Un record, ou presque. Samedi, 522 partisans de l’organisation Palestine Action ont été interpellés par la police à Londres, l’un des chiffres les plus élevés jamais enregistrés lors d’une manifestation dans la capitale britannique.
Pancartes « Je m’oppose au génocide. Je soutiens Palestine Action » dans les mains, ils avaient répondu à l’appel de Defend Our Juries, une organisation de défense des droits civiques, pour protester contre une loi interdisant et classant Palestine Action comme « organisation terroriste ».
Les forces de l’ordre avaient mis en garde les participants contre les « potentielles conséquences pénales » de leurs actes. Mais des centaines de personnes ont donc tout de même bravé l’interdiction.
Qu’est-ce que c’est le groupe Palestine Action ?
Le groupe créé en 2020 se revendique comme une « organisation propalestinienne » dont l’objectif, explique Aurélien Antoine, spécialiste du droit des institutions britanniques, est « à l’origine d’empêcher les exportations d’armes britanniques vers Israël ». Il pratique des « actions directes » pour « manifester un désaccord de façon violente », souligne ce professeur de droit public.
Parmi elles, la destruction de matériel, l’utilisation de peinture rouge ainsi que l’entrée illégale dans des bâtiments. Palestine Action s’en est notamment prise à plusieurs reprises à Elbit Systems, une entreprise d’armement israélienne accusée de fournir des armes utilisées à Gaza et qui possède deux usines sur le sol britannique.
La classification comme organisation « terroriste », en vertu de la loi de 2000 sur le terrorisme, fait suite à des actes de vandalisme, début juin, dans une base militaire britannique. Deux activistes avaient alors aspergé deux avions de la Royal Air Force, pour protester contre le « soutien » apporté par la Grande-Bretagne à l’offensive israélienne dans la bande de Gaza.
Le décret, début juillet, concernait aussi le Mouvement impérial russe, une organisation paramilitaire prorusse, et le groupe néonazi « Maniacs Murder Cult ».
Qu’est-ce que cette interdiction a changé ?
Palestine Action rejoint ainsi 83 autres groupes tels qu’Al-Qaïda, le Hamas et National Action, un groupuscule britannique d’extrême droite. Ce qui permet aux autorités de « procéder à des écoutes, d’interdire des manifestations et effectuer des arrestations », explique Aurélien Antoine.
Désormais, l’adhésion ou le soutien à l’organisation peut être passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 14 ans de prison.
« Il y a un droit pénal sur l’ordre public qui est beaucoup plus strict que le nôtre », analyse Aurélien Antoine, notamment « depuis le 11 septembre 2001 et encore plus avec les attentats de Londres de 2005 ».
La cofondatrice de Palestine Action, Huda Ammori, a obtenu, fin juillet l’autorisation par la Haute Cour de justice de contester la décision d’interdire le groupe. Son recours sera examiné en novembre.
Pourquoi cette classification est critiquée ?
L’Organisation des Nations unies a jugé cette décision « disproportionnée », affirmant que les actions qui « ne visent pas à tuer ou à blesser des personnes ne devraient pas être considérées comme des actes terroristes ».
L’ONG Amnesty International a pour sa part critiqué une « législation britannique sur le terrorisme trop vague et trop large », considérant de plus que les arrestations, ce samedi, étaient « une violation des obligations internationales du Royaume-Uni de protéger les droits à la liberté d’expression et de réunion ».
Du côté de la société civile britannique, des universitaires et des écrivains ainsi que des figures juives de gauche ont dénoncé l’interdiction du groupe.
Samedi soir, Yvette Cooper, la ministre de l’Intérieur, a réaffirmé le choix du gouvernement d’interdire Palestine Action. Pour sa part, le groupe Defend Our Juries, qui organise depuis début juillet des manifestations contre cette interdiction, affirme vouloir continuer ses appels à mobiliser. Ceux qui participent à ces rassemblements encourent jusqu’à six mois de prison.