L’administration du président Donald Trump a réduit la portée d’un rapport clé du gouvernement américain sur les droits de l’homme dans le monde, atténuant de manière significative les critiques à l’encontre de certains pays qui sont de solides partenaires du président républicain.
Parmi ces nations figurent le Salvador et Israël, qui, selon les organisations de défense des droits humains, présentent pourtant de lourds bilans en matière d’abus.
À l’inverse, le très attendu Rapport 2024 sur les droits de l’homme du Département d’État américain a tiré la sonnette d’alarme sur l’érosion de la liberté d’expression en Europe et a intensifié ses critiques envers le Brésil et l’Afrique du Sud, avec lesquels Washington s’est confronté sur de nombreux sujets.
Toute mention de critiques envers les gouvernements concernant leur traitement des droits LGBTQI, présente dans les éditions du rapport sous l’administration Biden, semble avoir été en grande partie omise.
Washington a principalement qualifié l’invasion de l’Ukraine par la Russie de « guerre Russie-Ukraine ».
La section du rapport consacrée à Israël est bien plus succincte que celle de l’an dernier et ne mentionne ni la grave crise humanitaire ni le nombre de morts à Gaza.
Selon le ministère de la Santé de Gaza, plus de 61 000 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza à la suite de l’offensive militaire israélienne lancée après l’attaque du groupe palestinien Hamas en octobre 2023.
Le rapport a été retardé de plusieurs mois, des responsables nommés par Trump ayant profondément modifié une première version du Département d’État pour l’aligner sur les valeurs « America First », selon des responsables gouvernementaux ayant requis l’anonymat.
Le document introduit de nouvelles catégories telles que « Vie », « Liberté » et « Sécurité de la personne ».
« Il n’y a pas de rapports crédibles d’abus significatifs des droits de l’homme », affirme le rapport 2024 à propos du Salvador.
Ce constat tranche nettement avec celui du rapport 2023, qui évoquait des « problèmes importants en matière de droits humains » et recensait des rapports crédibles d’exécutions illégales ou arbitraires, de torture et de conditions carcérales dures et mettant la vie en danger.
Les relations bilatérales entre Washington et le Salvador se sont renforcées depuis l’arrivée de Trump, son administration ayant expulsé des personnes vers le Salvador avec l’aide du président Nayib Bukele.
Le pays reçoit 6 millions de dollars des États-Unis pour héberger ces migrants dans une méga-prison de haute sécurité.
Des critiques estiment que le rapport répond à des motivations politiques.
« Le rapport montre ce qui se produit lorsque les agendas politiques priment sur les faits », déclare Josh Paul, ancien fonctionnaire du Département d’État et directeur de l’organisation non gouvernementale A New Policy.
« Le résultat est un document considérablement abrégé, qui ressemble davantage à un communiqué de propagande soviétique qu’à une production d’un système démocratique. »
La porte-parole du Département d’État, Tammy Bruce, a indiqué que le rapport avait été restructuré pour en améliorer la lisibilité et ne constituait plus une longue liste de « revendications et assertions politiquement biaisées ».
Bruce a refusé de répondre à des questions spécifiques concernant certains pays et n’a pas expliqué pourquoi la liste des violations des droits au Salvador avait été retirée.
DES ÉVALUATIONS DIVERGENTES
L’administration Trump s’est éloignée de la promotion traditionnelle de la démocratie et des droits humains par les États-Unis, la considérant comme une ingérence dans les affaires d’autres pays, tout en critiquant de façon sélective certains États, en accord avec sa politique générale envers ces derniers.
Un exemple est l’Europe, où les responsables de l’administration Trump sont intervenus à plusieurs reprises dans la vie politique pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une répression des dirigeants de droite, notamment en Roumanie, en Allemagne et en France, accusant les autorités européennes de censurer des opinions telles que les critiques de l’immigration.
Depuis des décennies, le Rapport sur les droits de l’homme du Département d’État, exigé par le Congrès, sert de référence pour la défense des droits humains à l’échelle mondiale.
Le rapport de cette année a été élaboré à la suite d’une importante réorganisation du Département, qui s’est traduite par le licenciement de centaines de personnes, dont de nombreux membres du Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail, principal rédacteur du rapport.
En avril, le secrétaire d’État Marco Rubio a publié une tribune affirmant que ce bureau était devenu une plateforme pour les « activistes de gauche » et promettant que l’administration Trump le réorienterait vers la défense des « valeurs occidentales ».
Au Brésil, où l’administration Trump s’est heurtée au gouvernement, le Département d’État a constaté une dégradation de la situation des droits humains, alors que le rapport 2023 n’avait relevé aucun changement significatif.
Le rapport de cette année cible les tribunaux, affirmant qu’ils ont pris des mesures portant atteinte à la liberté d’expression et supprimé de manière disproportionnée les propos des partisans de l’ex-président Jair Bolsonaro, entre autres.
Bolsonaro est jugé devant la Cour suprême, accusé d’avoir comploté avec ses alliés pour renverser par la force sa défaite électorale de 2022 face au président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
Trump a qualifié cette affaire de « chasse aux sorcières » et l’a utilisée pour justifier un tarif douanier de 50 % sur les produits brésiliens.
En Afrique du Sud, dont le gouvernement est accusé par l’administration Trump de discrimination raciale envers les Afrikaners, le rapport de cette année évoque une nette détérioration de la situation des droits humains.
Il y est écrit : « L’Afrique du Sud a franchi une étape particulièrement inquiétante vers l’expropriation des terres des Afrikaners et d’autres abus envers les minorités raciales du pays. »
Dans le rapport de l’année précédente, le Département d’État n’avait constaté aucun changement significatif en Afrique du Sud.
Trump a publié cette année un décret ordonnant que les États-Unis accueillent des Afrikaners.
Il les a décrits comme victimes de « violences envers des propriétaires terriens défavorisés sur le plan racial », des accusations reprises par l’extrême droite mais contestées par le gouvernement sud-africain.
L’Afrique du Sud a rejeté les conclusions du rapport, le qualifiant de biaisé, inexact et décevant.
« Il est ironique qu’un rapport émanant d’une nation ayant quitté le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, et ne se considérant donc plus redevable d’un système d’examen par les pairs multilatéral, cherche à produire des rapports unilatéraux sans fondement et sans aucune procédure régulière ou dialogue, » a déclaré le gouvernement.