« La société a changé »
« Quand on nous dit que les restaurateurs connaissent une baisse de fréquentation de 20%, ce n’est pas tout à faire juste. » Bernard Boutboul est président de Gira, un cabinet de conseil devenu référence en matière d’étude de la consommation alimentaire hors domicile.
« Si une partie des restaurateurs connaît une décroissance, constate l’expert, une autre partie, elle, gagne du terrain. »
Dans une étude publiée sur la restauration en 2024, le cabinet parle d’une transformation profonde du secteur. Là où, il y a 20 ans, la France comptabilisait un restaurant pour 238 habitants, le ratio est désormais d’une structure pour 168 habitants.
Malgré un marché « vulnérable », exigeant « une capacité d’adaptation constante et une remise en question permanente du modèle économique ».
Pénurie de personnel
Car les habitudes des Français au restaurant, en effet, ne sont plus les mêmes. Et de fait, l’offre doit s’adapter.
« Aujourd’hui, pour s’en sortir, il faut être bon en mutation, bon en gestion de l’inflation et en management alors qu’il y a une forte pénurie de personnel », commente Bernard Boutboul.
Sans compter le contexte économique. « Il y a eu des loupés, explique l’expert. Prenez l’inflation entre 2022 et 2024, elle a été de 16% et répercutée à 23% sur les cartes. La France reste malgré tout un pays de gourmets, mais la société a changé. »
Et de souligner, par exemple, la vivacité du secteur fast food « de qualité », qui gagne du terrain, par rapport à la restauration traditionnelle.
Consommateurs nouvelle génération
Si les Français ne boudent pas les restaurants, ils n’y vont plus de la même manière, inflation et pouvoir d’achat en berne oblige.
Là, où, auparavant, la restauration traditionnelle proposait entrée, plat, dessert, le tout arrosé d’une bonne bouteille de vin, aujourd’hui, les consommateurs préfèrent un plat plaisir avec un verre de vin, par exemple.
« Les gens structurent leurs sorties différemment, explique Bernard Boutboul. Chez les CSP (catégories socioprofessionnelles), on enregistre une baisse de 30% de fréquentation, c’est vrai. Mais quand cette catégorie va au restaurant, elle y va à fond. Moins, mais avec une recherche de qualité et dans l’idée de se faire plaisir. »
Même changement chez les CSP +. « Ces derniers continuent d’aller au restaurant, voire, plus qu’auparavant. Mais là où ils consommaient l’entrée-plat-dessert, aujourd’hui, ils vont privilégier un plat et une boisson. »
Rythme de vie et baisse des moyens ont changé la donne. « En 2025, on constate un report des consommateurs du littoral à la campagne, mais c’est tout simplement parce que les prix en bord de mer sont devenus exorbitants « , poursuit Bernard Boutboul.
« Il faut être très astucieux avec les cartes, les gens veulent composer leur repas. Regardez la génération Z au sens large, ils observent un rapport expérience/prix, là où les générations précédentes, elles, privilégient le rapport qualité/prix. »