FIGAROVOX/TRIBUNE – Le maire écologiste de Grenoble a condamné fin juillet les «ghettos de riches» qui se formeraient dans sa ville. Une énième polémique inutile qui peine à masquer le bilan calamiteux de l’édile, estime Alain Carignon, ancien maire de Grenoble et candidat aux municipales de 2026.

Alain Carignon est ancien maire (RPR) de Grenoble (1983-1995), ancien ministre et candidat à la mairie de Grenoble en 2026.

Chaque commune de France est un roman. Les racines dans l’Histoire constituent ainsi un tempérament durable forgé par des événements forts qui ont imprimé les esprits, génération après génération. Une personnalité souvent complexe mais qui parle aux habitants comme aux observateurs extérieurs. Comme les autres communes de France, ni plus ni moins, Grenoble n’échappe pas à ce constat. Ainsi est née une ville traditionnellement pionnière qui a structuré son Histoire autour de trois valeurs fortes : la science, le sport et la liberté.


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Ici, la science a toujours été le creuset d’une industrie active : de l’exposition de la Houille Blanche au Synchrotron en passant par les essaimages liés au CEA, aux innovations scientifiques avec la référence à Louis Néel, Prix Nobel de physique. Le sport est indissociable de la ville de Grenoble. Les montagnes sont à notre porte immédiate comme une invitation permanente aux activités de plein air. Les JO de 1968 avec les victoires de Killy mais aussi l’alpinisme avec Lionel Terray, le vélo avec Jeannie Longo sont des références associées à Grenoble. Et la plus belle des valeurs : la liberté, valeur ancrée dès 1788 avec la Journée des Tuiles, mais aussi la Résistance avec une ville faite Compagnon de la Libération. Puis plus près de nous, les radios locales, le 1er référendum municipal en France, etc. : toutes ces étapes qui ont construit un tempérament grenoblois aimant la fraîcheur des avancées collectives.

Avec sa polémique sur les «ghettos de riches», Éric Piolle trahit une fois de plus cette histoire. Après une manifestation contre l’état d’urgence après le Bataclan, la suppression des fêtes chrétiennes ou l’autorisation du burkini dans les piscines municipales. C’est cohérent avec son passif mais grave pour notre ville. Grenoble ville – centre d’une agglomération est devenue un îlot déserté par les habitants de sa périphérie, marginalisée au sein de la métropole où ses élus engagent des polémiques permanentes contre une autre fraction de la gauche locale qui détient le pouvoir. La délinquance est maintenant la «nouvelle industrie» avec le ravage de la drogue et son cortège de drames. Les chiffres parlent : selon le ministère de l’Intérieur, nous sommes devenus les premiers pour la délinquance pour 1000 habitants. Les commerces ferment et notre taux de vacance commerciale est le double de certaines grandes villes comparables. La ville des conquêtes qui font envie est ainsi devenue celle des passifs qui font peur.

Éric Piolle crée une ère post-vérité où les chiffres du quotidien n’ont plus leur place tant ils ont de quoi inquiéter

Alain Carignon

Éric Piolle a massacré l’actif grenoblois historique. Incapable de faire, avec ses proches, leur énergie est consacrée à tirer autrui vers le bas. La ville est idéologiquement enfermée dans les thématiques régressives et stigmatisantes de l’extrême gauche. Elle a aussi perdu sa grande tradition des débats ouverts. Éric Piolle est ainsi devenu le «tristouille» de Grenoble. Tout est triste. À l’abandon par exemple de l’espace public. Excluant l’autre, ils incarnent l’américanisation des villes : leur violence devenue la voisine qui peut s’inviter à chaque instant n’importe où à n’importe quelle heure… Bref, une jungle qui devient une cité à fuir dans laquelle les plus modestes sont assignés à résidence : 8 000 locataires de HLM demandent à quitter leur appartement pour un quartier apaisé qui n’existe pas.

C’est aussi la trumpisation des récits : désigner en permanence des adversaires pour créer un évitement face aux vrais enjeux. Créer une ère post-vérité où les chiffres du quotidien n’ont plus leur place tant ils ont de quoi inquiéter. Ainsi Grenoble est devenue la première de sa catégorie pour le taux de taxe foncière et la dernière pour la valeur des biens, écrasant les propriétaires du «permis de louer», de l’encadrement des loyers, de la menace de réquisitions. La ville compte près de 10 % de plus de familles que la moyenne qui vivent en dessous du taux de bas revenus. Des quartiers entiers sont abandonnés, ghettoïsés. Grenoble est devenue la première grande ville de France pour les îlots de chaleur dus à la «bétonisation» systématique. Ainsi l’une des supposées «vitrines écologiques» du parti des Verts sera aussi une ville qui aura handicapé durablement la possibilité d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Une ville ne doit pas rester en quête de vérités. Le déni et l’évitement ne peuvent s’installer comme des priorités de gestion ou de débats. C’est tout l’enjeu des prochains mois : sauver Grenoble. Une nécessité qui passe par l’acceptation des vraies crises qui attendent la ville, la plus lourde étant la financière et l’énoncé de vraies solutions. C’est aussi ce qui garantira la très large mobilisation citoyenne indispensable donnant la légitimité irremplaçable pour ouvrir une belle nouvelle page de l’Histoire de la capitale du Dauphiné : réconcilier Grenoble avec son Histoire et avec ses habitants, tous ses habitants sans la moindre exception.