David Grossman, Avishai Cohen, Ohad Naharin et tant d’autres ont signé une pétition en faveur de la paix à Gaza. Celle-ci fait écho à de nombreuses voix en Israël opposées à la politique folle de Benjamin Nétanyahou. Le 31 juillet 2025, à Tel Aviv, lors d’une manifestation contre la guerre à Gaza.

Le 31 juillet 2025, à Tel Aviv, lors d’une manifestation contre la guerre à Gaza. Photo Saeed Qaq/Anadolu/AFP

Par Valérie Lehoux

Publié le 12 août 2025 à 15h01

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Et si un tournant, enfin, s’amorçait sous nos yeux, porté par les artistes israéliens… Début août, mille d’entre eux, dont les écrivains David Grossman, Zeruya Shalev, Etgar Keret, le musicien Avishai Cohen, le chorégraphe Ohad Naharin, ont signé une pétition pour dire leur horreur de la guerre. « En tant qu’hommes et femmes de culture et d’art en Israël, nous nous retrouvons, contre notre volonté et nos valeurs, complices — en tant que citoyens israéliens — de la responsabilité des événements horribles [qui se déroulent] dans la bande de Gaza. » Depuis que Benjamin Nétanyahou a annoncé son intention d’occuper la ville de Gaza ; depuis, aussi, que le spectre de la famine se précise chaque jour un peu plus, l’écœurement s’exprime comme jamais en Israël. Aux voix des militants pacifistes, trop peu relayées (notamment à l’étranger) mais qui ne se sont jamais tues, à celles d’universitaires israéliens signataires de tribunes, d’autres se joignent aujourd’hui. Trois cents architectes et urbanistes viennent de publier une pétition, « Stop à la destruction – Oui à la reconstruction de Gaza ». Au début du mois, cinq cent cinquante anciens responsables de l’appareil sécuritaire réclamaient la fin d’une guerre « qui a cessé d’être juste » — jusqu’à appeler Donald Trump à l’aide. Des photos d’enfants gazaouis, décharnés ou blessés, sont apparues dans les manifestations.

En mars dernier, la rupture du cessez-le-feu par Israël et son blocus de l’aide humanitaire le montraient déjà : le gouvernement Nétanyahou semble avoir perdu le peu de raison qui lui restait, engendrant une dévastation sans fin pour les Gazaouis — tandis qu’en Cisjordanie les crimes des colons se multiplient en toute impunité. Entraînant aussi son propre pays dans une spirale mortifère qui pourrait lui être fatale, et qui déjà le déchire de l’intérieur. Dans sa majorité, la société israélienne sera longtemps restée sourde aux souffrances des Gazaouis, envahie par sa propre douleur, par son désir immense de voir libérer les otages, et par la peur existentielle qui l’a saisie le 7 Octobre — les massacres de ce jour-là resteront historiques non seulement par leur ampleur, mais parce qu’ils montrèrent la vulnérabilité d’un État conçu, avant même sa création, comme un refuge.

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En publiant la vidéo d’un otage squelettique en train de creuser le sol comme s’il creusait sa propre tombe, le Hamas savait d’ailleurs très bien ce qu’il faisait : il bouleversait l’opinion israélienne, donnant un nouvel argument à un Nétanyahou, fort doué pour instrumentaliser le sort de ces otages — même si les faits ont prouvé qu’il ne s’en soucie guère, nombre d’entre eux étaient des militants pacifiques de gauche. Face à ces deux folies qui s’alimentent, qui ne cherchent que l’affrontement, l’appel des artistes aidera-t-il à sortir du chaos ? Le point de non-retour est proche. « Ne renoncez pas aux principes de la morale humaine et aux valeurs du judaïsme ! Arrêtez la guerre. Libérez les otages ! »