Par
Thomas Bernier
Publié le
9 août 2025 à 18h00
Qu’elles enluminent les Évangiles, qu’elles symbolisent en quelques traits toute une philosophie ou qu’elles tracent des arabesques sur la toile, les lettres et l’art pictural ont toujours été étroitement liés.
Karim Smili est calligraphe, light calligrapher et plasticien à Marmande.
Cet artiste originaire de Fès (Maroc), baigne dans la calligraphie, cet art basé sur l’écriture sous toutes ses formes, depuis sa tendre enfance sur les collines ocre et dorées du Maghreb. « À Fès, Il y avait de la calligraphie dans les maisons, dans les mosquées, les mausolées, raconte ce titulaire d’un Deug en littérature française et d’une licence de littérature et civilisation arabe. J’ai très vite été inspiré par un monsieur qui faisait de la calligraphie. Quand je partais à l’école le matin, je m’arrêtais toujours devant lui pour voir ce qu’il faisait. Cela m’attirait. Je me disais : ‘Mais comment fait-il cela’. Moi aussi j’ai envie d’essayer ! »
Un apprentissage perpétuel de son art
Pour découvrir encore plus cet art qui égaie sa curiosité à l’adolescence, Karim Slimi, commence à recopier les lettres picturales situées çà et là, figées aux murs, rayonnant entre l’ombre et la lumière, avant de franchir le pas et rencontrer les « maîtres de la calligraphie » comme il aime les affubler.
Il s’essaie à la calligraphie classique et à la calligraphie arabe, développe ses connaissances, multiplie l’apprentissage de styles. Un éventail large qui suppose un esprit centrifugeur bien décomplexé, à rebours des codes établis et un long cheminement personnel. « Encore aujourd’hui, j’apprends. On maîtrise peut-être le style, mais il manque toujours quelque chose, souligne-t-il. Chaque style prend des années. Tous les jours, je fais de la calligraphie pour ne pas oublier. »
« Je voulais créer un pont entre les cultures marocaines et françaises »
Karim Slimi, calligraphe à Marmande
Arrivé en France au big-bang de l’an 2000, le Marocain n’a pas souhaité s’enfermer dans un style de la calligraphie et a voulu avancer avec son temps. Leitmotiv affiché et assumé, sans détourner du regard : que les cultures marocaines et françaises s’embrassent autour de la calligraphie. « Je voulais montrer mes techniques et partager ce savoir-faire à travers mon art, ma culture et mon pays. Créer un pont entre les cultures marocaines et françaises. »
Une feuille de calligraphie classique. ©Thomas BernierIl crée ses propres outils de travail
Ce pont, il le mettra en application à travers ses créations, les expositions et les ateliers en Lot-et-Garonne, sa terre d’accueil. « Lorsque je fais une exposition, j’essaie toujours de la coupler avec des ateliers pour partager la calligraphie au plus grand nombre. Que ce soit à Marmande, Tonneins ou ailleurs. »
L’artiste calligraphe et plasticien, originaire de Fès, devant certaines de ses créations. ©Thomas Bernier
Karim Slimi n’a pas besoin de grand-chose : une table, du papier, des crayons et ses outils, à commencer par le calame – en bambou ou en roseau – qu’il taille soi-même. « Dans l’art de la calligraphie arabe, nous devons maîtriser l’art de tailler le calame, l’art de préparer de l’encre noire (à base de noir de fumée et de gomme arabique) et l’art de préparer le papier. Quand j’ai des classes qui viennent à ma rencontre, les enfants sont toujours épatés et subjugués », savoure-t-il.
Car la calligraphie reste un art « accessible et à la portée de tous » comme il le décrit. « Je fais de la calligraphie arabe. Mais on peut faire de la calligraphie arabe sans être arabe. C’est là toute la nuance. J’ai un ami américain qui a commencé la calligraphie arabe sans parler un seul mot de la langue. Il ne comprend pas ce qu’il écrit ! »
« À partir du moment où l’inspiration me manque, je peux arrêter mon travail sur la toile et reprendre des semaines plus tard »
Karim Slimi
Tout est une question de pratique, d’application et de reproduction pour l’artiste calligraphe. L’envie et la créativité guident ensuite, avec l’attention au détail.
Si bien que lui demander combien de temps met-il pour griffonner une œuvre s’avère presque être un jeu de hasard. « Cela peut me prendre peu de temps : un quart d’heure, une journée, une heure… Je peux aussi déchirer mes papiers si je rate une lettre. Mais à partir du moment où l’inspiration me manque, je peux arrêter mon travail et reprendre des semaines plus tard. Il m’arrive parfois d’oublier leur existence », avoue-t-il.
De la calligraphie dans l’espace
Il y a quelques années, sac à dos vissé sur le dos, il s’est lancé dans la light calligraphy (ou light graff), en français « la calligraphie de lumière », un art magique qui dessine avec des mots et de la lumière dans l’espace où on utilise des sources lumineuses comme des lampes torches ou des LED, et grâce à la pose longue en photographie, on crée des traits et des motifs lumineux, comme par magie.
« C’est une image qui parle. On met l’appareil photo sur un trépied, on fait quelques techniques de réglage ensuite. Puis, on laisse entrer la lumière. Je fais de la calligraphie à l’envers en étant en mouvement. C’est un miroir. Il faut savoir que je compte mes pas à chaque lettre. Je mets mes points, je reviens, tout en formant les lettres. C’est un vrai travail d’équilibriste. C’est une grande toile à ciel ouvert pour moi et je m’amuse avant tout. »
Une light calligraphie réalisée par Karim Slimi lors de vacances. ©Fournie par Karim Smili
De Marmande, au Lot-et-Garonne, en passant par des lieux de vacances au bord de l’océan, Karim Slimi voit en la light calligraphy un terrain d’expression immensément vaste qu’il veut capturer et montrer sur ses réseaux sociaux. « Je vais développer cet art et le diffuser sur mes réseaux sociaux afin de montrer qu’on peut embellir la ville de Marmande grâce à la calligraphie la nuit. »
Parmi ses autres projets, trouver prochainement un local en ville pour déplacer l’atelier de son appartement dans un espace d’accueil qui lui servira, par ailleurs, de lieu d’exposition.
Toujours avec l’envie farouche de partager des messages de paix, de fraternité et d’humanité. « Ce sont les messages que je veux mettre en avant à travers la calligraphie. Unir les cultures. On est sur cette terre pour vivre ensemble. On n’est que de passage après tout. »
Une partie des tableaux de Karim Slimi dans son atelier. ©Thomas Bernier
Des mots justes et une passion cachée pour la poésie qu’il évoquera en fin d’échange, un peu réservé, par peur de l’intrusion, tout en soufflant l’envie de mêler les vers et la calligraphie dans un possible recueil de poèmes à l’avenir. « Si un éditeur veut bien s’y intéresser », espère-t-il.
Karim Slimi est un calligraphe aux multiples facettes. Comme son art qui manie toutes les langues. Une formidable invitation au voyage des cultures.
Site internet : www.karimsmili1.wixsite.com ; page Instagram : Karim Smili ; page Facebook : Karim Smili.
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