Par
Jean-Marc Aubert
Publié le
11 août 2025 à 18h30
; mis à jour le 11 août 2025 à 19h04
C’est une histoire bouleversante qui illustre la réalité des accidents de la route et très souvent de terribles conséquences pour les victimes et les familles, qui se retrouvent désemparés. Depuis juin dernier, Alexandra veille sur son fils Lucas, âgé de 20 ans, dans sa chambre du CHU de Montpellier. Très grièvement blessé, admis avec un pronostic vital engagé, Lucas a repris connaissance après 24 jours de coma. Témoignage.
La vie a basculé pour cette famille dans la nuit du dimanche 22 au lundi 23 juin 2025, à 1h30, quand une moto sur laquelle Lucas était passager a violemment quitté une voie sur l’avenue de la Liberté, à Montpellier, au niveau de l’avenue de Toulouse, dans le sens Près d’Arènes-Mosson. Dans le choc, une des roues s’est désintégrée. « Il s’avère que le copain de mon fils qui roulait à vitesse excessive, de l’ordre de 150km au lieu des 50 autorisés sur une moto de plus défectueuse, n’est pas titulaire du permis de conduire. Lucas a été éjecté et projeté violemment contre un panneau publicitaire. Le pilote, un simple copain de mon fils, pas un ami, est sorti indemne de l’accident. Ce conducteur âgé de 19 ans et demi devait être auditionné au commissariat central de Montpellier, mais il est parti la nuit même de Montpellier sans passer par la case commissariat de police, pour se rendre chez sa mère à Toulouse, alors que Lucas luttait contre la mort. Depuis, on n’a plus aucune nouvelle », révèle Alexandra, choquée par cette situation.
Cliquez ici pour visualiser le contenu
Supervisée par le parquet de Montpellier, une enquête est en cours à la brigade des accidents et des délits routiers de l’hôtel de police d’ici et le chauffard devrait être convoqué ultérieurement pour être entendu. La maman de Lucas a déposé plainte et s’est constituée partie civile via un avocat.
La chambre de Lucas au CHU de Montpellier est magnifiquement décorée (©Métropolitain)
Le quotidien d’Alexandra est désormais bien huilé : tous les jours, elle se rend au chevet de son fils, mécanicien de profession, dont il est fier d’avoir obtenu son diplôme pour rentrer dans la vie active. Elle garde espoir qu’il ne conserve pas trop de graves séquelles, elle prie pour qu’il puisse reprendre son travail dans la mécanique.
Vidéos : en ce moment sur Actu
Cinquante jours après l’accident, Lucas a quitté le département anesthésie réanimation -DAR A- pour être hospitalisé dans l’unité de Médecine physique et de réadaptation, MPR. Pour l’heure, en raison de son état, il ne peut pas encore suivre une rééducation dans un centre spécialisé d’ici. « Lucas peut s’alimenter désormais, c’est moi qui le fait manger tous les jours. Depuis quelques temps, il prononce quelques phrases. J’ai appris qu’un de ses meilleurs amis avait demandé au pilote de ne pas conduire sa moto, le soir de l’accident, car une des roues était en trop mauvais état, c’est d’ailleurs celle qui a explosé « , souligne Alexandra, accablée.
« C’est un miraculé »
Lucas est resté 24 jours dans le coma au DAR, avant d’être transféré dans le service des soins intensifs au bout de 44 jours en réanimation puis au MPR, avant d’ouvrir les yeux le 16 juillet dernier. « Les séquelles sont impossible à évaluer pour l’instant, mais les médecins disent que c’est un miraculé et que c’est aussi la force de ses 20 ans qui l’aide. Je tiens un journal de bord depuis que suis là. Il y a beaucoup de jeunes victimes d’accidents graves de moto, de scooter, de vélo et de trottinette qui arrivent au DAR. J’ai créé un lien très fort avec les autres parents. Mais deux familles ont été dans la douleur : durant l’hospitalisation de Lucas, deux jeunes admis après des accidents récents, l’un à scooter le 15 juin à Pérols et un automobiliste le 11 juillet à Mauguio sont décédés. Quelle immense tristesse. Je m’accroche à chaque souffle, à chaque progrès même infime de Lucas, nous recevons tant de soutien et d’amour dans cette épreuve incroyable de la vie, ma soeur vient régulièrement voir Lucas. Je suis aussi admirative de ses amis qui ont à peine 20 ans et qui se relaient auprès de lui pour le stimuler au lieu de profiter de leurs vacances d’été et ce depuis le début. Je vis au jour le jour et je ne me projette pas, sinon je deviens folle ».
Le papa est décédé en 2022
Alexandra redoute l’annonce d’éventuelles séquelles que les médecins vont diagnostiquer dans quelques semaines ou quelques mois : « Le 23 juin, à son arrivée au DAR, ils m’ont dit que Lucas ne passerait pas la nuit, car son état était gravissime. Puis, qu’il ne passerait pas les prochaines 48h. J’ai toujours refusé que mon enfant meure, c’était juste pas possible. Il a été 24 jours dans le coma. On m’a dit que les séquelles seraient sûrement très graves, je refuse que mon fils de 20 ans devienne un légume. Et puis, le miracle, depuis quelques jours, il s’est remis à parler, puis à manger. Ils ont retiré sa trachéotomie. Je vis au jour le jour et je prends chaque progrès comme une victoire, je passe 8h chaque jour à son chevet, à le stimuler. Ma vie est centrée uniquement sur lui. Les soignants me disent que c’est incroyable ce que je fais, je suis devenue ainsi infirmière, orthophoniste et kinésithérapeute, je lui ai donné ma vie il y a 20 ans et je veux le ramener à la vie. Le papa de Lucas est décédé en 2022 et je n’ai pas d’autre choix que d’être le seul parent de mes quatre enfants. Je ne sais pas si c’est du courage, mais je n’ai pas le choix en fait ».
Cliquez ici pour visualiser le contenu
« Les médecins et les soignants sont formidables »
Cette maman insiste : « Surtout soulignez la gratitude que j’aie envers tous les soignants du département anesthésie réanimation de l’hôpital Lapeyronie durant les 50 jours d’admission de Lucas. Ils ont ramené mon enfant à la vie, ils sont formidables et d’une bienveillance incroyable ». Selon Alexandra, « toute la mémoire de Lucas avant l’accident est intacte, par contre il ne se souvient pas de la sortie de route et depuis qu’il « reparle » en chuchotant, il est très confus, sa mémoire immédiate est altérée grandement et il a parfois des comportements ou des discours de « bébé » : il a pleuré ce week-end, car il pensait que j’allais manger sa compote à la pêche ! Il me dit « maman je suis inquiet quand tu n’es pas là », il geint en disant que je dois m’occuper de lui, il demande des câlins et des je t’aime tout le temps. Il ne peut pas marcher et ses polytraumatismes restent importants. À ce jour, les médecins ne peuvent se prononcer pour la suite, seul le temps le dira ».
Parcours du combattant désolant
Ce lundi 11 août 2025, Alexandra a repris le chemin du CHU de Montpellier et retrouvé Lucas dans une chambre magnifiquement décoré, comme le répètent le personnel soignant et les visiteurs. Un mur entier est tapissé de photos de famille, de beaux souvenirs, sur lesquelles on découvre un Lucas respirant la joie de vivre. Depuis son hospitalisation, il a perdu 15kg et ne pèse que 55kg pour 1,82m. « Comme chaque jour, il me fera un grand sourire. Je tiens à le nourrir, vous imaginez quand même, je donne à manger à mon fils de 20 ans comme lorsqu’il avait un an ».
Alexandra sait que ses venues au chevet de Lucas vont durer longtemps, très longtemps même, avec un obstacle inattendu qui la désole, « un parcours du combattant inacceptable face à une administration française complètement absurde. Il faut que ce soit Lucas en personne, parce qu’il est majeur, qui fasse obligatoirement toutes les démarches consécutives à l’accident et elles sont nombreuses. J’ai beau leur montrer tous les dossiers, les papiers, les certificats prouvant qu’il en est incapable en raison de son état de santé, mais rien n’y fait ». Une leçon exemplaire de cette mère courage face à une administration vraiment inhumaine. Un autre combat ubuesque, mais surtout encore pénible s’annonce pour Alexandra, qui va devoir placer Lucas sous tutelle. Elle prévient : « Jamais je n’abandonnerai Lucas ».
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.