique aux polluants, on ne sait pas à long terme les conséquences sur les habitants. » D’où ce signal d’alerte, dans ce quartier à haute ambition pour la Ville.
© Nicolas Kaspar / Pokaa