La proposition « Chat Control », portée par l’Union européenne (UE), prévoit l’analyse automatique des messages privés pour détecter les contenus pédocriminels. Un vote décisif est attendu le 14 octobre 2025.

Officiellement appelée règlement sur la détection des contenus d’abus sexuels sur mineurs (CSAM), cette initiative a été relancée sous la présidence danoise du Conseil de l’UE le 1ᵉʳ juillet 2025. Les messageries comme WhatsApp, Signal ou Telegram figurent parmi les plateformes ciblées.

Origines et relance de la proposition

La commissaire européenne Ylva Johansson introduit la proposition « Chat Control » en mai 2022 pour le même objectif. Surnommé « Chat Control 2.0 », le projet s’appuie sur un constat alarmant. 

En 2021, on recense plus de 1,5 million de signalements de contenus CSAM. Des diffusions s’effectuant principalement sur des services de messagerie comme Gmail ou Facebook Messenger.

À cette époque, ces plateformes effectuaient déjà un scan volontaire des messages privés, tant dans l’UE que dans le reste du monde. Dès son lancement, la proposition suscite une vive opposition.

Une consultation publique en 2022 révèle que plus de 80 % des répondants rejettent le scan des communications chiffrées. En outre, plusieurs États membres, dont l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne, jugent la mesure disproportionnée.

En 2024, sous les présidences belge et hongroise, des versions édulcorées du texte proposent un scan volontaire ou limité aux contenus partagés (photos, vidéos, URL). Mais la proposition échoue à obtenir une majorité.

Client-side scanning, le mécanisme redouté

La proposition repose sur une technologie client-side scanning. Ce mécanisme de l’UE analyse les messages privés, photos et liens directement sur l’appareil de l’utilisateur, avant leur chiffrement.

Elle serait intégrée aux applications comme WhatsApp ou Signal. L’algorithme comparerait chaque contenu à une base de données de contenus pédocriminels.

Le système détectera n’importe quel comportements suspects tels que le grooming (sollicitation sexuelle de mineurs) grâce à l’analyse du texte. Tout élément suspect serait ensuite transmis à une future Agence européenne pour investigation.

Ce mécanisme suscite de vives critiques. Patrick Breyer, ancien eurodéputé, et Meredith Whittaker, présidente de Signal, dénoncent une atteinte grave à la confidentialité des messages privés.

Selon eux, ce type de surveillance rend inévitable l’affaiblissement du chiffrement de bout en bout. « Il n’existe aucun moyen de mettre en œuvre un tel système sans créer une faille majeure, avec des conséquences mondiales », alerte Whittaker.

L’UE face au dilemme des messages privés

La proposition continue de diviser les États membres. Dix-neuf pays, dont la France, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, la Suède, la Belgique et la Hongrie, soutiennent la mesure.

Longtemps réticente, la France a récemment changé de position, tandis que l’Allemagne reste indécise. Son vote pourrait faire basculer le scrutin prévu le 14 octobre 2025.

À l’inverse, des ONG comme l’Electronic Frontier Foundation (EFF), des entreprises technologiques et la Cour européenne des droits de l’homme dénoncent une surveillance de masse.

Le service juridique du Conseil de l’UE et la Cour européenne estiment la proposition contraire au droit à la confidentialité, garanti par le RGPD et la Charte des droits fondamentaux.

Patrick Breyer alerte : « Chaque citoyen serait traité comme un suspect. » Les algorithmes de détection, sujets à de nombreux faux positifs jusqu’à 80 % selon une étude en Suisse, pourraient même criminaliser des échanges anodins, notamment des photos familiales.

Face à cette menace sur les messages privés, Signal et WhatsApp menacent de quitter le marché européen, affirmant que la sécurité de leurs utilisateurs serait compromise.

Dans la société civile, la mobilisation s’intensifie. Des campagnes comme « Stop Scanning Me », menée par l’ONG EDRi, appellent les citoyens à interpeller leurs gouvernements pour défendre le droit à la vie privée dans l’UE.

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