Il l’a promis et il l’a fait. Donald Trump a nommé lundi le nouveau chef de l’agence de statistiques économiques de l’emploi (le BLS) des États-Unis : E.J. Antoni. Ce dernier est l’actuel chef économiste de la Heritage Foundation, un centre de réflexion conservateur.

« Notre économie est en plein essor, et E.J. veillera à ce que les chiffres publiés soient HONNÊTES et EXACTS », a commenté le président américain sur le réseau Truth social. Son choix devra néanmoins être validé par le Sénat, où les républicains disposent de la majorité.

E.J. Antoni est titulaire d’un doctorat en économie et a été auparavant économiste à la Texas Public Policy Foundation, un autre think tank américain conservateur. Nul doute qu’il corresponde à la ligne idéologique de Trump puisque l’économiste a déjà publié sur le site du centre de réflexion des articles en faveur de la politique du président américain.

Mais par-dessus tout, il s’est déjà montré critique envers le BLS, notamment l’année dernière dans un article d’opinion du New York Post. « Le département du Travail de Biden-Harris semble exister dans un monde imaginaire », avait-il alors écrit. L’économiste en chef avait, par ailleurs, participé au « Projet 2025 » de la Heritage Foundation, un ensemble de près de 1000 pages de propositions politiques conservatrices pour réformer le gouvernement américain.

Des chiffres « truqués »

Cette nomination intervient après le renvoi par le président américain d’Erika McEntarfer, l’économiste qui dirigeait l’institution depuis début 2024. Donald Trump lui a reproché d’avoir manipulé les chiffres de l’emploi à des fins politiques. « À mon avis, les chiffres de l’emploi publiés ont été truqués, afin de nuire à l’image des républicains et à la mienne », avait-il ainsi déclaré début août sur son réseau Truth Social.

Les chiffres de l’emploi sortis étaient, en effet, moroses. Mais ce sont surtout les révisions des chiffres de créations d’emplois en mai et en juin qui ne sont pas passées auprès du président. L’agence de statistiques avait annoncé à l’origine 139 000 emplois créés en mai, un chiffre revu à 19 000… Pareil pour le mois de juin, où les créations d’emplois sont passées de 147 000 à… 14 000. Si l’ampleur des écarts entre les chiffres a fait tiquer de nombreux observateurs, ce n’est pas une grande première. Le bureau des statistiques collecte les données sur l’emploi sous forme d’enquête, mais ils ne reçoivent pas toujours à temps les réponses des entreprises.

Pour décrédibiliser jusqu’au bout le BLS, Trump a présenté jeudi dernier une tout autre version des statistiques sur l’emploi à la Maison-Blanche, en présence de Stephen Moore, un autre économiste conservateur de la Heritage Foundation. Ce dernier a ainsi déclaré que « durant les deux dernières années du gouvernement de Joe Biden, le Bureau des statistiques de l’emploi (BLS) avait surestimé les créations d’emploi de 1,5 million d’unités ».

Une institution indépendante

Cette nomination, critiquée par les économistes, risque de poser problème alors que le BLS est réputé pour son indépendance. En outre, ses publications sont suivies de près par les marchés financiers du monde entier, qui ont besoin de données objectives. Le renvoi d’Erika McEntarfer avait déjà provoqué le courroux de nombreux économistes. William Beach, l’ancien commissaire du BLS, avait notamment affirmé que cela nuirait à la « crédibilité » de l’agence. Le NABE, une association américaine d’économistes, avait dénoncé des « attaques sans précédent du président contre l’indépendance et l’intégrité du système statistique fédéral ».

Par ailleurs, le bureau des statistiques fait face à de nombreux défis. Il lutte pour récolter assez de données, et le manque de personnel de plus en plus important pourrait aussi à terme réduire la qualité des publications. « Les révisions importantes apportées aux chiffres de l’emploi ces dernières années ne reflètent pas une manipulation, mais plutôt la diminution des ressources allouées aux agences statistiques », a aussi estimé le NABE. Des défis auxquelles va également devoir faire face E.J. Antoni.