Quelle que soit leur nationalité, ils ont soudain l’oeil qui frise, la voix qui s’emballe, le sourire qui s’illumine. Parmi les quelque 24 000 journalistes accrédités pour les Jeux Olympiques de Paris, la très grande majorité a apprécié son séjour. Qu’il s’agisse de l’Allemand Rupert Fabig, jeune « rookie » qui couvrait ses premiers Jeux, ou de l’éditorialiste américaine Christine Brennan, qui a suivi toutes les éditions, été comme hiver, depuis 1984. À travers leurs yeux, on mesure la réussite de Paris 2024.

Christine Brennan (Etats-Unis, presse écrite et audiovisuelle, USA Today, ABC News et CNN) : « Comme des tableaux du Louvre »

« C’étaient vraiment d’excellents Jeux. Même un an plus tard, quand j’y repense, ça reste magique. Sans doute par la manière dont les organisateurs ont réussi à utiliser tous ces sites prestigieux de Paris. Je pense à la cérémonie (d’ouverture), que j’ai regardée à la télévision, à ce ballon s’élevant dans le ciel avec une telle poésie, jetant sa lumière sur des lieux antiques. Le mariage parfait entre la plus belle ville du monde et les Jeux Olympiques. Même la pluie n’a pas réussi à gâcher la fête. Et utiliser la Seine, non pas seulement comme une toile de fond, mais comme l’élément central de la narration, quelle remarquable idée.

« On a pu déambuler, échanger, célébrer. Profiter de cette ville belle et spectaculaire »

La seule critique que je pourrais émettre, et j’en ai discuté avec les organisateurs de Los Angeles, c’est que les athlètes, depuis leur bateau sur le fleuve, n’ont jamais eu l’opportunité de vivre cette énorme clameur qui les accueille d’ordinaire dans un stade, parce que les gens n’étaient pas concentrés au même endroit, mais disséminés tout au long de la rive. Mais c’est très bien, juste différent. Cela dit, je sais que Los Angeles fera en sorte que tous les athlètes ressentent cette vibration en entrant dans un stade. Quelque chose de plus conventionnel pour eux.

Par ailleurs, Paris étaient les premiers Jeux sans Covid, on s’est forcément senti plus libre. On a pu déambuler, échanger, célébrer. Profiter de cette ville belle et spectaculaire. Quand je regarde en arrière, que je pense aux Jeux d’Atlanta en 1996, par exemple, les compétitions étaient épatantes : Michael Johnson, les nageurs, le premier tournoi de foot féminin… C’était fantastique ! Mais la mise en scène n’était pas la bonne, elle n’a pas atteint le niveau que l’on est en droit d’attendre pour des Jeux Olympiques. Trop de sponsors, d’étalages d’argent. Mais, à Paris, les compétitions étaient magnifiques et dans des sites somptueux. C’était comme des tableaux du Louvre, des scènes magnifiques pour le cinéma, qui mêlaient le sport au Grand Palais, à la Tour Eiffel, à la Concorde.

Était-ce vraiment réel ? Oui ! (elle adopte le français appris à l’école) « C’était vraiment magnifique ! » Vous savez, je suis une des rares à me souvenir avec émotion des Jeux Olympiques d’Athènes, où le départ du marathon a eu lieu à Marathon, où l’épreuve de lancer du poids a été organisée sur le site d’Olympie, qui accueillait les Jeux de l’antiquité… Pour ceux qui aiment l’Olympisme et son histoire, Athènes reste à part. Mais cette ville n’attirera jamais autant que Paris pour les touristes du monde entier, et plus encore pour les Américains.

Et puis, il y a la concordance de certains athlètes avec « leurs » Jeux à domicile. Et là, comment ne pas parler de Léon Marchand. Quand ils sont aussi attendus, certains peuvent être bousculés, passer à travers sous la pression d’un pays. Mais lui a gagné, gagné, gagné… C’était la première semaine, il a donné le ton pour les Français, mais comme il s’entraîne aux États-Unis, il a aussi dépassé les frontières et touché le monde entier. C’est aussi ça, la réussite des Jeux. »

Veronika Gibadieva (Russie, presse numérique et télévisée, Match TV) : « Merci à cette jeune volontaire »

« Le premier sentiment, quand je pense à Paris, c’est qu’après la pandémie, on a enfin retrouvé l’esprit olympique. Un réel festival du sport. Une ambiance incroyable ! Quand je suis rentrée à la maison, j’ai vu les images, je n’y avais pas forcément prêté attention parce que, sur place, on est concentrés sur le boulot, mais j’ai été frappée par leur beauté. J’ai adoré le Trocadéro, Vaires-sur-Marne aussi.

« En tant que journaliste russe, ça n’a pas toujours été simple. Je n’ai jamais ressenti d’animosité, mais il y avait une sorte de réflexe : si nos athlètes évoluaient sous bannière neutre, est-ce que les journalistes l’étaient aussi ? »

J’ai l’habitude de couvrir le Tour de France, et je galère d’ordinaire dans les transports en commun quand on arrive à Paris. Ça a encore été le cas cet été et je me suis d’ailleurs fait la réflexion que la magie s’était évaporée en un an. Mais, pendant les Jeux Olympiques, j’ai pris le tramway tous les jours depuis mon hôtel, pris le métro et le RER. Les gens étaient tellement ouverts, agréables, prêts à vous guider. C’était ça, la magie olympique. Que tout le monde se sente investi et prêt à aider les visiteurs en détresse.

En tant que journaliste russe, ça n’a pas toujours été simple. Je n’ai jamais ressenti d’animosité, mais il y avait une sorte de réflexe : si nos athlètes évoluaient sous bannière neutre, est-ce que les journalistes l’étaient aussi ? J’avoue que je ne m’étais pas posé cette question, jusqu’à ce qu’un rameur allemand me la pose. J’ai alors regardé mon accréditation où il n’y avait aucun signe en attestant. En revanche, à Vaires-sur-Marne, c’était compliqué parce que nous n’avions pas un accès direct aux athlètes ou membres de la délégation russe qui affichaient ce statut de neutralité. Ils n’avaient pas l’obligation de passer en zone mixte devant les journalistes. Mais, heureusement, il y avait une femme, une jeune volontaire, qui s’est vraiment beaucoup démenée pour nous aider. C’est elle qui allait chercher les athlètes pour nous, et j’en profite pour la remercier très sincèrement.

Après, quand je pense à ces Jeux de Paris, je pense évidemment à la cérémonie d’ouverture. Je l’ai regardée à la télévision. Et je ne comprends toujours pas le rejet d’une partie du public russe. Je voyais les messages défiler sur Twitter (désormais X) depuis Moscou, et ça m’a tellement choquée. Pourquoi tant de haine ? C’était formidable ! Je crois que le moment que j’ai préféré, c’est cet épisode à la Conciergerie, la référence à Marie-Antoinette et à la guillotine, avec toutes ces femmes à la tête coupée. La permanence du rouge, la prestation du groupe Gojira qui reprend le chant révolutionnaire « Ah ! ça ira » en version métal. Peut-être parce que je suis une passionnée d’histoire, j’ai été très impressionnée par cette revisite très moderne et si juste. »

Rupert Fabig (Allemagne, presse écrite, Hamburger Abendblatt) : « La plus belle période de ma vie »

« Je crois pouvoir dire, un an après, que ces trois semaines à Paris furent la plus belle période de ma vie. C’étaient mes premiers JO. Il y avait tellement de choses à voir, d’intensité, d’émotions. Et puis l’ambiance, le climat général, le rayonnement des sites ont emporté tous les spectateurs. Il y avait quelque chose de magique dans l’air.

Je travaille pour un quotidien généraliste national. Nous avions envoyé quatre reporters et nous avons eu la chance de tourner d’un site à l’autre en fonction des performances des athlètes allemands ou des grands moments. Je suis allé au judo, au tennis, au badminton, au cyclisme, à l’aviron, au handball et au basket, mais deux de mes meilleurs souvenirs sont le beach volley et… le rugby à 7. Le beach, j’y suis allé pour le plaisir, en night session lorsque j’avais terminé mes missions du jour, rien que pour passer la soirée face à la Tour Eiffel au soleil couchant.

Et le rugby à 7, parce que c’était au tout début des Jeux et que je trouve cette discipline très athlétique. J’ai écrit un article sur Antoine Dupont qui était quasi inconnu du public allemand. Mais ma plus belle émotion est la victoire totalement inattendue de l’Allemagne au basket 3×3 femmes (17-16 contre l’Espagne) sur la place de la Concorde.

« Il ne se passe pas une journée depuis un an sans que je ne pense à ces trois semaines »

Ensuite, je placerai la victoire de Teddy Riner (judo, + 100 kg) car l’ambiance était incroyable, avec la présence de stars comme Tony Parker et Tony Yoka, puis le titre de (Novak) Djokovic qui le fait entrer au nirvana du sport mondial.

Il ne se passe pas une journée depuis un an sans que je ne pense à ces trois semaines. J’ai bon espoir de couvrir les JO de LA 2028 mais je sais déjà que Paris 2024 ne pourra pas être surpassé ! »

Alex Krstanovic (Serbie, presse numérique, Sportska Centrala) : « Etonné par le nouveau visage de la ville »

« J’ai été étonné par le nouveau visage de la ville. J’y avais séjourné en famille l’été précédent et cela n’avait rien à voir, il y a eu comme un grand nettoyage, je parle de la propreté des rues, du métro. On pouvait boire un verre et circuler en pleine nuit sans crainte, ce qui n’est pas toujours le cas, n’est-ce pas ? Paris 2024 était ma quatrième expérience olympique après Athènes, Londres et Rio. Le premier grand moment fut bien sûr la cérémonie d’ouverture que j’ai vécue dans un café du quartier de la Bastille sur un écran, avant et pendant le déluge, au milieu d’un public très cosmopolite. Et j’ai trouvé ça formidable car cela représentait bien ce qu’est la France, un grand pays pour sa créativité et la place accordée à l’art et à l’histoire.

« La beauté des sites et l’ambiance générale ont rendu mon expérience inoubliable »

J’ai ensuite quitté Paris pour suivre le tournoi de basket à Lille où nous étions entre basketteurs, suiveurs, fans, etc. Autour de la Grand’Place, on ne voyait que des gens de grande taille, des anciens joueurs, des officiels, des médias. C’était très différent de la phase finale, ensuite, à Bercy, on pouvait beaucoup moins approcher les équipes, la sécurité y était beaucoup plus stricte.

Mes grands moments en dehors du basket furent bien sûr la victoire de Novak Djokovic au tennis et la finale du water-polo dans une super ambiance dans la piscine de Paris la Défense Arena, c’était l’avant-dernière finale des Jeux, gagnée par la Serbie face à la Croatie (13-11). Ce sont nos deux seules médailles d’or décernées à Paris (la troisième a été remportée au tir à Châteauroux). La beauté des sites et l’ambiance générale ont rendu mon expérience inoubliable. »