L’homme des missions les plus sensibles de Vladimir Poutine est aujourd’hui (quelque peu) en délicatesse avec le président russe. Dmitri Kozak, opposé en privé à l’invasion russe de l’Ukraine, a perdu le pouvoir qu’il avait au Kremlin au profit d’un autre allié de premier plan du président russe, Sergueï Kirienko, qui a lui soutenu l’intervention militaire, rapporte The New York Times (NYT).

Devenu Premier ministre en 1999, Vladimir Poutine nomme ce proche collaborateur aujourd’hui âgé de 66 ans au poste de chef de cabinet. Auparavant, ce juriste né en Ukraine, qui a servi dans les forces spéciales soviétiques, a été l’un des proches conseillers de Vladimir Poutine à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 1990. Vladimir Poutine fait également de lui son nouveau représentant présidentiel pour le sud de la Russie, dans le Caucase, en 2004, après la prise d’otages de Beslan en Ossétie du Nord. Il s’occupe alors à ce titre de la situation en Tchétchénie que Moscou présente volontiers comme « normalisée » depuis la guerre lancée fin 1999. Lorsque la Russie remporte la candidature pour l’organisation des Jeux olympiques d’hiver en 2007, sept ans plus tard, à Sotchi, Dmitri Kozak dirige les préparatifs. Et quand Vladimir Poutine annexe la Crimée en 2014, son fidèle soutien supervise son intégration à la Russie.

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S’il a été actif en coulisses pendant plus de deux décennies au côté de Vladimir Poutine, de nos jours, Dmitri Kozak n’est plus responsable de grand-chose, une grande partie de ses pouvoirs ayant été transférés à Sergueï Kirienko, selon trois proches du Kremlin, un contact occidental de Dmitri Kozak et un responsable américain interrogés par The New York Times. Selon ces sources, Dmitri Kozak, qui menait les négociations sur l’Ukraine jusqu’à l’invasion russe de février 2022, aurait déçu Vladimir Poutine dans la mesure où il aurait clairement fait savoir qu’il pensait que l’invasion de l’Ukraine était une erreur.

L’opposition à la guerre en Ukraine

Avant le début de la guerre, Dmitri Kozak s’y est opposé lors d’une réunion du Conseil de sécurité, selon des informations de presse ultérieures et deux sources proches du Kremlin interrogées par le quotidien américain. Plusieurs jours après le début de l’invasion, Vladimir Poutine a rejeté un accord de paix que Dmitri Kozak disait avoir négocié avec l’Ukraine, selon un article de Reuters de 2022 et les deux sources proches du Kremlin sollicitées par le NYT. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, Dmitri Kozak aurait déclaré en privé avoir déconseillé au président russe de le faire.

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Plus récemment, en 2025, Dmitri Kozak aurait confié à ses proches avoir présenté au président russe une proposition visant à mettre fin aux combats et à engager des négociations de paix, ont indiqué les sources proches du Kremlin. Ces dernières ont ajouté que Dmitri Kozak avait également exhorté Vladimir Poutine à entreprendre des réformes internes, notamment en plaçant les puissantes agences de sécurité russes sous la surveillance du gouvernement et en instaurant un système judiciaire indépendant.

« Donnez-moi des arguments »

Vladimir Poutine semble avoir utilisé Dmitri Kozak comme intermédiaire auprès d’émissaires occidentaux officieux, proches de responsables occidentaux. Selon un contact occidental de Dmitri Kozak qui l’a rencontré à plusieurs reprises depuis 2022, ce dernier a clairement exprimé son désaccord avec l’invasion russe. « Donnez-moi des arguments », disait souvent Dmitri Kozak. D’après cette source, Dmitri Kozak cherchait des idées pour persuader Vladimir Poutine de changer de cap. En vain.

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Alors que Vladimir Poutine massait des troupes en 2021, Dmitri Kozak, engagé depuis longtemps contre l’orientation occidentale de l’Ukraine, a cependant informé les diplomates américains des méfaits du gouvernement ukrainien. John J. Sullivan, ambassadeur des Etats-Unis à Moscou jusqu’en 2022, écrit dans ses mémoires que Dmitri Kozak « soufflait la fumée de ses cigarettes à filtre doré au visage du secrétaire adjoint et se lançait dans de longs monologues sur le régime perfide et malfaisant de Kiev ».

La position critique de Dmitri Kozak semble avoir précipité l’effondrement de sa relation avec Vladimir Poutine, constate le quotidien américain. L’ex-conseiller très proche du président russe a largement cessé d’apparaître en public, tandis que Sergueï Kirienko, premier chef d’état-major adjoint, s’est rendu fréquemment en Ukraine occupée. De nombreuses responsabilités de Dmitri Kozak concernant certaines régions de l’ex-Union soviétique, comme la Moldavie et les régions séparatistes de Géorgie, ont depuis été transférées à Sergueï Kirienko, ont indiqué des sources proches du Kremlin.

Malgré cette perte d’influence, Dmitri Kozak a conservé un certain accès à Vladimir Poutine. Le fait que le président russe le garde parmi ses proches semble refléter la loyauté du maître du Kremlin envers ses lieutenants de longue date. Dmitri Kozak est le seul haut responsable proche de Vladimir Poutine connu pour exprimer en privé son désaccord avec la guerre, selon des sources proches du Kremlin. Jusqu’à quand ?