► En bref

  • Un projet de loi européen vise à renforcer la lutte contre la pédocriminalité
  • Ce texte fait face à une opposition en lien avec certains dispositifs techniques
  • Le principal problème repose sur un mécanisme mettant en danger le chiffrement des messageries

Connaissez vous le projet de détection CSAM ? Ce texte de loi, dont l’acronyme signifie Child Sexual Abuse Material, vise à faciliter la détection et la lutte contre les contenus pédopornographiques sur le web à l’échelle de l’Union Européenne. Sur la table depuis 2022, le projet CSAM n’a cependant jamais été voté, faute de majorité au sein du Conseil de l’Union Européenne. La raison est simple : au sein du projet de loi, un certain nombre de dispositions ont soulevé des préoccupations en matière de respect de la vie privée et des droits élémentaires du citoyen.

Mais voici que le texte, que l’on pensait abandonné, fait son retour dans l’agenda législatif du Parlement Européen.

Le Danemark réintroduit le projet de loi CSAM

C’est ainsi que le Danemark, détenteur de la présidence européenne du 1er juillet 2025 au 31 décembre prochain, a décidé de réintroduire le projet de loi dans le programme législatif du Conseil, et ce dès le premier jour. Ainsi, on le sait depuis le 1er juillet dernier, les débats concernant le texte auront lieu dès le 14 octobre 2025 à Bruxelles. Pour l’heure, 18 des États membres semblent se positionner en faveur du projet de loi, avec notamment la France, l’Espagne et l’Italie dans les soutiens au dispositif de détection CSAM. L’Allemagne, de part son récent changement de gouvernement, doit encore faire connaître sa position.

 

Pourquoi le projet Chat Control fait polémique ?

Mais le retour de ce texte dans l’agenda européen fait des vagues. Si, bien sûr, l’objectif de renforcer la sécurité en ligne et de monter en puissance dans la lutte contre les contenus pédopornographiques fait l’unanimité, ce sont plutôt les moyens envisagés qui sont critiqués. Ainsi, la proposition initiale comporte des mesures incluant un contrôle systématique des échanges au sein de l’espace européen, afin de détecter automatiquement d’éventuels contenus pédocriminels.

Un système critiqué tant pour ses limites techniques, avec un très fort risque de faux positifs venant noyer le dispositif sous les vérifications humaines et ralentir le travail des forces de l’ordre, que pour ses limites juridiques. Car la mécanique Chat Control, ainsi appelée par ses détracteurs, pourrait selon les juristes européens entrer en conflit avec la Charte des droits fondamentaux ainsi qu’avec la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Un facteur aggravé par la volonté des défenseurs du texte de saper tout concept de chiffrement des échanges.

Vers la fin du chiffrement des conversations ?

Car pour fonctionner, le dispositif Chat Control doit pouvoir accéder aux données côté client, avant chiffrement et envoi vers un interlocuteur. Un mécanisme qui requiert donc l’installation d’une porte dérobée au sein des applications de messagerie telles que Telegram, Signal ou encore WhatsApp. Et c’est justement ce point qui cristallise l’essentiel des oppositions : en mettant en place une surveillance indiscriminée à l’échelle européenne, le législateur viendrait de fait rendre obsolète le principe même de chiffrement des messages. Pour y parer, certains États européens ont proposé diverses alternatives (opt-in…), sans succès pour l’heure.

Alors, c’est avec un gros point d’interrogation au-dessus de nos messageries que s’écrira l’automne prochain. Si la détection CSAM est un objectif essentiel, afin de garantir un internet plus sûr à tous les utilisateurs, reste encore à voir si cela se fera, ou non, au détriment des droits individuels et de la liberté d’expression. D’ici là, un règlement transitoire a été adopté, permettant la détection CSAM sur la base du volontariat des entreprises de messagerie jusqu’en avril 2026.