Dans un climat déjà tendu, les familles et les associations de défense des libertés se demandent : peut‑on imposer une décision étatique sans tenir compte du terrain, interroge le Miami Herald ?

Cette décision fait suite à une rencontre entre les responsables de l’Éducation de l’État et Van Ayres, le surintendant des écoles du comté de Hillsborough, en juin dernier. Lors de cette réunion, les responsables de l’État ont déclaré avoir trouvé plusieurs livres jugés inconvenants pour les bibliothèques scolaires publiques et ont clairement indiqué qu’ils souhaitaient que tous les districts de l’État retirent ces livres.

Une directive d’État, un coup de force local

Selon les autorités, le ministère de l’Éducation de Floride a exigé la suppression de 55 ouvrages jugés « inappropriés » ou « pornographiques » des établissements scolaires à l’échelle de l’État, y compris dans le comté de Broward. Les responsables locaux ont reçu l’ordre formel de retirer ces titres — sans possibilité de débat ni de filtre au niveau de la communauté scolaire.

« Ce sont des livres odieux et répugnants qui n’ont pas leur place dans une école en Floride », a déclaré Ryan Perry, président du Conseil de l’Éducation de Floride. « Ces personnes en qui vous avez confiance pour examiner ces documents maltraitent les enfants de votre comté », a déclaré Kelly Garcia, membre du Conseil de l’Éducation de Floride. 

Une liste controversée, des contenus explicitement « adultisés »

Parmi les livres ciblés figurent des titres largement reconnus : This Book Is Gay de Juno Dawson, Forever de Judy Blume, Wicked par Gregory Maguire, A Clockwork Orange d’Anthony Burgess, All Boys Aren’t Blue de George Johnson, Sold de Patricia McCormick — un récit poignant sur la traite humaine — et même A Stolen Life de Jaycee Dugard.

Ces ouvrages abordent des thèmes forts, parfois douloureux, parfois explicites. Selon les autorités, certains passages contiennent des descriptions détaillées d’actes sexuels — « des descriptions d’organes génitaux masculins, d’actes et d’intercours sexuels » — jugées trop explicites pour être diffusées en milieu scolaire.

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Van Ayres assure, catégorique, que ces livres n’existeront plus dans son comté d’ici la rentrée scolaire. « Pour la rentrée scolaire 2025-2026, je veux être assuré qu’il n’y aura absolument aucun document inapproprié dans nos bibliothèques », a-t-il déclaré.

La réaction des voix critiques

Stephana Ferrell, directrice du Florida Freedom to Read Project, ne mâche pas ses mots. Pour elle, l’État a outrepassé ses droits en imposant cette censure sans passer par les procédures habituelles. « Il n’y a aucune possibilité pour les parents d’intervenir… L’État a décidé pour nous », déplore-t-elle. Et de poursuivre : « Ils affirment pouvoir retirer ces livres en se basant uniquement sur l’avis d’experts, peu importe la valeur littéraire. »

Elle rappelle que, jusqu’ici, c’était aux communautés locales et aux comités scolaires de décider, à partir d’un examen complet de l’œuvre et de son intention. Désormais, cette porte est close.

Une censure silencieuse à l’aube de la rentrée

Ainsi, dans les couloirs des écoles, certains rayons s’éclaircissent. Une rentrée sans A Clockwork Orange, sans This Book Is Gay, sans tout un pan d’expressions littéraires — voilà le paysage dressé par une directive expéditive.

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Mais le débat ne s’éteint pas. Il réveille des questions universelles : qui décide des savoirs accessibles ? Quelle place pour l’éducation sexuelle, pour l’histoire, pour les récits marginaux ? Et surtout, dans un État où la majorité impose sa vision, que deviennent les voix dissidentes ?

« Chaque district a compris que ces 55 livres enfreignent la loi de l’État. Peu importe que les normes locales interdisent ces livres, ils sont acceptables pour certains niveaux et nous pensons qu’ils correspondent à nos critères », ajoute Stephana Ferrell en réponse à la récente directive de l’État, dans Local News.

Et de conclure : « Les parents ont toujours eu la possibilité de discuter individuellement avec leur bibliothécaire scolaire et de dire : “Je souhaite fixer ces limites pour mes enfants, car ce sont celles que nous appliquons à la maison”, et en cas de doute, ils peuvent en imposer. » Notons que plusieurs procédures judiciaires sont en cours devant les tribunaux, portant sur d’autres cas de saisie de livres dans l’État.

Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0

 

 

Par Clément Solym
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