Il est sournois. Reste tapi durant de longues années avant de vous éclater méchamment à la figure. L’amiante a ressurgi sous la forme d’un cancer bronchique chez cet homme, alors qu’il était en retraite depuis neuf ans. Son travail chez Renault l’a empoisonné à petit feu.

Aujourd’hui très affaibli, il n’a pas remporté de victoire contre la maladie, mais a gagné une bataille contre son ancien employeur, à Saint-Herblain. Il y a quelques jours, le pôle social du tribunal de Nantes a jugé que le garage Renault qui l’avait employé durant trente ans, avait commis une faute inexcusable pour ne pas avoir mis en œuvre des mesures de protection contre la poussière d’amiante.

Garnitures de frein

Dès 1970, cet homme a bossé comme mécanicien. Il s’occupait de l’entretien et la réparation des poids lourds. « L’amiante était très présent dans les systèmes de freinage. Quand on retirait les garnitures et qu’on utilisait en plus la technique du soufflage, ça dégageait une importante quantité de poussières d’amiante », rapporte l’avocat parisien Romain Finot, qui plaide de nombreuses affaires d’amiante. À l’automne 2012, le mécanicien prend sa retraite. En 2021, le couperet tombe. On lui diagnostique un adénocarcinome bronchique, une forme du cancer du poumon.

La CPAM reconnaît le caractère professionnel de la maladie et fixe à 80 % son taux d’invalidité. L’ancien professionnel a ainsi pu percevoir une rente annuelle de la CPAM d’un peu de plus de 14 000 €. Vu l’ampleur des préjudices, les souffrances morales, physiques liées aussi aux différents traitements médicaux, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, Fiva, a estimé et versé près de 97 000 € d’indemnités.

Risques connus

Mais l’employeur dans tout ça ? C’est sa responsabilité que l’ancien mécanicien ainsi que la Fiva sont allés chercher auprès du tribunal judiciaire de Nantes. Pour les juges, aucun doute, la faute inexcusable de Renault est établie. Les préconisations du port du masque, l’interdiction du soufflage n’ont pas été mises en place. « L’employeur ne peut sérieusement soutenir, au regard de sa taille et de son importance économique, qu’il ignorait les risques liés à l’utilisation de l’amiante. » La création d’un tableau avec les maladies professionnelles liées à ce matériau date de 1945.

En reconnaissant la faute inexcusable de Renault, l’ex salarié verra sa rente augmenter de 10 % et la Fiva devrait demander le remboursement des indemnités versées.