Dans une première moitié de championnat mouvementée chez KTM, les pilotes ont connu des scénarios différents l’un de l’autre. Maverick Viñales s’est très vite imposé en leader moral du groupe, affichant une approche constructive et décrochant rapidement de très bons résultats. Pedro Acosta lui a embrayé le pas après un début poussif, en partie miné par la situation du constructeur et ses envies d’ailleurs. Enea Bastianini, quant à lui, est longtemps apparu comme n’étant plus que l’ombre de lui-même, avant de se révéler à Brno.
Mais dans le quatuor, c’est la situation du plus expérimenté des pilotes KTM qui étonne le plus. Brad Binder rencontre des difficultés très marquées, et il n’a pour le moment pas réussi à véritablement en sortir alors que 12 Grands Prix ont passé.
L’an dernier, Brad Binder était le meilleur des autres, à savoir le cinquième homme du championnat derrière un quatuor de pilotes Ducati. Il le devait à une saison constante plus qu’à de gros coups d’éclat, sachant que son unique podium de 2024 a été celui qu’il a décroché lors de la manche d’ouverture. Mais au bout de 12 Grands Prix, il avait marqué 145 points ; au même stade, il en compte aujourd’hui moins de la moitié, à savoir 68.
Le podium, Binder ne l’a plus visité depuis un an et demi, et c’est même le top 5 qui se refuse obstinément à lui. Son meilleur résultat depuis le début de la saison est une sixième place, obtenue dans la course longue de Jerez et au sprint du Sachsenring. En qualifications, on ne l’a vu que trois fois en Q2 et jamais plus haut non plus que la sixième place sur la grille, en Aragón.
Brad Binder a eu peu d’occasions de se battre avec son coéquipier cette saison.
Photo de: Rob Gray / Polarity Photo
Il semble évident que, depuis des mois, le Sud-Africain se bat avec une moto qui ne lui permet plus de s’exprimer comme il l’a toujours fait. Questionné à Brno sur ce qui serait la principale limite de KTM actuellement, il a décrit un problème qui le gêne particulièrement : « Pour moi, il est très clair qu’au début il y avait une quantité extrême de vibrations à l’arrière, et ensuite à l’avant. Au fur et à mesure que la saison a avancé, on a eu ça sous contrôle, mais on bénéficierait beaucoup d’avoir un peu plus de grip à l’avant, donc c’est ce qu’on recherche. »
« Il est difficile de dire quelle est la plus grosse limitation. Ça dépend beaucoup du circuit », a-t-il néanmoins souligné. « Il y en a sur lesquels on est vraiment plutôt bien et d’autres où l’on a beaucoup de mal. Je dirais que les choses ont un petit peu changé dans les deux ou trois dernières courses et on semble être en train de trouver notre voie. »
Une nature de pilotage à changer
La RC16 déséquilibre son pilote, et les 13 chutes subies par Binder en Grand Prix en disent long. Il s’agit du second plus grand nombre d’accidents à ce stade de la saison, juste derrière les 15 chutes des pilotes Honda Joan Mir et Johann Zarco. S’il doit y avoir un point commun entre la KTM et la Honda, ce sont certainement les vibrations dont souffrent les pilotes, particulièrement depuis qu’ont été modifiées les gommes arrière de Michelin l’an dernier.
Si Brad Binder a du mal, Maverick Viñales a tout de suite prouvé que la RC16 pouvait être pilotée de manière performante et stable – il n’est tombé que quatre fois à ce jour – mais pour l’Espagnol, cela se fait au prix de réglages radicalement différents de ceux de ses acolytes et avec un pilotage qui tranche nettement.
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Aki Ajo, team manager de l’équipe d’usine KTM, reconnaît que Brad Binder doit changer sa nature de pilotage pour mieux maîtriser sa moto. La RC16 d’aujourd’hui nécessite d’être beaucoup plus doux et de ne pas forcer, ce que le Sud-Africain n’est pas habitué à faire pour le moment.
« Les pilotes qui parviennent à s’adapter sont toujours forts. Ils doivent travailler sur leur capacité d’adaptation afin d’être prêts pour les différentes situations », soulignait le Finlandais en Allemagne, interrogé par le site officiel du MotoGP. « Quoi qu’il en soit, on ne peut pas rendre les choses trop théoriques, ni en faire quelque chose de systématique. Il faut être fluide et suivre son instinct. Je pense que ça a peut-être un peu manqué à un moment donné et je suis confiant quant au fait que Brad va retrouver [son naturel]. »
Brad Binder s’est offert deux belles remontées à Brno, mais en s’étant qualifié très loin.
Photo de: Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images
Pit Beirer assume aussi la part de responsabilité de KTM. « Nous ne sommes clairement pas satisfaits des performances que nous avons collectivement, Brad et nous. Il a plus de mal à faire fonctionner ce package et maintenant, c’est notre travail de lui redonner confiance », jugeait le patron de KTM Motorsports avant la pause.
« Le championnat est tellement dynamique que les motos sont de plus en plus rapides tous les ans et qu’il faut adapter son pilotage. Et on fait des changements sur les motos qui ne correspondent peut-être pas à un pilote. C’est ce que nous vivons avec Brad. Il n’a pas les sensations dont il a besoin pour rouler à son niveau », constatait Beirer. « C’est à nous de leur donner les outils pour être à l’aise parce que dans ce championnat, sans confiance on ne peut pas se battre. Nous savons que nous devons aider Brad et que cela nous fera progresser. »
Ça a probablement été la première moitié de saison la plus dure que j’ai eue dans ma vie. Mais j’ai le sentiment qu’on a touché le fond et qu’on a lentement commencé à remonter la pente.
Alors Brad Binder essaye d’être plus doux. « Il faut qu’on trouve un équilibre qui me donne confiance et qui m’apporte de bonnes sensations sur l’avant, un bon freinage, une bonne entrée de courbe, en sentant que l’avant est collé au sol. Je pense que si on peut trouver ça, les chronos viendront avec », perçoit le Sud-Africain.
Après avoir eu le sentiment de toucher le fond, Binder pense qu’il a d’ores et déjà entamé sa remontée. « J’ai le sentiment d’avoir eu un creux et on commence tout doucement à remonter la pente », décrivait-il avant d’entamer le week-end de Brno. Pourtant, une 19e place sur la grille lui a encore compliqué la vie sur le circuit de sa victoire de 2020, et alors même que KTM décrochait un double podium au sprint et un autre trophée le dimanche dans ce qui a été le meilleur Grand Prix du groupe cette saison.
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Durant ce week-end tchèque, Binder a réussi à livrer deux belles remontées, jusqu’à la dixième place dans le sprint et la huitième le lendemain. De quoi gommer en partie le désavantage de ces qualifications, mais avec encore trop de faiblesses pour qu’il ait pu viser aussi haut que ses compagnons.
« Dans la course principale, je pensais avoir obtenu une petite amélioration mais ça n’est absolument pas suffisant, ça n’est pas du tout là que je veux figurer », a-t-il admis au site officiel. « J’essaye actuellement de percer les choses, de trouver ma vitesse. En partant 19e sur la grille, ça s’annonçait de toute façon un peu compliqué mais terminer huitième ça représente une amélioration. J’ai dépassé quelques pilotes. Il faut juste qu’on continue à travailler et qu’on essaye d’y arriver. »
Le bilan de la demi-saison est forcément très mitigé pour Binder, et peu de courses trouvent grâce à ses yeux, bien qu’il garde un sourire à toute épreuve. « Je n’en ai pas fini beaucoup ! [rires] J’en ai commencé beaucoup, mais pas terminé beaucoup ! C’est comme ça, ça a probablement été la première moitié de saison la plus dure que j’ai eue dans ma vie, c’est certain. Mais j’ai le sentiment qu’on a touché le fond il y a une paire de courses et qu’on a lentement commencé à remonter la pente. »
« J’aimerais donc continuer sur cette lancée, continuer à me battre et je pense que c’est juste une question de temps avant qu’on revienne là où l’on doit être », espérait-il avant les vacances. « Ça n’a pas été un début facile, c’est certain, mais j’apprécie toujours beaucoup plus la deuxième partie de l’année. Maintenant, il faut remettre les choses à plat et on sera vite de retour en Autriche. »
Avec Vincent Lalanne-Sicaud
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