À bientôt 21 ans, Patrick Tuifua a mis un terme à son souhait de devenir All Black pour céder à la tentation du Top 14 et d’un possible destin chez les Bleus. Un rêve en chasse un autre dans son parcours hors norme.

Il est Français, mais vient bien de l’autre côté du globe, d’un « Caillou » nommé Nouvelle-Calédonie. Du Pacifique à la Méditerranée, la couleur de l’eau change peu, mais le voyage est immense. Entretemps, Tuifua a vécu plusieurs vies avec des sélections chez les Bleuets, et un chemin d’adolescent du côté du Lindisfarne College en Nouvelle-Zélande. Là-bas, au gré d’un repérage et de l’obtention d’une bourse, il a songé à porter le maillot à la fougère. Tant de tractations et de choix cornéliens pour ce gamin timide, malgré ses 191 centimètres et ses 115 kg.

Présent dans l’effectif élargi des Hurricanes la saison passée, « Pat », qui travaillait encore dans le bâtiment en parallèle du rugby il y a quelques mois, a finalement été attiré par les sirènes du Top 14 et de Toulon. La cour était assidue, puisque Toulouse et Cazalbou l’ont accueilli en visite, tout comme La Rochelle. Paris et Montpellier ont aussi montré de l’intérêt. Le choix s’est tourné, malgré une proposition de contrat des Canes, vers la première entité qui lui a ouvert ses portes. En octobre 2023, dans le plus grand secret, le troisième ligne avait effectué un essai au RCT. À l’aise dans le rugby, ce passionné de pétanque avait notamment impressionné ses hôtes lors d’un exercice physique évaluant le rapport vitesse-puissance. Flashé à 36 km/h dans sa jeunesse, l’intéressé s’était installé à la deuxième place juste derrière Waisea. Du jamais-vu pour un joueur de cet âge.

Une acclimatation surveillée de près

Depuis, Toulon a gardé le « contact », dixit Emmanuelli. Le directeur sportif a fait le forcing pour ramener un profil décrit comme « unique » par plusieurs acteurs : aucun autre jeune joueur, avant lui, n’a été dragué par les fédérations néo-zélandaise et française. Bernard Lemaître, touché par sa personnalité, a joué sur la corde sensible. « Il lui fallait un climat confortable, avec sa famille. Il fallait un cocon pour faciliter son intégration, car on ne joue pas uniquement avec du financier. »

Au-delà d’un mode de vie toulonnais semblable à ce qu’il a connu dans son enfance, Tuifua a ainsi rejoint un cousin évoluant dans les équipes de jeunes du RCT et une sœur travaillant dans la région. Elle a d’ailleurs récemment emménagé avec lui, à La Valette-du-Var, pour lui faciliter sa vie en métropole. « Pour l’instant, c’est un peu le personnage d’un Indien dans la ville, image un proche du joueur. Il apprend les codes. Patrick est un garçon tranquille, loin des réseaux sociaux, qui vit son arrivée avec détachement, mais avec la volonté de s’imposer. » À Toulon d’abord, mais celui qui est couvé par Ma’a Nonu ne cache pas, en privé, qu’il ambitionne rapidement un avenir sous le drapeau bleu, blanc et rouge.