Il est 15h49, ce jeudi 4 août. Du chapeau du massif de la Colle Noire, qui surplombe la falaise du Bau Rouge, entre Le Pradet et Carqueiranne, on distingue de la fumée. Attisé par un vent de sud-ouest, le feu serait parti, côté Pradet, de la piste des Lions, avant d’être poussé par le mistral vers Carqueiranne.
En terrain miné
L’opération est délicate. On se trouve en effet tout près du fort de la Gavaresse, propriété du Conservatoire du littoral, dans un secteur interdit au public, car dangereux. En effet, en 1949, le fort voisin de la Colle Noire, qui servait de site de stockage de munitions pendant la Seconde Guerre mondiale, explose. Sur plusieurs hectares, la colline se retrouve truffée d’obus, de grenades et de mortiers.
Pas d’appui des Canadair
Autre difficulté pour les 150 sapeurs-pompiers mobilisés et répartis en huit groupes d’intervention: les Canadair sont cloués au sol, depuis le dramatique accident qui a coûté la vie trois jours plus tôt à deux pilotes dans un crash en Corse. Heureusement, les conditions météo sont plutôt favorables, et cette absence de taille est compensée par le soutien de deux avions Tracker et trois hélicoptères bombardiers d’eau, qui prennent le relais par les airs, car les explosions de munitions, fréquentes, empêchent pour l’instant tout travail au sol.
L’incendie rapidement maîtrisé…
Les largages démarrent peu après 16h, et s’enchaînent à une cadence soutenue, facilitée par la proximité des sites de remplissage. Les Tracker font ainsi le plein de retardant sur le pélicandrome (1) tout proche de la BAN d’Hyères et assurent un passage toutes les quinze minutes, tandis que les hélicos, qui rechargent dans les piscines ou les bassins alentour, sont encore plus rapides. Si bien qu’en début de soirée, ce jeudi, les pompiers pensent avoir maîtrisé l’incendie, qui a ravagé une vingtaine d’hectares.
Quelques dizaines de villas, le camping des Arbousiers et un chenil abritant chiens et chevaux ont tout de même été évacués, soit environ 350 personnes. Mais le pire a semble-t-il été évité.
…avant de repartir de plus belle
En réalité, la trêve est de courte durée. Vers 22h, le vent change de direction, passant d’un vent d’ouest à un vent d’est, et surprend les pompiers. Il forcit, aussi, ramène les flammes sur des zones boisées, et provoque de nouvelles explosions. Sans moyens aériens et bloqués, alors que le feu se développe dans la zone « minée » et interdite d’accès, les quelque 450 pompiers mobilisés dans la nuit se concentrent sur la protection des habitations.
3.200 évacuations
Une première « saute » est signalée par-dessus la piste de la Bayarde, vers 23h. Au fil des heures, le Canebas, le Bau Rouge, les hauteurs de la Garonne s’embrasent.. Entre-temps, 3.200 personnes ont été évacuées, conduites en lieu sûr par les employés municipaux, les forces de police et les bénévoles des comités des feux de forêt: 2.000 au Pradet et 1.200 à Carqueiranne, qui ont dû quitter dans la précipitation leur domicile ou leur lieu de vacances.
Le vent change quatre fois de direction
Vers 2h du matin, le feu contourne le fort de la Gavaresse par le sud-est et redescend vers la mine. Deux heures et demie plus tard, des sautes de feu se déclenchent par-dessus le parking de la mine et tombent dans le coteau et le vallon. Avant que les flammes ne glissent vers la mer. Au total, le vent changera quatre fois de direction.
168 hectares partis en fumée
En l’absence de Canadair, deux avions Tracker (ci-dessus) et trois hélicoptères bombardiers d’eau sont venus appuyer les sapeurs-pompiers, qui ne peuvent intervenir qu’en lisière de cette zone dangereuse, piégée par les explosifs et donc inaccessible par le sol.
Le soleil se lève sur la Colle Noire, dévoilant son spectacle de désolation. 168 hectares de forêt ont été réduits en cendres. Mais l’incendie est terminé. Et, sur cette véritable « poudrière », il n’a par miracle causé que peu de dégâts. Un pompier a tout de même été légèrement blessé. Mais aucune habitation, si ce n’est un cabanon et quelques caravanes, n’a été détruite.
1. Infrastructure destinée à assurer l’approvisionnement des avions bombardiers d’eau.
Un jeune pyromane sans mobile apparent
Il a rapidement été convenu par les enquêteurs que l’origine du sinistre n’était pas accidentelle. Confondu par des témoignages, un jeune apprenti gardéen de 18 ans est interpellé par la police trois semaines après l’incendie. S’il ne reconnaît pas les faits immédiatement, il finit par avouer avoir allumé deux foyers avec un briquet, sans parvenir à expliquer clairement son geste. Jugé en 2007, il écope de sept ans de prison ferme, et est condamné à verser 444 000 euros de dommages et intérêts, dont 148 000 en faveur du Service d’incendie et de secours.
20 ans plus tard, où en est la nature ? Retrouvez notre reportage à la Colle Noire et les explications averties d’un expert de l’Office national des forêts, dans notre édition de mercredi 13 août.