L’ex-collaborateur d’un eurodéputé d’extrême droite allemand, soupçonné d’espionnage au profit de Pékin, est jugé à partir de ce mardi 5 août à Dresde (est de l’Allemagne), dans un contexte de multiplication des cas d’espionnage ces derniers mois dans le pays. De septembre 2019 à son arrestation en avril 2024, Jian Guo, de nationalité allemande, était l’un des assistants parlementaires de l’eurodéputé Maximilian Krah, star sur TikTok et connu lui-même pour son penchant pour les autocraties. Selon le parquet, Jian Guo aurait «utilisé cette fonction pour collecter des informations» concernant «les avis et décisions du Parlement européen».

Actuellement âgé de 44 ans, Jian Guo était employé depuis 2002 par un service de renseignement chinois, affirme le parquet. Au Parlement européen, il aurait collecté plus de 500 documents, dont certains classés comme particulièrement sensibles. Son interpellation l’an dernier avait fait grand bruit, car Maximilian Krah était alors la tête de liste d’extrême droite de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) pour les élections européennes. Il est depuis au Bundestag (Parlement allemand), où il a été élu député en février 2025.

Jian Guo aurait aussi, toujours selon l’accusation, espionné des opposants et dissidents chinois en Allemagne. Pour ce faire, il serait apparu sur les réseaux sociaux comme un critique de la Chine pour mieux les tromper. Il aurait également rassemblé des informations sur des responsables politiques de l’AfD pour Pékin, dont la divulgation pourrait être particulièrement embarrassante pour ce parti, première force d’opposition en Allemagne depuis les législatives de février dernier.

D’après l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, les enquêteurs ont saisi des écrits en langue chinoise relatant les luttes de pouvoir au sein de l’AfD et des détails sur la vie privée et intime de sa cheffe de file Alice Weidel, elle-même grande experte de la Chine. Maximilian Krah a, pour sa part, nié auprès du magazine avoir échangé des informations internes au parti ou d’ordre privé avec son ex-collaborateur.

Selon l’accusation, Jian Guo aurait également livré à Pékin des informations d’ordre militaire grâce notamment à une présumée complice, désignée comme «Yaqi X». Arrêtée fin septembre 2024, elle est également jugée à Dresde ce mardi pour lui avoir fourni des informations sur les vols, cargaisons et passagers de l’aéroport de Leipzig /Halle (est), où elle travaillait pour une entreprise de services logistiques. Selon le ministère public, ces informations concernaient le transport de biens militaires et des personnes «ayant des liens avec une entreprise allemande d’armement», qui serait, d’après Der Spiegel, Rheinmetall, fabricant du char de combat Léopard, livré notamment à l’Ukraine. Les deux accusés ont passé un an en détention provisoire avant leur procès.

Survenue juste après l’arrestation de trois autres agents chinois présumés par les autorités allemandes, celle de Jian Guo avait nourri les craintes d’interférences de Pékin dans la politique de l’UE. La Chine avait protesté contre une «manipulation politique» et une «diffamation malveillante» à son égard.

Selon le tribunal, Maximilian Krah doit comparaître en tant que témoin le 3 septembre dans ce procès – prévu pour durer jusqu’au 30 du même mois. Cet avocat avait été banni des instances dirigeantes de l’AfD après plusieurs dérapages. Il avait notamment fait scandale en estimant qu’un SS n’était «pas automatiquement un criminel», ce qui avait conduit à une rupture au Parlement européen avec le parti d’extrême droite français Rassemblement national. Maximilian Krah est par ailleurs soupçonné de blanchiment d’argent et de corruption par le parquet de Dresde. Selon le Spiegel, il aurait reçu entre 2019 et 2023 plus de 50 000 euros de fonds venus de Chine, émanant de sociétés proches de son ex-collaborateur.

Ces derniers mois, plusieurs cas d’espionnage présumés, notamment au profit de Moscou ou Pékin, ont été rendus publics en Allemagne. Le procès de trois Germano-Russes, soupçonnés d’avoir transmis des informations à la Russie et préparé des actes de sabotage visant l’aide à Kyiv, est aussi en cours à Munich (sud).