Selon la dernière évaluation du ministère des Armées sur la situation en Ukraine pour la période allant du 5 au 7 août, les forces russes maintiennent une pression constante sur l’armée ukrainienne sur les fronts Nord et Est, sans toutefois obtenir de gains notables, tandis que les positions des deux camps sont figées sur celui du Sud.

Cela étant, au cours de ces dernières semaines, la Russie a intensifié ses attaques de drones kamikazes [ou munitions téléopérées – MTO] et de missiles balistiques tactiques Iskander.

Ainsi, en juillet, les forces russes ont lancé 6 297 drones à longue portée contre l’Ukraine, dont des Shahed-136 [ou Geran-2] et des Shahed-238 [ou Geran-3], les seconds étant nettement plus performants que les premiers, avec une capacité d’emport de 300 kg, une portée de 2 000 km est une vitesse maximale de 700 km/h.

De leur côté, à une échelle beaucoup plus modeste, les forces ukrainiennes ont également utilisé des MTO contre des installations industrielles et militaires situées en Russie et en Crimée. Ainsi, elles ont revendiqué des attaques contre la base aérienne de Primorsko-Akhtarsk, utilisée pour lancer les Shahed/Geran, et la destruction d’un radar 98L6  » Ienisseï », associé au nouveau système de défense aérienne S-500, installé sur la péninsule annexée par Moscou en mars 2014.

Intercepter des MTO est compliqué : leur structure les rend difficilement détectables par les radars et, quand ils l’ont été, utiliser des missiles intercepteurs à un million d’euros l’unité n’est pas soutenable dans le long terme, surtout quand ils sont employés pour saturer les défenses aériennes.

Aussi, livrer davantage de systèmes Patriot à l’Ukraine ne permettra pas à cette dernière de contrer les Shahed/Geran lancés par la Russie à un rythme de plus en plus soutenu. En outre, mobiliser des avions de combat pour abattre de tels appareils n’est pas non plus pertinent étant donné qu’ils ne peuvent emporter qu’un nombre limité de missiles air-air, également coûteux. Qui plus est, aux MTO s’ajoutent d’autres types de drones, comme ceux dits FPV ou encore ceux appartenant à la catégorie des munitions rôdeuses.

Pour le moment, les moyens les plus efficaces pour contrer la menace que ces engins représentent restent les dispositifs de guerre électronique, les canons automatiques de 20 ou 30 mm, voire les missiles antiaériens de courte ou de moyenne portée.

Une autre solution consisterait à utiliser des hélicoptères, comme le font l’armée israélienne et l’US Army, avec leurs AH-64 Apache, armés de missiles Hellfire, ou à recourir à des avions légers.

La force aérienne ukrainienne a eu cette idée en modifiant des avions d’entraînement Yak-52 pour la lutte antidrone. Mais de façon rudimentaire : à l’image des combats aériens au début de la Première Guerre Mondiale, leur armement se limitait à un fusil utilisé par un observateur installé derrière le pilote. Pour autant, cette formule a pu être efficace pendant un temps, du moins à en croire des images montrant un tel appareil en train d’abattre un drone russe, en avril 2024.

Cette idée a ensuite été reprise par les Russes, qui ont aussi modifié un Yak-52 en le dotant d’une tourelle de détection sous l’aile gauche, d’un fusil semi-automatique de calibre 12 sous celle de droite, d’un ordinateur de contrôle de tir et d’un système navigation pour le vol tout temps.

« Un bureau d’études expérimental russe spécialisé dans la construction aéronautique a procédé à une modernisation en profondeur de l’avion d’entraînement Yak-52 pour en faire une version Yak-52B2 destinée à la lutte antidrone . Cette modernisation s’est appuyée sur l’expérience acquise lors du développement d’un avion d’attaque léger Yak-52B lors de la guerre en Afghanistan », avait résumé le canal Telegram « L’informateur militaire », en mai dernier.

Depuis, les Ukrainiens ont développé un autre concept, basé sur l’avion léger de travail agricole Zlin Z-137 Agro Turbo, conçu à partir du « Zlín Z-37 Čmelák », développé en Tchécoslovaquie dans les années 1960, et dont plus de 700 exemplaires furent utilisés dans les pays de l’ex-bloc de l’Est.

Dans le détail, l’idée des ingénieurs ukrainiens a été d’intégrer deux missiles air-air à guidage infrarouge Vympel R-73 [code Otan : A-11 Archer] d’une portée d’au moins 30 kilomètres à un Zlin Z-137. Probablement que ces derniers sont associés à un système de détection… En tout cas, les images de cet appareil qui ont été diffusées cette semaine sur les réseaux sociaux ne montrent pas la présence de capteurs externes.

Le Zlin Z-137 a été conçu pour voler à basse altitude et à faible vitesse [il décroche à 44 nœuds, soit environ 80 km/h], ce qui en fait potentiellement une bonne plateforme pour suivre et détruire les drones évoluant dans le même domaine de vol que lui, libérant ainsi les avions de combat ukrainiens pour d’autres missions dans le « haut du spectre ».

À noter que le Zlin Z-137 n’est pas le premier aéronef agricole à être transformé pour un usage militaire : c’est aussi le cas de l’Air Tractor AT-802, choisi par l’US Special Operations Command [USSOCOM] pour en faire un avion d’attaque léger, appelé OA-1K Skyraider II.