La Suisse reste sous la pression économique des Etats-Unis depuis l’annonce du fameux «Liberation Day».
Keystone
La mise en œuvre de droits de douane américains punitifs a provoqué un choc en Suisse. Elle donne un nouvel élan à celles et ceux qui plaident pour un rapprochement avec l’Union européenne et renforce la tendance à l’alignement international en matière de sécurité. Analyse.
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08 août 2025 – 12:30
La votation populaire sur les «Bilatérales III», le nouveau paquet d’accords avec l’Union européenne (UE), s’annonce comme l’un des scrutins les plus importants pour le futur de la politique étrangère suisse. Le Parlement ne s’en saisira qu’en 2026 et le vote n’interviendra pas avant, mais les débats sont déjà vifs.
L’annonce américaine de l’imposition de nouveaux droits de douane le 1er août – jour de la fête nationale suisse, ironie du calendrier – a encore attisé les discussions politiques. Et elle donne du poids aux partisanes et aux partisans d’un rapprochement européen.
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Suisse-UE: où en sont aujourd’hui les accords bilatéraux?
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14 jan. 2025
La Suisse a un nouveau paquet d’accords bilatéraux. Il marque un nouveau chapitre dans la longue histoire d’une relation compliquée avec l’UE.
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Depuis le 7 août, des droits de douane punitifs de 39% frappent les exportations suisses à destination des États-Unis. Ce taux d’imposition a fait l’effet d’une bombe dans l’opinion publique. Pour l’industrie helvétique, largement tournée vers l’exportation, c’est un véritable séisme. Le président de la faîtière de l’industrie suisse des machines, un secteur clé, a parlé sans détour d’une «attaque contre la Suisse». Le monde de l’industrie et celui de la politique redoutent désormais une vague de suppressions d’emplois alors que certaines entreprises ont déjà recouru au chômage partiel.
Mais ce choc tarifaire est aussi politique. La Suisse avait pourtant été l’un des premiers pays à engager des discussions avec le président américain Donald Trump après l’annonce, début avril, de tarifs douaniers massifs dans le cadre de son «Liberation Day». À l’époque, Berne faisait face à une menace de 31% de droits de douane.
Le gouvernement avait rapidement réagi et évoqué une déclaration d’intention concernant un projet d’accord fixant des droits de douane de 10% sur les produits suisses.
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Les républiques sœurs: ce qui lie les États-Unis et la Suisse
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06 mar. 2024
La Suisse et les Etats-Unis sont souvent considérées comme des républiques sœurs, car les deux pays se sont mutuellement influencés.
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Ce compromis s’accordait bien avec l’image que la Suisse aime cultiver d’elle-même: soit celle d’une «république sœur» des États-Unis. Et lorsque la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter affirmait avoir «établi un contact» avec le président américain Donald Trump, cela semblait confirmer le statut privilégié du pays.
Tout autre scénario aurait été difficile à accepter pour une Suisse profondément attachée à son «exception helvétique». Ce sentiment, enraciné depuis le XIXe siècle, a justifié la neutralité pendant les deux guerres mondiales et alimenté la défense spirituelle du pays durant la guerre froide – au point de conduire à la surveillance des opposants politiques.
Depuis les années 1990, cette idée de «cas particulier suisse» est devenue le mot d’ordre politique de celles et ceux qui ne souhaitent pas d’une intégration européenne.
Un dilemme pour la droite conservatrice
Les droits de douane plongent surtout l’Union démocratique du centre (UDC), premier parti du pays, dans l’embarras. Plusieurs de ses figures de proue ont exprimé par le passé leur admiration pour Donald Trump et plaidé pour un rapprochement économique avec les États-Unis, dans le but de réduire la dépendance commerciale de la Suisse vis-à-vis de l’UE. Cette dernière absorbe environ la moitié des exportations suisses, contre quelque 18% pour les États-Unis.
Le média de droite libérale Nebelspalter a immédiatement désigné les coupables de l’échec des négociations avec Washington. Selon lui, des «Euroturbos» de gauche au sein du gouvernement et de l’administration auraient saboté les pourparlers, afin d’imposer les Bilatérales III au peuple. Une accusation qui repose sur l’existence supposée d’un «groupe influent de diplomates et de fonctionnaires» – sans qu’aucune preuve ne vienne l’étayer.
Karin Keller-Sutter a pour sa part livré une autre version. Lors d’une conférence de presse le 7 août, elle a indiqué que Donald Trump, avec qui elle s’était entretenue par téléphone fin juillet, lui avait très vite fait comprendre son intention d’imposer des droits élevés, évoquant le déficit commercial de son pays avec la Suisse.
Les explications de la présidente de la Confédération n’ont pas suffi à faire taire les critiques. Mais une chose est sûre: les Bilatérales III, elles, gagnent en popularité; du moins temporairement.
La relation avec l’UE, une question cruciale
Aussi important que soit le marché américain pour certains secteurs, l’avenir de la Suisse se joue dans sa relation avec l’Union européenne. Et la façon de définir les liens entre Berne et Bruxelles constitue l’une des principales lignes de fracture de la politique suisse.
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Huit graphiques pour comprendre les relations économiques entre la Suisse et l’UE
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19 mar. 2025
La Suisse et l’UE viennent de conclure un nouveau paquet d’accords bilatéraux. L’occasion de passer en revue, chiffres à l’appui, les liens économiques qui les unissent.
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Une adhésion à l’UE n’est pas sérieusement envisagée, une large majorité de la population y restant opposée, selon les sondages. Le débat porte plutôt sur le degré de rapprochement avec le marché intérieur européen, ses institutions et ses infrastructures. Une majorité de partis soutiennent les accords négociés; à droite, l’approche reste isolationniste et vise à maintenir la plus grande distance possible avec Bruxelles.
Une chose est sûre: la gauche suisse, traditionnellement favorable à l’UE, bénéficie du choc tarifaire actuel. Mais d’autres acteurs, jusque-là restés plus réservés, se prononcent désormais pour un rapprochement; notamment dans les milieux économiques et les partis du centre.
Sécurité: des initiatives européennes en cours
Ce mouvement de rapprochement avec l’UE se manifeste aussi dans le domaine de la sécurité. D’abord en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a profondément ébranlé le sentiment de sécurité en Europe, y compris en Suisse.
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L’invasion russe de l’Ukraine rapproche des pays neutres de l’OTAN
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08 août. 2023
Alors que la Suisse veut coopérer plus étroitement avec l’OTAN, d’autres pays neutres en Europe cherchent à se rapprocher de l’Alliance. Analyse.
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Ensuite, à cause de Donald Trump. Son imprévisibilité dans ce conflit alimente les inquiétudes, d’autant qu’il a lui-même semé le doute sur l’engagement des États-Unis envers les alliés de l’OTAN en cas d’attaque.
Face à cela, les initiatives de sécurité européennes ont été renforcées ces dernières années, et la Suisse y prend part. Elle participe notamment à plusieurs projets de coopération militaire dans le cadre de la Pesco (coopération structurée permanente de l’UE), ainsi qu’à l’initiative «European Sky Shield». Elle étudie également la possibilité de rejoindre le vaste programme de réarmement européen «ReArm Europe».
Entre le gouvernement, l’administration et la plupart des partis, un consensus s’est dégagé: la Suisse doit se rapprocher militairement de l’UE, comme elle le fait déjà avec l’OTAN – tout en respectant sa neutralité. Les sondages montrent que cette ligne bénéficie d’un large soutien dans la population.
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Les pays européens se rapprochent militairement et la Suisse suit (un peu) le mouvement
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28 août. 2024
Le gouvernement suisse a décidé de participer aux projets militaires de l’UE. Qu’est-ce que cela signifie pour la neutralité du pays?
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Et plus encore que dans le domaine économique, les questions de sécurité exigent de la confiance et de la fiabilité. Comparés aux États-Unis, les partenaires européens apparaissent comme des pôles de stabilité et de bon sens.
Le gouvernement suisse a déjà annoncé qu’il continuerait à plaider à Washington pour une baisse des droits de douane, tout en prenant des mesures de soutien à l’économie nationale. Mais aucune solution rapide n’est en vue. La présidente de la Confédération Keller-Sutter l’a résumé en conférence de presse: «Nous voulons une relation encadrée avec les États-Unis. C’est un partenaire commercial important. Mais pas à n’importe quel prix.»
Texte relu et vérifié par Benjamin von Wyl, traduit de l’allemand à l’aide d’un traducteur automatique/dbu
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