Le cabinet de sécurité israélien a approuvé dans la nuit un plan, présenté par le Premier ministre, pour, dit-il, « vaincre » le Hamas et « prendre le contrôle » de la ville de Gaza.
Pour le Haut-Commissaire aux droits de l’homme Volker Türk, ce plan « doit être immédiatement stoppé ». Le Premier ministre britannique Keir Starmer parle lui d’une « erreur ». Pékin a exprimé sa « grave inquiétude » et exhorté Israël à « cesser immédiatement ses actions dangereuses ». La Turquie a « appelé la communauté internationale à assumer ses responsabilités en vue d’empêcher la mise en oeuvre » du plan.En Allemagne non plus, ce plan et la situation à Gaza ne laissent pas indifférents.
Suspension des livraisons d’armes venant de l’Allemagne
Aussitôt après l’annonce du plan israélien pour le contrôle de Gaza, le chancelier allemand Friedrich Merz a annoncé la suspension des livraisons d’armes qu’Israël pourrait utiliser sur place pour sa mise en oeuvre.
Ce plan prévoit l’évacuation des civils palestiniens hors de la ville de Gaza, située dans le nord de la bande de Gaza, pour y lancer une offensive militaire terrestre tout en fournissant de l’aide humanitaire à la population civile en dehors des zones de combat.
Selon Benjamin Netanyahu, Israël qui recherche le désarmement du Hamas, le retour de tous les otages – morts ou vifs – et la démilitarisation de la bande de Gaza n’entend pas pour autant administrer la zone.
Le plan de Benjamin Netanjahu prévoit notamment l’évacuation des civils palestiniens hors de la ville de Gaza.Image : Christian Thiel/IMAGO
Dans un communiqué, le chancelier allemand Friedrich Merz (CDU) a expliqué qu’il devient « de plus en plus difficile de comprendre » en quoi le plan militaire israélien permettrait d’atteindre ses objectifs dans la bande de Gaza.
Conséquence : Berlin a estimé que « dans ces circonstances, le gouvernement allemand n’autorise pas, jusqu’à nouvel ordre, les exportations d’équipements militaires susceptibles d’être utilisés dans la bande de Gaza ».
Jusqu’à présent, l’Allemagne était, avec les Etats-Unis, l’un des plus fidèles alliés d’Israël en raison de sa responsabilité historique dans le génocide des Juifs sous le nazisme (l’Holocauste). La décision du chancelier marque donc un tournant de la part du gouvernement allemand.
Friedrich Merz a également précisé que « le gouvernement allemand reste profondément inquiet de la souffrance continue de la population civile dans la bande de Gaza » et explique qu’avec « l’offensive prévue, le gouvernement israélien porte une responsabilité encore plus grande » en ce qui concerne l’aide aux civils dans le territoire palestinien.
Pour Berlin, un accès complet pour « les organisations de l’Onu et d’autres institutions non gouvernementales » est primordial alors que les Nations unies ne cessent d’alerter au sujet de la famine.
Le ministre fédéral des Finances et vice-chancelier Lars Klingbeil (SPD) a estimé que la décision de ne plus livrer d’armes à Israël est justifiée. Selon lui, « les souffrances humanitaires à Gaza sont insupportables. Le gouvernement israélien porte une grande responsabilité dans la situation humanitaire à Gaza. C’est pourquoi l’aide humanitaire doit maintenant être acheminée le plus rapidement possible et de manière exhaustive vers Gaza. L’État d’Israël bénéficie de la pleine solidarité de l’Allemagne, mais il faut également dénoncer ce qui est inacceptable ».
Réactions de la classe politique allemande
Chez les sociaux-démocrates du SPD, tout en saluant la décision du gouvernement de suspendre la livraison d’armes, on réclame de nouvelles sanctions contre Israël. Selon Adis Ahmetovic, porte-parole du groupe parlementaire SPD au Bundestag chargé des affaires étrangères, l’offensive militaire dans la bande de Gaza « entraînera inévitablement de nouvelles expulsions et affamera la population palestinienne ».
Les Nations unies ne cessent d’alerter au sujet de la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza.Image : Dawoud Abu Alkas/REUTERS
Il évoque également la possibilité d’une suspension totale ou partielle de l’accord d’association entre l’UE et Israël et demande » l’évacuation médicale, en particulier des enfants gravement blessés », que plusieurs villes allemandes se sont déclarées prêtes à accueillir.
Le parti de gauche, die Linke, salue également l’arrêt des exportations allemandes de certains équipements militaires vers Israël et l’attribue à la pression politique. Lea Reisner, responsable des affaires étrangères du parti Die Linke, a par ailleurs appelé sur X à prendre des mesures supplémentaires en réponse au plan pour le contrôle de Gaza.
« À partir d’aujourd’hui, Israël fait le sale boulot pour nous, mais sans les armes allemandes », c’est ce qu’a pour sa part déploré sur X le président de la Junge Union JU et député CDU au Bundestag, Johannes Winkel. Le parti des chrétiens-démocrates est en quête de consensus sur la guerre au Proche-Orient.
Le Conseil central des Juifs d’Allemagne demande pour sa part au chancelier Friedrich Merz (CDU) de revenir sur la suspension partielle des exportations d’armes vers Israël. Selon son président Josef Schuster, « ce changement de cap va à l’encontre de toutes les déclarations de solidarité et de toutes les promesses faites par le chancelier depuis son entrée en fonction ». Selon lui, alors qu’Israel est régulièrement la cible d’attaques de ses voisins dans la région, le priver « de la possibilité de se défendre contre de telles menaces met en danger son existence ».
Outre la situation à Gaza, le gouvernement allemand s’est aussi exprimé au sujet de la Cisjordanie en demandant à Israël de ne pas prendre de nouvelles mesures en vue de l’annexer.