Une nature morte de Lubin Baugin, peintre majeur du XVIIe siècle, qui préfigure les compositions de Chardin, sera bientôt mise aux enchères à Vichy. « L’œuvre, en bon état, est considérée comme inestimable », selon la maison de ventes. La rareté de ses tableaux sur le marché en fait un événement.
Au 16 avenue de Lyon à Vichy, dans une salle de la maison Vichy Enchères, sera mise en vente le samedi 16 août une huile sur bois représentant une table garnie d’entremets, de pain et de vin, attribuée au peintre Lubin Baugin (1612-1663). L’œuvre, estimée entre 200 000 et 300 000 € est l’une des seules natures mortes de l’artiste : avant cette découverte exceptionnelle chez un particulier à Paris, on n’en connaissait que quatre, dont les célèbre Dessert de gaufrettes et Nature morte à l’échiquier, toutes deux conservées au Louvre. Une vente qui se fera sous le marteau d’Étienne Laurent et qui promet d’attirer passionnés, collectionneurs et curieux.
Un tableau exceptionnel
Si le tableau est exceptionnel en raison de sa rareté, il l’est également pour sa qualité. Peinte vers 1630, la Nature morte aux financiers (46,5 x 60 cm) célèbre les entremets, alors réservés à une élite privilégiée. Sur une table nappée de vert sont posées, au centre de la composition, deux assiettes en étain qui contiennent des visitandines (nom original des financiers donné au XVIIe siècle), des fruits secs et des cristaux de sucre. À gauche, une coupe en cristal est à moitié remplie de vin tandis qu’à droite est posée une miche de pain. Un couteau et une des assiettes dépassent légèrement dans le vide. Ce détail donne à l’œuvre une profondeur et un équilibre instable qui rompent avec la fixité du genre, et qui rappelle Le Dessert de gaufrettes (1630-1635) du même artiste, conservé au musée du Louvre. Une composition audacieuse qui « préfigure certains effets que l’on retrouvera un siècle plus tard chez Chardin » explique René Millet, spécialiste de tableaux et dessins anciens.
Lubin Baugin, Nature morte aux financiers, 1630, huile sur bois, 46,5×60 cm © Studio Sebert /Vichy Enchères
La trivialité du pain dans une œuvre qui manifeste une vie fastueuse peut d’abord étonner. Mais associer au verre de vin de l’autre côté de la peinture, ils sont une référence christique. Dès lors, il y a dans cette nature morte une tension entre le profane et le sacré. Mais Baugin n’oublie pas de souligner leur vanité en peignant une visitandine entamée et en glissant subtilement entre deux d’entre elles une pièce de monnaie.
Lubin Baugin, Nature morte aux financiers (détail), 1630, huile sur bois, 46,5 x 60 cm © Studio Sebert /Vichy Enchères
Enjeu pour l’histoire de l’art
Étienne Laurent, le commissaire-priseur de la vente avait découvert le tableau par hasard en novembre 2024, lors d’un inventaire chez un particulier à Paris « ayant un lien étroit avec l’Auvergne ». Pour lui, « cette œuvre rare vient enrichir de façon décisive le corpus encore trop limité des natures mortes françaises du XVIIe siècle ». En effet, si les natures mortes sont abondantes dans la peinture flamande, elles sont plus rares dans le paysage artistique français. L’Académie royale jugeait ce genre inférieur à la peinture religieuse ou d’histoire. De sorte que seuls quelques maîtres comme Sébastien Stoskopff ou François Desportes se consacraient à la nature morte. Ils vendaient leurs œuvres à une clientèle privée bourgeoise, disséminant leurs œuvres dans des collections particulières, ce qui augmente encore leur rareté. La vente d’un Baugin apparaît donc comme un moment extraordinaire et devrait attirer collectionneurs et passionnés et probablement des musées (le Louvre conserve déjà deux natures mortes de Baugin).
Lubin Baugin, Le Dessert de gaufrettes, 1630-1635, huile sur bois © Musée du Louvre
Autour de la vente
La veille de la vente, le spécialiste de tableaux et dessins ancien René Millet donnera une conférence sur le tableau à Vichy Enchères. Il présentera la vie du peintre, ses œuvres et s’attardera sur le tableau. La conférence aura lieu à 15h le 15 août et sera ouverte à tous. À l’issue de cette conférence, les visiteurs pourront déguster un « Baugin », une interprétation contemporaine des visitandines faite par le pâtissier vichyssois Julien Meunier pour prolonger l’expérience esthétique par une expérience gastronomique en hommage au peintre.
Lubin Baugin, détail de la signature de Nature morte aux financiers, 1630, huile sur bois, 46,5 x 60 cm © Studio Sebert /Vichy Enchères
Vichy-Enchères
16 avenue de Lyon, 03200 Vichy
Conférence le vendredi 15 août à 15h
Vente le samedi 16 août à 14h
Vichy Enchères