Avant de révolutionner l’industrie du jeu vidéo, Nintendo s’est fait un nom dans la production de cartes à jouer traditionnelles. Cette expertise centenaire dans le domaine du jeu de cartes a contribué à la vision qui a donné naissance aux cartes Pokémon, premier produit dérivé de la franchise qui allait conquérir le monde.

Des Pokémon et des magiciens

L’histoire des cartes Pokémon est intimement liée à celle de Wizards of the Coast, une entreprise américaine spécialisée dans les jeux de rôle et de cartes à collectionner. Fondée en 1990, elle avait déjà connu un succès retentissant avec Magic The Gathering avant de développer et de distribuer les cartes Pokémon en Occident entre 1998 et 2003. Cette collaboration fut déterminante dans l’expansion rapide du jeu au-delà des frontières japonaises, permettant à celui qui s’appelle le Jeu de Cartes à Collectionner de toucher les marchés occidentaux avec des adaptations culturellement appropriées.

Lancé initialement au Japon par Media Factory en 1996, le jeu s’est rapidement imposé comme un complément naturel aux jeux vidéo Game Boy. Les premiers sets ont immédiatement captivé l’imagination des enfants avec les illustrations iconiques de Ken Sugimori et Mitsuhiro Arita, créant une frénésie de collection qui perdure encore aujourd’hui.

Cartes PokémonCes cartes de Florizarre et Dracaufeu ont étés illustrées par Mitsuhiro Arita © Presse-citron / Robin Sabbadini Les règles de base du JCC

Dans sa forme la plus basique, le jeu de cartes Pokémon repose sur un duel entre dresseurs, chacun utilisant un ensemble de 60 cartes. Les initiés parlent alors de « deck ». Ces decks sont composés de cartes Pokémon, Énergie (nécessaires pour activer leurs attaques) et Dresseur (application d’effets stratégiques). Le but du jeu est de mettre K.O. les Pokémon de l’adversaire, afin de récupérer des cartes Récompense. La victoire revient au premier joueur qui en collecte six. Ces règles simples ont permis au jeu de séduire aussi bien les novices que les joueurs expérimentés.

Des compétitions locales aux championnats régionaux, nationaux et mondiaux, le jeu de cartes Pokémon a développé une scène compétitive florissante sous l’égide de Play ! Pokémon. Ces événements attirent des milliers de participants et de spectateurs du monde entier, offrant des prix substantiels et la reconnaissance au sein de la communauté. Les Championnats du Monde Pokémon, en particulier, sont devenus un événement annuel majeur, mettant en vedette les meilleurs joueurs dans des compétitions âprement disputées.

Championnats du Monde Pokémon© The Pokémon Company Attrapez-les toutes !

Le marché des cartes Pokémon a connu une croissance phénoménale qui dépasse toutes les projections initiales. Selon les données les plus récentes, près de 53 milliards de cartes Pokémon ont été produites dans le monde en 2023, distribuées dans 89 pays et régions. Cette production massive représente un marché global des cartes à collectionner estimé à 21,4 milliards de dollars en 2024, avec des projections atteignant 58,2 milliards de dollars d’ici 2034, soit un taux de croissance annuel composé impressionnant de 13 %.

Les cartes Pokémon ont été le seul jouet à dépasser 1 milliard de dollars de ventes en 2024, démontrant leur domination dans le secteur des objets à collectionner. The Pokémon Company a vendu 9,7 milliards de cartes lors de l’exercice fiscal 2022/2023, marquant la meilleure des sept dernières années pour celui qu’on appelle en anglais le Trading Card Game.

Pas de masque pour les cartes Pokémon

Si les jeux vidéo Pokémon ont initialement déclenché l’euphorie autour de la franchise, le marché des cartes à collectionner a récemment atteint des sommets inimaginables, surprenant même la Pokémon Company. La pandémie de COVID-19 a joué un rôle inattendu dans cette frénésie.

Logan Paul © Logan Paul

Les réseaux sociaux et les plateformes de streaming ont amplifié le phénomène, avec des influenceurs et des célébrités partageant leurs ouvertures de paquets de cartes que sont les Boosters ainsi que leurs trouvailles exceptionnelles. L’achat médiatisé de Logan Paul d’une boîte de boosters Base Set pour 3,5 millions de dollars a généré une attention considérable et alimenté la perception des cartes Pokémon comme opportunité d’investissement lucrative.

On parle toujours bien de cartes Pokémon ou d’actions là ?

Cela s’est traduit par une explosion des prix sur le marché secondaire. Certaines cartes rares ont atteint des valeurs astronomiques, à l’image de la Pikachu Illustrator vendue pour 5,275 millions de dollars en 2021, établissant un record mondial. Les cartes Pokémon et sportives surperforment désormais le S&P 500 avec des rendements annuels supérieurs à 46 %, attirant les investisseurs de la génération Z et les millenials.

Certaines cartes Pokémon ont démontré des taux de croissance annuels composés (CAGR) de 30 à 40 %, surpassant de nombreux investissements traditionnels en bourse. Les boîtes de boosters (appelées display) Base Set Unlimited, par exemple, ont affiché un CAGR de 22,375 % sur 25 ans, passant d’environ 90 dollars à 114 000 dollars.

Les services de gradation professionnels comme PSA, CGC et Beckett sont devenus cruciaux dans cet écosystème, avec plus de 20 millions de cartes gradées professionnellement en 2024, soit une augmentation de 16 % par rapport à 2023. Une carte Dracaufeu Première Édition non gradée peut se vendre environ 500 dollars, tandis qu’une version PSA 10 peut atteindre plus de 300 000 dollars.

L’industrie des cartes à collectionner dans son ensemble génère désormais 1 milliard de dollars de revenus annuels pour les fabricants et détaillants. Cet engouement a même poussé GameStop (et donc Micromania chez nous) à se repositionner sur ce marché, les collectibles représentant 29 % des ventes de l’entreprise au premier trimestre 2025, dépassant les ventes de jeux vidéo.

L’entreprise imprime désormais à capacité maximale pour répondre à la demande explosive, tout en maintenant des standards de qualité élevés. Cette approche équilibrée entre nostalgie et innovation continue de consolider la position des cartes Pokémon comme un pilier culturel et économique majeur.

Pourquoi les cartes Pokémon sont aussi demandées après presque 30 ans d’existence ?

L’attrait durable des cartes Pokémon réside dans leur capacité à créer des ponts entre générations. Ceux qui ont grandi avec Pokémon ont maintenant leurs propres enfants avec qui partager cette passion, créant souvent un retour vers l’ancienne collection de cartes. Il ne faut pas oublier non plus l’attrait nostalgique des cartes et le pouvoir d’achat nouvellement acquis des trentenaires qui se lancent dans la collection.

Cette dimension multigénérationnelle, combinée à la constante évolution de l’univers Pokémon avec de nouvelles générations de monstres et de médias, assure une base de fans vaste et globale qui continue de croître. Les cartes Pokémon ont transcendé leur statut de simple produit dérivé pour devenir un phénomène culturel à part entière.

Le phénomène devient aussi numérique avec JCC Pokémon Pocket Pokémon App Jeu de Cartes à Collectionner Pocket© The Pokémon Company

Afin de perpétuer le succès du Jeu de Cartes à Collectionner, l’application JCC Pokémon Pocket vient de paraître, générant 90,4 millions de dollars de revenus en février 2025, contre 66,2 millions en janvier. Le jeu s’exporte donc en version numérique en étant retravaillé pour l’occasion. Avec la possibilité d’ouvrir deux boosters gratuits par jour, de découvrir des cartes immersives inédites, mais aussi de participer à des combats entre dresseurs, l’application s’adresse aussi bien aux jeunes générations qu’aux fans de la première heure.

Cette transition vers le numérique représente une évolution naturelle de la franchise, permettant d’atteindre de nouveaux marchés tout en préservant l’essence du jeu de cartes traditionnel. C’est simple, les collectionneurs de cartes veulent aussi avoir leur collection numérique, puis les adeptes de Pocket sont tentés d’acheter des cartes physiques. Malin.

Rien ne peut arrêter le phénomène des cartes Pokémon

 

Le succès persistant et même croissant des cartes à collectionner Pokémon témoigne de la force d’un modèle économique qui a su transcender son statut initial de produit dérivé pour devenir un phénomène culturel à part entière. Les cartes Pokémon ont prouvé leur capacité à générer de la valeur économique tout en maintenant leur attrait culturel et émotionnel.

L’un des points les plus amusants du phénomène est assurément sa longévité, les cartes Pokémon s’échangeant toujours dans les cours d’école, des dizaines d’années après leurs arrivées dans nos contrées.

La Pokémania à la française sera justement l’objet de l’épisode 4 de notre série consacrée à Pokémon, donc rendez-vous la semaine prochaine et bonne lecture sur Presse-citron !

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