Les électeurs des trois plus grandes villes de France éliront directement leurs conseillers municipaux, dès les municipales de mars 2026. Le Conseil constitutionnel a rendu un avis favorable, jeudi 7 août 2025, à la réforme du scrutin Paris-Lyon-Marseille. Portée par le député Renaissance Sylvain Maillard, elle avait été adoptée le 10 juillet 2025 avec une écrasante majorité (112 voix contre 28), avant que les élus d’opposition ne saisissent le Conseil. Comment voteront les Parisiens, Lyonnais et Marseillais en mars 2026 ? Que reprochaient ses détracteurs à la réforme ? Éléments de réponses avec Bernard Dolez, politologue spécialisé dans les modes de scrutin.
1. Comment fonctionnait le scrutin dans ces trois villes jusqu’ici ?
Paris, Lyon et Marseille disposaient jusqu’ici d’un mode de scrutin à part, depuis le vote en 1982 de la loi dite « PLM », portée par l’ancien ministre de l’Intérieur Gaston Defferre.
Les électeurs des trois plus grandes villes de France se déplaçaient aux urnes pour élire une liste de conseillers d’arrondissements – ou de secteurs. Un tiers de ces conseillers élus siégeaient ensuite au conseil municipal, chargé, lui, d’élire le maire de la ville. L’édile était ainsi élu au suffrage universel indirect.
2. Qu’est-ce qui était reproché ?
« Le découpage par arrondissement peut amener à la tête de la mairie un candidat ayant recueilli moins de voix populaires, mais un nombre supérieur de conseillers municipaux », explique Bernard Dolez, politologue. Gaston Defferre, qui venait de faire réformer le mode de scrutin, en a profité. Il a été réélu maire de Marseille en 1983, ayant conquis une majorité de conseillers, alors qu’il était devancé en nombre de voix populaires par son adversaire. L’exemple reste anecdotique, et ne se vérifie pas nécessairement dans les derniers scrutins.
Reste que selon les découpages, l’issue du vote pouvait être affectée. « À Paris, la droite était structurellement désavantagée depuis 1982 », explique le politologue. « À Marseille, au contraire, la réforme de 2025 profitera à la gauche. »
3. Comment vont voter les concernés en 2026 ?
La réforme du scrutin « PLM » a pour objectif d’appliquer aux trois villes le mode de scrutin qui prévaut partout en France : une circonscription unique d’électeurs, qui désignent au suffrage universel direct les conseillers de leur mairie centrale.
Il sera ainsi demandé aux Parisiens, Lyonnais et Marseillais de voter deux fois le même jour (simultanément, dans le même bureau de vote) pour les conseillers d’arrondissement et pour les conseillers municipaux – le maire en devenir figurant en tête de liste. Les Lyonnais, eux, voteront même trois fois, puisqu’ils élisent également leurs conseillers siégeant à la Métropole.
4. Pourquoi avoir saisi le Conseil Constitutionnel ?
Selon Bernard Dolez, « le principal reproche qu’on pouvait faire au texte est celui de la prime majoritaire à 25 % ». Dans les autres communes françaises, la liste municipale qui arrive en tête obtient d’office 50 % des sièges, la moitié restante étant remise en jeu à la proportionnelle selon les scores des différentes listes. Or, la réforme du scrutin PLM prévoit une prime majoritaire de seulement 25 % dans les trois villes. Ainsi, un quart des sièges seront accordés à la liste gagnante, les ¾ restants répartis entre l’ensemble des listes.
Un changement qui « permet une meilleure représentation des listes d’opposition », mais aussi une moins grande stabilité dans les conseils municipaux. Le Conseil constitutionnel a statué que cela ne posait pas de problème, voire permettait de « favoriser le pluralisme des courants de pensées et d’opinions, qui est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle », dans sa décision rendue le 7 août 2025.
5. Quelle place sera accordée aux conseillers d’arrondissements ?
« Les compétences des conseillers et maires d’arrondissements sont totalement inchangées », rassure Bernard Dolez. Mais cette réforme « va fortement décorréler les deux scrutins », poursuit le politologue.
Maintenant que la campagne se mène à l’échelle de la ville entière, « la visibilité des élus connus dans leur arrondissement, à l’image de Francis Szpiner [ancien maire du XVIe arrondissement parisien et candidat à la mairie de Paris en 2026, ndlr], va se diluer derrière les grandes figures connues de tous, comme Rachida Dati », maire du VIIe arrondissement, ministre de la Culture et candidate à la mairie de Paris. La fin des « barons » locaux, en somme.