Par

Jean-Christophe Buchot

Publié le

10 août 2025 à 6h28

À 52 ans, Cyrille Le Ponner vit aujourd’hui pleinement de sa passion après avoir connu plusieurs vies : militaire, restaurateur, green-keeper, puis créateur d’un golf urbain unique à Alençon (Orne).

Sur le practice, il ajuste le swing de son fils Paul, 21 ans, futur pro qu’il forme depuis deux ans. Une transmission naturelle pour cet autodidacte au parcours jalonné de reconversions courageuses.

Du treillis à la restauration

Originaire d’Argentan, fils d’un jockey professionnel, Cyrille grandit dans une ambiance hautement sportive. « J’adorais tous les sports de raquette », se souvient-il.

À 16 ans, il passe un CAP cuisinier, puis un BEP traiteur, mais déchante vite : « C’était très mal payé, encore moins attractif qu’aujourd’hui. »

À 18 ans, il choisit l’armée. Formation de parachutiste à Pau, puis dix ans de missions, de Toulouse à la Yougoslavie, en passant par l’Afrique. « Jusqu’en 1998, quand la réforme Chirac réduit les effectifs. » Exit la carrière militaire.

Retour à la vie civile : il suit une formation en restauration collective à Istres (Bouches-du-Rhône), puis décroche un poste en EHPAD à Neufchâtel-en-Saosnois (Sarthe), pour se rapprocher de sa compagne, Anne, infirmière à Alençon.

Green-keeper et Poulidor

Mais le vrai déclic surgit tard le soir : « À minuit, sur TF1, il y avait du golf. Je me disais : ça doit être bien, ce truc. »

Un premier essai au golf d’Alençon, en 1999, et c’est le coup de foudre immédiat. En un an, il descend à 10 d’index (un exploit !). « Je courais six jours par semaine, je jouais au foot le dimanche. J’étais prêt », dit-il modestement. Le virus prend le dessus. Il plaque tout.

Il devient actionnaire du golf d’Alençon, où il endosse tous les rôles : le «  couteau suisse  », comme il dit. Il ouvre un espace restauration, entretient le parcours, tout en jouant quotidiennement. «  J’ai creusé des bunkers, replanté des arbres. L’arbre du trou 5, c’est moi : je l’ai placé exprès dans l’axe du deuxième coup ! « , sourit-il malicieusement.

Son meilleur index : – 0,8 (Plus l’index est bas, voire négatif, meilleur est le joueur – ndlr). Soit entre la 150e et 200e place française amateur. De quoi rivaliser au niveau national dans les grands prix, mais il en rit : «  J’étais le Poulidor du golf ! Toujours deuxième. Il y avait toujours quelqu’un devant qui me sortait une carte de folie.  »

Retour à l’école à 40 ans

En 2010, il sent poindre l’envie de transmettre. Il postule au CREPS de Vichy pour devenir professionnel. « J’appréhendais. À 40 ans, entouré de gamins de 25 ans… » Mais l’ancien militaire trouve sa méthode : bosser trois fois plus. « Mon formateur a dû me dire de lever le pied en fin de première année. »

Un golf sans complexe

Diplômé en 2015, il cherche un terrain via Google Maps. Vu du ciel, l’hippodrome lui saute aux yeux : vaste, vert, central. L’idée séduit la Société des courses. En avril 2016, le Golf de l’Hippodrome voit le jour.

Sa philosophie : casser l’image élitiste. « Prix défiant toute concurrence et pas de prise de tête. » Les 120 adhérents viennent de tous horizons, et la moyenne d’âge rajeuni d’année en année. Mais parmi eux, Françoise, 84 ans, est débutante. « Je ne lui parle pas de technique. Je lui dis : tu touches la balle, tu marches, tu t’amuses. »

Cyrille enseigne comme il a appris : en observant, en s’adaptant. « Si quelqu’un arrive stressé après le boulot, je commence par le détendre. Sinon, ça ne marche pas. » Pas d’académisme rigide : « Tout le monde n’a pas besoin du swing le plus élégant. Il faut s’adapter à l’état physique et mental de chacun. » Il multiplie les cours collectifs : « ça crée du lien entre les joueurs ».

Aujourd’hui, il prépare son fils Paul à devenir pro pour l’épauler. « Il a déjà le sens de la pédagogie, il donne sans compter. » Cyrille Le Ponner partage aussi son temps au golf de Trun, où il donne des cours particuliers.

Cyrille Le Ponner - golf de l'hippodrome Alençon
Cyrille Le Ponner, directeur et pro du golf de l’hippodrome d’Alençon. ©Jean-Christophe Buchot« Si tu veux y aller, vas-y ! »

Trois reconversions réussies, trois paris gagnés. Le message de Cyrille résonne comme un encouragement à ceux qui hésitent : « Il ne faut pas avoir peur. Ni d’un nouveau départ, ni de retourner à l’école à 40 ans. Dans la vie, il faut toujours avancer. »

Sa recette ? « Si tu veux quelque chose, si tu as une passion, si tu veux y aller, vas-y ! Il faut y aller, c’est tout. » Une philosophie qu’il applique chaque jour, club en main.

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